Mardi 26 mars 2019
Pile ou face : le dernier verrou est tombé, l’article 102 sera bien appliqué
Au bout de plusieurs semaines de maturation de ce que certains appellent, le mouvement populaire (hirak), la révolution, la contestation, la rébellion, peut-être même « el-intifada », pour décrire ce formidable élan populaire pacifique et civilisé, de plusieurs millions d’habitants, sans heurts significatifs ni exactions ni blessés ni morts (ce qui suscite des envieux dans le monde), le dernier verrou, l’article 102, est enfin appliqué.
La raison et la sagesse ont triomphé sur l’aventure et la bouteille d’encre noire dans laquelle certains ont tenté de plonger notre pays. Les deux grosses tendances et certaines autres auxiliaires qui ont prévalu se sont affrontés. La première préconisait une « période transitoire », hors champ constitutionnel et la seconde, l’application « en l’état », de la constitution et de ses articles subséquents. Les deux positions trouvent leur « légitimité » dans les slogans scandés, durant les marches populaires, à croire que chacun a écouté ce qu’il a bien voulu entendre.
L’examen de ces deux propositions a été largement commenté par des spécialistes, des personnalités politiques, des partis seuls ou coalisés, des associations, des journalistes et la société civile en général. A priori, il semble que ces deux positions sont irréconciliables et qu’une synthèse n’est pas, pour l’instant, possible, sans compter que le temps imparti est extrêmement réduit, l’échéance du 28 avril 2019, étant généralement considérée comme un point de non retour.
A la première proposition, on reproche son cadre juridique anticonstitutionnel, son impossibilité de mise en œuvre, compte tenu du fait que le choix de ceux qui seront en charge de son application sont eux-mêmes illégitimes sauf à choisir (qui doit le faire) des « saints » représentatifs de la société, toute entière et qui accepteront, en outre, la mission.
En plus, cette solution est consommatrice de beaucoup de temps, ce qui risque de prolonger le vide institutionnel (certains tablent sur une phase de transition, d’au moins de deux ans) et d’entraîner le chaos, à l’instar de l’impasse que vit notre voisin tunisien avec le retour du Président,Caid Badji-Essebsi, à l’âge de 94 ans, ce que d’aucuns considèrent comme une régression.
Quant à la seconde solution, elle serait susceptible de « confisquer » le Hirak, dans la mesure où l’organisation de l’élection présidentielle, dans les termes de l’actuelle constitution, porte le risque de voir le retour déguisé de la clientèle de l’ancien régime, du fait que l’appareil politico-administratif est toujours entre les mains du pouvoir.
Ainsi, le candidat choisi par le pouvoir actuel pourrait se faire coopter et perpétuer le système, mettant fin aux espoirs du mouvement populaire et en particulier à ceux de la jeunesse.
Cette critique de fond est construite sur des supputations et sur les peurs induites par des scénarios qui sont susceptibles de se réaliser même partiellement. Or, dans le cadre constitutionnel actuel, il est fort possible d’expurger des quelque 50.000 bureaux de vote, la capacité de fraude de l’administration et d’injecter une surveillance populaire des urnes sur les 1.541 APC et les 48 juges affectés dans les 48 wilayas. Comme il est possible de remplacer la composante du Conseil constitutionnel, inféodé au pouvoir, afin de s’assurer de sa neutralité et qu’il puisse valider l’élection, après les recours prévus par la loi électorale.
A l’évidence, les deux ministères-clés (Intérieur et Justice) de l’organisation des présidentielles seront dotés de technocrates, non partisans, pour orchestrer le bon déroulement du processus électoral. Enfin, l’intérim, prévu par la constitution, qui revient au président du Sénat (Abdelkader Bensalah), n’est également plus un obstacle, dans la mesure où ce dernier peut être remplacé par ses pairs et sa présidence occupée, après un vote de cette instance, par une personnalité indiscutable qui pourra mener cet intérim, jusqu’à son terme, conformément aux règles constitutionnelles et à la loi électorale.
La raison et la sagesse l’auront donc emportée, sur la surenchère et le « khéchinisme » (terme cher à mon feu ami Kheireddine Ameyar) pour sauver notre pays des constructions machiavéliques nationales ou susurrées de l’étranger, chacun considérant son agenda personnel, comme supérieur à celui de l’Algérie.
Tout le peuple algérien doit aller aux urnes pour donner à notre pays et ses futurs dirigeants élus, la légitimité pour affronter les défis que nous ne manquera pas de trouver sur son chemin. La tâche sera extrêmement difficile, tant le contentieux de vingt ans de gabegie, a laissé l’Algérie dans un état de non-gestion et de prédation généralisée.
La prochaine étape constitutionnelle n’est pas du tout gagnée, des ennemis, insoupçonnables et insoupçonnés ne manqueront pas de surgir pour tenter de briser ce processus légal, afin de proposer leurs chimériques desseins, pour essayer d’imposer leurs ambitions camouflés dans un « corset démocratique ». Qu’à cela ne tienne, les urnes trancheront entre les différents programmes et les différents projets de société… mais pour une fois dans notre histoire, c’est le peuple et lui seul qui aura, en dernière analyse, le fin mot de l’histoire.
M.G.