22 novembre 2024
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56e marche : une histoire de virus et d’antidote populaire

La tentative de « coronavicier »  la protesta échoue

56e marche : une histoire de virus et d’antidote populaire

La marche d’Alger ce 13 mars. Crédit photo : Rafik Zaïdi.

C’est dans un climat tendu, un ciel tantôt nuageux et tantôt ensoleillé, un temps lourd que les manifestants entament leur circuit à partir du milieu de la rue Victor Hugo et non pas du haut comme chaque vendredi.

L’interpellation d’une trentaine de manifestants en fin de matinée et l’occupation de la rue par les forces de police instruites de libérer l’axe principal de ses traditionnels prieurs du vendredi qui se rabattent sur les trottoirs créent une certaine tension entre les forces anti-émeutes et les marcheurs.

Dès la fin de la prière, on s’élance en vociférant : Etat civil et pas militaire, sans se lasser et on continue durant toute la procession. Rattrapés probablement par le sort jeté par Abane Ramdane aux militaires au moment précis où il se faisait «ceinturer» la gorge par des colonels, les généraux occupent le haut du podium en terme d’intensité de la contestation et d’animosité populaire. 

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On crie : « les généraux ya el khawana wallah mana 7abssine klitou lebled zawali met oukilkoum rabi el 3ali, dawla madania madania machi 3askaria » i.e. les généraux , les traîtres vous avez spolié ce pays, le malheureux est mort, que la main de Dieu vous frappe,  état civil et pas militaire.

Cité abondamment dans les réseaux sociaux, le général Wassini Bouazza, patron de la DSI (Direction de la Sécurité Intérieure) n’est pas oublié. On crie Wasssini Bouazza veut devenir Sissi !  Ou encore : « Wasini Bouazza, ya el ma7za, dzair machi Ghaza » i.e Wassin Bouazza, la chèvre, Alger n’est pas Gaza.

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Crédit photo : Rafik Zaïdi.

Le président Tebboune n’est pas épargné non plus. La décision de la fermeture des écoles sans l’annulation des vols en provenance de l’Europe le décrédibilise  et sème le doute sur ses réelles intentions. On lui rappelle son illégitimité, la justice à la bouteille de parfum qu’il incarne et son allégeance aux militaires. On redit que le peuple est libéré et qu’il désire un Etat civil. On scande : « goulou lteboun dialkoum makaîn 7ala, 3and les generaux yekhdam chaghala » i.e. dites à votre Tebboune qu’il ne représente rien, qu’il est juste le domestique des généraux.

A l’adresse des policiers qui ont troqué leur matraque contre un masque on lance « poulicé corona » ! I.e. policier tu es le coronavirus ! Ou encore : « Toufik  Hassani poulici mayatachrach » i.e Toufik Hassani est un policier qui ne s’achète pas, afin de les mettre à mal. En effet Toufik Hassani est un des policiers incarcérés, qui a rejoint la protesta et qui en devient l’un des symboles. Mais le meilleur est gardé pour la fin.

L’objectif des marcheurs étant d’atteindre le moral des policiers, de les ébranler ; ils leur concoctent une chanson : « Hé policier, ne fais pas marche arrière, crains Dieu et écoute ton frère, celui qui fait du mal prend le chemin inverse, aucun responsable ne viendra à ton secours, pourquoi êtes-vous devenu comme cela, faisant du mal au démuni , eux en ont tiré tous les bénéfices et toi ta situation est aussi précaire que la mienne ! » 

Un groupe de jeunes de Bab El Oued escorte deux batteurs qui enflamment la foule avec leurs tambours. Ils répètent que celui qui brime le peuple paie, de faire attention que le policier n’éternue pas, que la situation est grave, que le choléra est parti mais qu’on leur a amené le corona made in China, que l’Etat est traître et qu’ils s’en remettent à Dieu. Ils annoncent une marche pour samedi 13 heures.

Amine, jeune homme de 27 ans, marié depuis une année et employé dans une supérette, explique : « je sors depuis un an avec mes potes. J’ai l’impression d’exister de nouveau. Nous ne voulons plus quitter le pays. Nous disons ce que nous pensons le vendredi et nous voulons que notre voix soit entendue. Que voulons-nous au fond ? Choisir ceux qui nous représentent tout simplement. Quand un ministre nous accuse d’être manipulés par Israël on se sent touchés. Pas seulement dans notre dignité, mais bien plus, dans notre religion. Alors on sort pour marquer notre indignation ». 

Sans masque de protection en face de policiers masqués, les marcheurs crient, les mains levés vers le ciel : les algériens ! Les algériens ! Comme pour signifier leur courage et  dire qu’ils ne sont pas effrayés par le coronavirus. Le virus « desesperus », celui du désespoir, inoculé par des colonels dès 1962 puis après avoir muté plusieurs fois, par des généraux, est beaucoup plus nocif que le coronavirus qui ne résistera surement pas autant au temps, que celui dont ils sont atteints, et que les scientifiques du monde finiront par neutraliser prochainement. 

Le  virus qui les atteint est national et a très peu de chance de traverser les frontières. Il contamine les enfants dès leur arrivée sur les bancs de l’école. Il est à l’origine de centaine de milliers de morts sur terre et en mer, de vies brisés, d’expatriations  forcées, de rêves enterrés, de talents perdus, de carrières détruites. Il pourchasse et annihile toute forme d’espoir : il est le « desesperus ».

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Crédit photo : Rafik Zaïdi.

Un jeune marcheur, tout à fait par hasard, un jour de février,  en prononçant la formule magique : « yetna7aw ga3 » sur une chaîne de télévision étrangère, dévoilait à ses compatriotes l’antidote «  le Hirakus ».

Testé et approuvé, le « hirakus » est désormais utilisé en abondance  par les marcheurs ainsi que par les spectateurs, de plus en plus nombreux le vendredi, agglutinés sur les trottoirs et les rampes, le long du circuit, qui préfèrent venir par eux-mêmes en observer les bienfaits, en filmer les résultats  et applaudir.

Les discours et  les incitations à la sagesse émis çà et là par quelques ministres, les mesures prisent par les sécuritaires, les interdictions et fermetures décidés par le Président ne pourront sûrement pas empêcher les marcheurs de s’abreuver de leur « hirakus » tant que le « desesperus » continuera à sévir. 

 

Auteur
Djalal Larabi

 




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