À l’occasion du 62e anniversaire du Front des forces socialistes (FFS), célébré samedi 4 octobre 2025 au Théâtre régional Kateb Yacine de Tizi Ouzou, le premier secrétaire national du parti, Youcef Aouchiche, a multiplié les déclarations affirmatives sur la place de son parti dans l’échiquier national. Un discours volontariste qui, pour ses détracteurs, relève davantage de la méthode Coué que d’une analyse objective de la réalité politique.
Dès l’ouverture de son allocution, Aouchiche a invoqué l’héritage d’Hocine Aït Ahmed : « Le 29 septembre 1963 symbolise un acte fondateur de notre histoire nationale, un jalon dans la lutte de notre peuple pour la liberté, la démocratie et la justice sociale. » Plus de soixante ans plus tard, a-t-il ajouté, « le message fondateur du FFS demeure d’une actualité brûlante », car il répond toujours aux aspirations du peuple à la « dignité, à la liberté et à la justice sociale ».
Mais ce rappel de fidélité à la ligne historique du parti est précisément ce que contestent une partie des militants et de l’opinion. Beaucoup accusent l’actuelle direction d’avoir compromis l’indépendance du FFS en participant à l’élection présidentielle anticipée de 2024. Aouchiche a défendu ce choix : « C’était une décision réfléchie et assumée par la direction. Nous avons choisi de saisir la moindre tribune pour porter le projet du FFS dans les quatre coins du pays et poursuivre la construction d’un grand mouvement politique capable de peser réellement sur la vie politique nationale. »
Le résultat, pourtant modeste – 580 495 voix. Soit 6,14 % des suffrages exprimés–et une troisième place derrière Abdelmadjid Tebboune et Abdelaali Hassani Cherif, le candidat du MSP – n’a pas ébranlé sa conviction. « Nous ambitionnons de prendre le pouvoir, pacifiquement et démocratiquement, pour mettre en place notre projet de société », a-t-il affirmé, avant de lancer à ses détracteurs : « Rien ni personne n’ébranlera notre volonté collective. Aucune force ne nous détournera du cap que nous nous sommes fixé : ni les critiques infondées, ni les invectives, ni les insultes. »
Le premier secrétaire a par ailleurs livré un diagnostic sévère de la situation nationale : « Pourquoi, 63 ans après l’indépendance, notre pays patauge-t-il encore dans les mêmes difficultés et les mêmes incertitudes ? Maintenir les choses en l’état, c’est exposer le pays à tous les dangers. » Selon lui, « l’immobilisme n’est plus tenable, c’est le plus grand danger qui pèse sur la sécurité nationale et la cohésion sociale ».
Ce recentrage stratégique, qui se traduit par un discours plus musclé contre le pouvoir, s’inscrit clairement dans une perspective électorale. Youcef Aouchiche n’a pas manqué d’appeler ses partisans à se préparer : « Nous devons travailler dès aujourd’hui pour les prochaines échéances politiques et électorales, qui seront denses à l’horizon 2026 et décisives pour l’avenir du pays. »
Au fil de son allocution, il a martelé l’idée que le FFS demeure « la force politique centrale pour une alternative démocratique », qu’il veut bâtir comme « une alternative patriotique, pacifique, sérieuse et crédible ». Mais cette insistance, pour ses critiques, relève de l’autosuggestion : en répétant inlassablement que le FFS est en position de force, ses dirigeants espèrent transformer la proclamation en réalité.
Entre fidélité proclamée à l’héritage d’Aït Ahmed et soupçons de compromission, le FFS reste aujourd’hui dans une position paradoxale : un parti qui revendique son rôle central dans la construction démocratique, mais qui peine à convaincre sur sa capacité réelle à incarner cette alternative au-delà de son cercle militant.
Samia Naït Iqbal