L’Algérie ne se contente plus d’exprimer une inquiétude de principe. Face à l’escalade militaire dans les provinces yéménites de Hadramout et d’Al-Mahra, Alger met en garde contre ce qu’elle considère comme une dérive grave menaçant l’existence même de l’État yéménite. Dans un communiqué publié le 27 décembre, le ministère des Affaires étrangères évoque des « développements graves » qui compromettent directement la sécurité, la stabilité et l’unité nationale du Yémen.
Le ton est sans ambiguïté. L’Algérie voit dans les récents événements bien plus qu’un épisode militaire : une dynamique de fragmentation territoriale nourrie par des agendas extérieurs et des logiques de force. En appelant les parties yéménites à la « responsabilité » et à la « retenue », Alger rappelle une ligne constante de sa diplomatie : aucun règlement durable ne peut naître de l’imposition militaire ni de la création de faits accomplis sur le terrain.
Depuis début décembre, le Conseil de transition du Sud (CTS), mouvement séparatiste ouvertement soutenu par les Émirats arabes unis, a lancé une offensive éclair dans l’est du Yémen. Hadramout et Al-Mahra, provinces stratégiques aux frontières de l’Arabie saoudite et d’Oman, concentrent des ressources énergétiques et des infrastructures clés. Leur prise de contrôle rapide par le CTS, souvent sans combats majeurs, interroge sur la nature et les objectifs réels de cette opération.
La réaction de Riyad, dénonçant une « escalade injustifiée » et exigeant le retrait immédiat des forces séparatistes, révèle l’ampleur des fractures au sein même de la coalition prétendument unie contre les Houthis. Les frappes aériennes signalées fin décembre dans la vallée de Hadramout marquent une nouvelle étape dans la confrontation indirecte entre alliés d’hier.
Pour Alger, ce scénario rappelle les précédents tragiques de la région : des États affaiblis, morcelés, livrés à des zones d’influence rivales. La diplomatie algérienne, fidèle à son rejet de toute ingérence et à sa défense de l’intégrité territoriale des États, refuse de normaliser ce qu’elle perçoit comme une balkanisation progressive du Yémen, sous couvert de « stabilisation ».
L’Algérie réaffirme son soutien clair à l’unité, à la souveraineté et à l’indépendance du Yémen, et appelle à la relance d’un processus politique global, loin des calculs militaires et des tutelles régionales. Un message qui s’adresse autant aux acteurs yéménites qu’aux puissances impliquées, sommées de mesurer les conséquences à long terme de leurs interventions.
À l’heure où le Yémen est au bord d’une fragmentation irréversible, Alger lance un avertissement politique : la multiplication des fronts et des autorités de fait ne produira ni paix ni sécurité, mais un chaos durable dont l’ensemble de la région paiera le prix.
Mourad Benyahia

