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«Ya houkâm al-‘âr !» : à Tunis, la rue se soulève contre les trahisons

Tunis manifeste pour Gaza

Tunis manifeste pour Gaza. Crédit photo : Yacine Gaïdi

La scène est saisissante : des milliers de Tunisiens massés devant l’ambassade d’Égypte, en plein cœur de Tunis, scandant à l’unisson « Ya houkâm al-‘âr ! » — « Ô dirigeants de la honte ! ». Une clameur puissante, chargée de rage et de dignité, qui résonne bien au-delà de l’avenue de la Liberté.

Ce samedi, la capitale tunisienne a renoué avec sa tradition de protestation solidaire. Mais le rassemblement du jour dépasse le simple cadre d’un soutien au peuple palestinien. Il désigne des responsables directs : les régimes arabes eux-mêmes, accusés de trahison, d’inaction, voire de complicité.

L’ambassade d’Égypte prise pour cible symbolique

Ce n’est pas un hasard si la foule s’est dirigée vers l’ambassade égyptienne. Depuis des mois, Le Caire est accusé de jouer un double jeu : médiateur officiel entre Israël et le Hamas, tout en maintenant, avec Israël, le blocus de Gaza par le poste frontalier de Rafah. Cette position ambiguë, nourrie d’intérêts géopolitiques, suscite l’ire d’une opinion arabe de plus en plus désabusée.

Ce samedi, les manifestants n’ont pas mâché leurs mots. Ils ont dénoncé l’indifférence, l’hypocrisie, les alliances de coulisses et les normalisations rampantes. Les drapeaux palestiniens flottaient en masse. Mais les slogans allaient bien au-delà du soutien traditionnel : ils incarnaient une rupture.

Une fracture entre les peuples et leurs dirigeants

Ce cri de colère populaire n’est pas un événement isolé. Il s’inscrit dans une séquence régionale de mobilisation : en Jordanie, au Maroc, en Algérie ou au Liban, des voix s’élèvent pour dénoncer la gestion cynique de la question palestinienne par les pouvoirs en place. Ces mobilisations disent toutes la même chose : la rue arabe n’en peut plus de voir la cause palestinienne utilisée, diluée, marchandée.

Le slogan « Ya houkâm al-‘âr » en est devenu l’étendard. Il ne s’adresse pas seulement à l’Égypte, mais à l’ensemble des gouvernements arabes, accusés d’avoir tourné le dos à leur propre histoire, à leurs propres peuples.

Un thermomètre de la dignité

Tunis a toujours été un baromètre. Depuis la révolution de 2011, la rue y est restée éveillée, malgré les désillusions post-révolutionnaires. Ce samedi, elle a rappelé que la dignité, la solidarité, et la fidélité à la cause palestinienne restaient vivantes. Et que les peuples, eux, n’ont rien oublié.

Ce qui s’est exprimé dans les rues de la capitale tunisienne n’est pas un simple cri d’indignation. C’est un avertissement. Une affirmation. Celle d’une génération qui refuse d’être complice, qui rejette le silence et la résignation. Une génération qui, en encerclant l’ambassade d’un régime frère, désigne le vrai front : celui de la honte et de la trahison de la cause palestinienne.

Djamal Guettala

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