A chaque célébration de Yennayer, – le calendrier amazigh -, des voix haineuses s’élèvent contre la symbolique de cette date, et par extension contre tout ce qu’elle charrie comme symboles et fondements civilisationnels.
A la limite du racisme, et même si cette date est inscrite dans la liste officielle des jours fériés nationaux, ces attaques sont incompréhensiblement tolérées, ce que leurs parrains et leurs exécuteurs prennent vraisemblablement pour un encouragement.
Pourtant, ces véritables mines identitaires semées initialement par les anciens colonisateurs partout où ils sont passés continuent indubitablement de faire des ravages au sein des populations des pays anciennement sous leurs jougs.
Et contrairement aux mines anti-personnelles pour la plupart déjà désamorcées, celles-ci restent toujours posées et représentent un risque de dislocation permanent pour les peuples et les nations concernés.
En créant des amalgames inextricables parmi les populations, elles ciblent l’essence même de l’individu et son âme en le transformant en être perdu, se cherchant des racines fictives, tout en reniant violemment et avec excès de zèle tout ce qui lui rappelle ses véritables origines.
On assiste ainsi à des situations rocambolesques et ubuesques où le natif ou « l’indigène » est perçu comme l’intru qui doit sans cesse justifier sa présence et son appartenance, alors qu’il est l’authentique « maître des lieux ».
Il est ainsi tenu de redoubler de zèle et de fantaisie afin de prouver qu’il n’est pas la source de la division dont il est accusé, à tort bien sûr, alors que l’histoire et la logique disent que c’est l’identité venue d’ailleurs (qu’il est prêt pourtant à accepter, -ouvert qu’il est naturellement à toutes les civilisations-, si elle ne menaçait pas de tuer la sienne) et imposée qui en est la cause.
L’amazigh se retrouve ainsi de manière cocasse dans le collimateur partout en Afrique du Nord dès qu’il crie son appartenance berbère ou revendique son identité millénaire, alors que c’est lui le natif et le propriétaire historique des lieux ; et tout le rappelle, en partant de la langue à la topographie, en passant par l’histoire authentifiée, -malheureusement submergée ces derniers temps par les adeptes des théories falsifiées actionnés par des puissances implantées à la fois en Orient et en Occident-.
Des citoyens de la même matrice se livrent contre toute logique des combats verbaux fratricides violents, alors que même les dernières analyses ADN les renvoient tous aux mêmes gènes (berbères, ndlr).
Exacerbées par des luttes politiques dont les exécuteurs ne sont pas toujours ceux qui tirent les ficelles, les conquérants d’hier voient leurs intérêts protégés et leur domination prolongée même s’ils ont quitté les terres contraints depuis des décennies.
Les « autorités », à la légitimité douteuse, luttent par conséquent constamment contre leurs propres peuples déchirés, qui même s’ils partagent la même géographie, se vouent une haine dont l’identité a été semée par celui qui les a hier soumis, humilié et sucé toutes leurs richesses.
En créant des foyers de tension faciles à remodeler selon les besoins du moment, ils sont toujours maîtres à bord et menacent de faire remuer le cocotier par leurs hommes de main à chaque fois que leur « sources de revenus supplémentaires » sont menacées et leurs serviteurs démasqués.
Comme les mouvements religieux créés et exploités partout dans les anciennes colonies pour faire les peuples s’entretuer sans répit, annihilant tout espoir de développement ou d’émancipation, les identités clonées et conquérantes sont de véritables remparts à toute véritable union ou esquisse de solution durable.
Il va sans dire que la stabilité, -tant que l’identité réelle des peuples n’est pas réhabilitée-, sera toujours un vain mot et les remous politiques et les risques de dislocation et d’affrontements fratricides pèseront telles des épées de Damoclès sur les têtes des citoyens de ces pays qui verront, une fois leur patience tarie et les routes de la harga coupées, la pression générer l’inévitable explosion.
Et le comble dans tout cela est que même les gouvernants de cette large partie de la planète ne semblent pas conscients de ces véritables bombes à retardement posées sur les chemins de leurs peuples ; à moins qu’ils n’en tirent eux-mêmes profit en semant la division pour continuer à régner.
Les identités multiples représentent un intarissable vivier de richesses culturelles si elles sont bien gérées ; malheureusement, elles deviennent vite meurtrières en se transformant en incontrôlables poudrières dès lors qu’elles sont exploitées à des fins politiciennes par les gouvernants à l’intérieur, et transformées en un outil de déstabilisation et de domination par le néo-colonialisme à l’extérieur.
Gouverner, c’est trouver des solutions, et la solution dans ce cas de figure est toute trouvée : le retour aux sources et l’acceptation pleine et entière des toutes les identités que l’histoire a implantées dans les profondeurs de ces contrées. C’est cette égalité pour tous qui va asseoir une véritable stabilité vitale pour tout espoir de développement et de progrès.
Il y va de la quiétude des générations futures dont le destin dépend de celle d’aujourd’hui incluant gouvernants et gouvernés.
Youcef Oubellil, écrivain