Youcef Belmahdi, ministre des affaires religieuses soutient qu’ »un demi-million d’élèves se sont inscrits dans les écoles coraniques l’été dernier. »
« Un demi-million d’élèves se sont inscrits dans les écoles coraniques l’été dernier. » Un chiffre brandi avec orgueil par Youcef Belmahdi, ministres des affaires religieuses et des waqfs qui confirme l’extension sans cesse croissante des écoles coraniques dans les mosquées et dont la fréquentation par les jeunes s’accroît chaque été, entre les mois de juin et août, pour l’apprentissage du Coran sous la coupe d’imams, d’éducateurs et de bénévoles.
Le ministre s’exprimait, jeudi dernier, lors du lancement officiel de l’école coranique d’été à Dar Al-Qur’an, Cheikh Ahmed Sahnoun, rapporte Sabq presse, un média en ligne d’obédience islamiste proche du parti MSP fondé par le défunt Mahfoud Nahnah.
« Les écoles coraniques d’été sont devenues une tradition que nous annonçons chaque année pour éloigner nos enfants du vide », ajoutera Youssef Belmehdi, qui dispense ainsi le gouvernement auquel il appartient d’initier une politique des loisirs et d’animation culturel et sportive dans les villes et les villages pour occuper le temps libre des élèves des trois cycles de l’éducation nationale pendant les trois longs mois des vacances estivales.
« Les efforts déployés par l’État au service du Coran sont évidents et clairs à travers les écoles coraniques, les mosquées et les zaouïas (….) La capacité des écoles coraniques n’est parfois pas suffisante en raison du grand nombre d’élèves « , s’enorgueillit encore le représentant religieux du régime d’Abdelmadjid Tebboune. Un chef de l’Etat qui multiplie les signes ostentatoires de son pédigrée islamocompatible.
Fidèle au paradigme islamo-nationaliste qui structure sa pensée qui constitue le soubassement de la doxa des régimes successifs de l’Algérie, Abdelmadjid Tebboune a montré qu’il reste l’allié objectif et naturel du courant islamo-conservateur qui se montre intransigeant et inflexible dans son refus de toute forme de sécularisation de la société et de l’État, en exerçant un contrôle formel et informel sur des institutions stratégiques de l’État: la mosquée et l’école.
Cette vision du monde d’un chef de l’Etat porté sur une conduite autocratique de la vie publique et de la société à été fatale à des agents de l’État et à des intellectuels qui ont osé exprimer un avis qui ne va pas dans la même direction que ce tropisme qui fait la part belle au conservatisme contre la modernité et l’universalité.
Mohamed Oudjaout, ministre de l’Education nationale du premier gouvernement de Tebboune, et avant lui Nouria Benghebrit qui la précède à ce même poste sous la mandature Bouteflika, ont subi les foudres des islamistes au motif que leur façon de gérer le secteur de l’éducation nationale constitue une menace contre ce qu’ils considèrent comme les constantes de la nation.
Mohamed Oudjaout était au au cœur d’une polémique après ses déclarations sur les écoles coraniques, lors d’une séance au Conseil de la Nation, rapportait le media électronique Algerie24.
Des partis politiques, des organisations d’obédience islamiste ont vivement critiqué l’ex-ministre qui expliquait à un sénateur que les causes de déperdition scolaire dans le pays en étaient dues, entre autres, au fait que des élèves quittaient les établissements scolaires pour rejoindre les écoles coraniques et les zaouias afin d’y poursuivre leurs études.
Dans un communiqué, l’Association des parents d’élèves a exprimé sa « surprise » quant à ces déclarations, se demandant « comment le ministre est arrivé à cette conclusion » qui « suscite la fitna ».
L’association y voit même une invitation à fermer les écoles coraniques et les zaouias, interpellant le président Abdelmadjid Tebboune à ouvrir « une enquête sur ce qui se passe dans le secteur de l’Education ».
Abdelkader Bengrina, chef du Mouvement El Binaa, a également critiqué le ministre de l’Education. « C’est une honte de qualifier les étudiants dans les écoles coraniques de déserteurs, eux qui conservent nos traditions et nos origines ».
En conférence de presse Bengrina déclarait que « les écoles coraniques sont la base de formation de ceux qui ont fondé l’appel du 1e Novembre et qui ont acquis l’indépendance du pays ».
L’association des oulémas musulmans algériens a également vu les déclarations du ministre comme un « coup de poignard contre les écoles coraniques ». L’association a répliqué que celles-ci « absorbent, au contraire, les élèves qui sont victimes de votre système d’éducation ». L’organisation fait même le lien entre les déclarations du ministre actuel et des supposées déclarations de l’ex-ministre Nouria Benghebrit, qui faisait souvent l’objet de critiques.
Obligé de s’expliquait, le ministère sui, d’ailleurs ne durera pas à la tête du département de l’éducation nationale a loué le mérite des écoles coraniques dont il ne voulait, dira-t-il « nullement diminuer de leur mérite dans l’enseignement », rajoutant que ses propos ne sont pas « une remise en cause du niveau d’instruction de ceux qui ont choisi de les rejoindre ».
Il a d’ailleurs annoncé, dans un communiqué, que ses services collaborent avec ceux du ministère des Affaires religieuses pour trouver « des mécanismes qui permettent aux élèves des écoles coraniques et des zaouïas de poursuivre leur cursus scientifique tout en ayant la possibilité de passer les examens nationaux ».
Ses déclarations sont intervenus au moment où la religion était au centre de plusieurs polémiques, selon la même source qui rappelle que l’islamologue, Said Djabelkhir venait d’être condamné à 3 ans de prison ferme pour offense à l’islam. Son procès a fait couler beaucoup d’encre.
Samia Naït Iqbal