24 novembre 2024
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Thierry Eliez : « L’essence du jazz est avant tout africaine »

Il y a des artistes qui brillent par le talent, la modestie, l’humilité et la générosité, qui redonnent le sens noble à leur art. Thierry Eliez fait partie de ces artistes lumineux par le travail, la sueur versée du labeur pour toujours avancer semant cultivant composant innovant dans un élan d’élévation quasi spirituel, saisissant les couleurs, les genres musicaux, sans jamais sourciller mais surtout et avant tout dans un souci constant de pureté pour en extraire la beauté pour la partager là où se rencontrent le cœur et l’esprit.

Thierry Eliez est ce musicien, pianiste, compositeur, chanteur de génie qui ne cesse de nous émerveiller par un talent grandissant au fil des années qui font de lui l’un des plus grands pianistes de jazz. Le voir jouer émerveille le regard et l’oreille tant il ne fait qu’un avec le piano dans une symbiose éclatante de beauté d’équilibre et d’harmonie, passant aisément du classique au jazz,

Le tout dans l’union, celle des arts, dissipant les brouillards pour combler les sens baignés dans cette musique qui semble jaillir de la terre pour embrasser les cieux.

Thierry Eliez est né à Arcachon, il commence le piano à l’âge de quatre ans, puis l’Orgue Hammond après avoir vu l’organiste Rhoda Scott. Il suit des études de piano classique pendant 8 ans avec différents professeurs en cours particuliers, tout en se perfectionnant sur le Hammond, avant de découvrir le jazz.

Excellent dans l’improvisation, amateur de musique anglaise, il devient l’un des pianistes du jazz européen les plus en vogue.

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Thierry Eliez signe ses premiers contrats en tant que pianiste à l’âge de 17 ans et se fait rapidement connaître sur tout l’ouest de la France, de Bayonne à Cholet, puis dans toute la France et l’Europe.

En 1985, il rejoint Paris, occupe les clubs de jazz parisiens où il est très vite repéré comme le plus jeune virtuose du Jazz français.

En 1986, il enregistre avec le violoniste Didier Lockwood l’album 1234, c’est le début d’une longue amitié, à la rythmique, Jean-Marc Jafet et André Ceccarelli.

La symbiose est telle que naît en 1989, le Ceccarelli Trio, suivi de trois albums mythiques qui marqueront durablement le Jazz : Dansez sur moi (avec Claude Nougaro et Toots Thielmans), Hat Snatcher (Victoire de la Musique du Meilleur Album Jazz et Django D’or en 1992) et 3 around the 4, en hommage aux Beatles.

Dès 1990, Thierry Eliez collabore avec la chanteuse américaine Dee Dee Bridgewater, sur scène et en studio jusqu’en 2004 : pianiste, compositeur, arrangeur et directeur musical. Quatre albums sortiront : Keeping traditionLove & Peace (Tribute to Horace Silver – avec Horace Silver), Dear Ella, et Live at Yoshi’s. Il composera pour elle la chanson « For your Love » qu’elle enregistrera en duo avec sa fille China Moses pour Sol en Si.

La chanteuse et violoniste Catherine Lara fait appel à Thierry Eliez, la même année. Il se joint à elle pour mettre en musique le spectacle « Les Romantiques » en 1993, jouera sur plusieurs de ces albums et co-composera les musiques des albums Maldone et Graal. Catherine Lara et Thierry Eliez composeront de nombreuses musiques ensemble que ce soit pour elle-même, pour Johnny Hallyday, des musiques de films et de séries… principalement pour TF1, ainsi que la comédie musicale La Légende du Graal, sur un livret de Jean-Jacques Thibaud.

En 2004, Muriel Robin lui demande de composer la musique de son nouveau spectacle, Au secours. Plus tard, ils travailleront ensemble à la création de 12 chansons pour le projet d’album de Muriel Robin, album qui ne verra pas le jour.

Thierry découvre la chanteuse Ceilin Poggi. Il créera alors le Duo Jadden avec Ceilin Poggi à la voix, choisissant de réarranger de grands thèmes du jazz et de la pop des années 70-90. En 2007, leur duo devient quintet et s’enrichit d’un violoncelle (Yan Garac), de percussions (Xavier Sanchez), et d’une contrebasse (Dominique Bertram) mélangeant les accords, les temporalités et les influences musicales.

Thierry Eliez forme le trio progressif « Eliez » avec son frère Philippe Eliez à la batterie et Daniel Ouvrard à la basse. Un premier album nommé Hot Keys, patchwork des univers musicaux qui l’ont nourri depuis son enfance, sort en 2009. Puis un second album original et underground « Night Fears » sorti en 2012.

Le compositeur Éric Serra fait appel à Thierry Eliez pour créer le projet Trans Jazz rock RXRA. Formé de sept musiciens, ils réarrangent les grands thèmes des bandes originales des films de Luc Besson écrites par Éric Serra.

Dès lors, Europacorp fait appel à lui pour interpréter des passages musicaux de Angel-A, de Bandidas et Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec.

Thierry Eliez sillonne la France et collabore avec différentes formations dont le Paris Jazz Big Band dirigé par Pierre Bertrand et Nicolas Folmer.

Michel Legrand fait appel à lui dans son album Legrand Nougaro en hommage à Claude Nougaro où il sera à l’orgue hammond, avec son ami André Ceccarelli à la batterie, le contrebassiste Ron Carter, entre autres.

En décembre 2019 il intègre le groupe Magma. Thierry Eliez s’est révélé aussi bien dans la composition ou l’interprétation de musiques de films (Éric SerraLalo SchifrinMichel LegrandAstérix aux Jeux olympiquesTout pour plaireLe Rôle de sa vieBandidasTaxi BluesAngel-A, etc.), la composition de musiques de spectacles (Légende du GraalAu Secours), Comme grand improvisateur de jazz (Didier LockwoodDee Dee BridgewaterCeccarelli trio, Horace Silver, Paris Jazz Big BandPaco SéryMagmaSylvain Luc, …), le jazz World (Ultra MarineThe Syndicate…), qu’auprès d’artistes de la scène française (Charles AznavourCatherine LaraAlain ChamfortPatrick BruelJohnny HallydayRoberto AlagnaNathalie DessayCeilin Poggi…).

Pianiste, organiste, claviériste, chanteur, compositeur, auteur, arrangeur, Thierry Eliez est un musicien hétéroclite qui fait appel à tous les styles musicaux avec naturel et facilité : du jazz en passant par la chanson, la fusion, la musique classique ou encore le rock, pour lequel il garde une passion vivante.

Thierry Eliez est un pianiste de jazz virtuose qui illumine la musique par son génie créateur dans la recherche sans cesse renouvelée d’un regard passionné d’une beauté partageant l’amour.

Le Matin d’Algérie :  Vous êtes un artiste éclectique, dont l’aura ne cesse de rayonner à travers la France, l’Europe et le monde, qui est Thierry Eliez ?

Thierry Eliez : Un musicien curieux de toutes les musiques. Ayant commencé vers l’âge de 5 ans en essayant de rejouer à l’oreille ce que j’entendais à la radio, j’ai développé assez tôt une mémoire musicale importante, ce qui me permettait d’aborder rapidement différents styles musicaux … le jazz, la musique classique, la musique progressive, mais aussi la chanson bien sûr.

C’est en grande partie grâce à cette « oreille absolue » que j’ai pu appréhender toutes ces formes musicales. Cette aptitude m’a été très utile dans ma carrière, j’apprenais et retenais rapidement les morceaux, copiant souvent moi-même mes relevés et partitions.

Le Matin d’Algérie : Vous êtes passé du classique au jazz, mais tout en sauvegardant l’union sans rupture, racontez-nous ?

Thierry Eliez : J’ai toujours aimé les mélanges de styles, et j’ai eu la chance de connaître une époque où ces différents genres musicaux se sont littéralement « télescopés » : le jazz, le rock, le classique fusionnaient d’une façon souvent expérimentale et passionnante.

Dans les années 70, J’étais un jeune adolescent qui découvrait des groupes tels que Magma, une musique toujours inclassable aux influences aussi riches et diverses que Stravinsky, John Coltrane ou Otis Redding. Emerson, Lake& Palmer, le trio de ProgRock anglais, qui combinaient la musique classique, baroque ou contemporaine avec le son de cette époque : batterie, basse, orgue Hammond – instrument que j’affectionne particulièrement- et les tous premiers synthétiseurs construits par Robert Moog.

J’ai aussi beaucoup écouté Frank Zappa à cette époque, qui de son côté mixait savamment le rock, le blues, la musique contemporaine, et même le « doo wop », avec talent et ironie…

J’ai réellement commencé à m’intéresser au Jazz vers 15-16 ans, en découvrant d’abord son pendant du moment, communément appelé « Jazz Rock », à travers des groupes mythiques comme Weather Report ou le Return to Forever de Chick Corea. Ce n’est que par la suite que je suis venu au jazz plus originel.

Le Matin d’Algérie : La passion vous anime, il y a des rencontres musicales déterminantes qui marquent, parlez-nous de ces rencontres ?

Thierry Eliez : Je pense que chaque rencontre musicale est importante et peut être vécue comme une expérience, un apprentissage quel que soit le style de musique. J’ai appris beaucoup en travaillant avec des artistes tels que Didier Lockwood, André Ceccarelli, Michel Legrand, Dee Dee Bridgewater, Catherine Lara, et toutes les formations avec lesquelles j’ai eu l’occasion de jouer, tout en leur amenant aussi ma propre vision et mon expérience.

J’ai eu la chance de croiser Keith Emerson, en juillet 2000. Nous avons déjeuné ensemble et échangé pendant plusieurs heures sur notre passion pour la musique. C’était un moment assez unique, me retrouver ainsi avec un des « héros » de mon adolescence à discuter autour d’une langouste et d’une bouteille de Chardonnay à Santa Monica !

Le Matin d’Algérie : Un mot sur le groupe de rock, Magma, et la chanteuse Ceilin Poggi

Thierry Eliez : J’ai rejoint le groupe Magma en 2019, et je peux dire que c’est assez troublant de partager soudain la scène avec d’autres « héros » de mon adolescence, Stella et Christian Vander. Pour l’anecdote, Stella, chanteuse originelle du groupe, hésitait à m’appeler, pensant que ça ne m’intéresserait peut-être pas…Elle était surprise et ravie de découvrir qu’il n’en était rien, et que j’étais au contraire très enthousiaste !

Avec Ceilin Poggi, c’est une belle et longue histoire, car nous nous connaissons depuis 20 ans… Nous aimons beaucoup travailler, jouer, composer ensemble, nous participons beaucoup mutuellement à chacun de nos projets.

J’aimerais aussi préciser que Ceilin est productrice et coordinatrice de mes albums personnels, à travers le label DoodRecord qu’elle a créé il y a quelques années.

De mon côté, je participe en tant qu’arrangeur à son album actuel, « Sänd », sur des chansons qu’elle écrit et interprète. C’est un superbe projet dont on va entendre parler et qui sortira à la rentrée 2024.

Le Matin d’Algérie : Certains disent que l’Europe est à la musique classique comme l’Amérique est au jazz, est-ce toujours vrai ?

Thierry Eliez : Je pense que c’est beaucoup plus nuancé et subtil. De tout temps, l’improvisation musicale, un des éléments principaux du jazz, a existé dans le monde entier, sous des formes différentes selon les régions du monde. Il est certain que Bach, Mozart, Chopin et bien d’autres étaient de grands improvisateurs.

D’un autre côté, il y a beaucoup de musiciens de jazz qui ont su utiliser les éléments mélodiques et harmoniques du classique pour les amener à leur écriture. Je pense notamment à Duke Ellington, qui a savamment intégré des couleurs impressionnistes à sa musique, mais aussi au Modern Jazz Quartet et à leurs nombreuses références au classique.

Puis, plus tard, des immenses pianistes comme Bill Evans, Herbie Hancock, Chick Corea, Keith Jarrett, ont montré par leurs interprétations ou compositions leur connaissance de la musique classique. Je pense notamment à Chick Corea interprétant Bartok, Herbie Hancock et le Concerto en Sol de Ravel, ou bien encore Keith Jarrett et sa version des Préludes et Fugues de Bach. Sans oublier que l’essence du jazz est avant tout africaine.  

Le Matin d’Algérie : Les conservatoire parisiens s’ouvrent depuis quelques années sur les musiques actuelles et les musiques du monde, qu’en pensez-vous ?

Thierry Eliez : C’est de toute façon une belle initiative, ça prouve une recherche d’ouverture de la part d’une institution qui s’est figée pendant trop longtemps dans la rigueur au détriment de la curiosité et du plaisir de la découverte. La musique a besoin de tous ces éléments pour rester vivante.

J’aimerais souligner qu’un des premiers musiciens de Jazz à revendiquer cette ouverture était le regretté Didier Lockwood, avec qui j’ai eu le plaisir de jouer de nombreuses fois. De plus, c’était un très bon ami.

Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours et à venir ?

Thierry Eliez : Oui, je travaille sur un nouveau projet, assez différent de tout ce que j’ai fait précédemment. Une nouvelle aventure pour moi ! Et puis, nous continuons sur le projet de Ceilin, à élaborer ensemble les arrangements de ses chansons.

Une tournée avec Magma prendra place entre 2024 et 2025, des concerts avec Eric Serra, puis des concerts au Mexique et au Québec avec Ceilin Poggi autour du projet Emerson Enigma.

Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?

Thierry Eliez : Quelques références discographiques personnelles.

« Improse » (Album Piano Solo)

« Improse Extended » (Album en Trio avec André Ceccarelli et Ivan Gélugne)

« Berceuses & Balladines Jazz » (Duo Piano/Voix avec Ceilin Poggi)

« Balladines et Chansons douces » (Duo Piano / Voix avec Ceilin Poggi)

« Emerson Enigma » (avec Ceilin Poggi et Le Quatuor Manticore)

« Sur l’Ecran Noir » (Hommage aux Chansons écrites par Claude Nougaro et Michel Legrand. Avec plusieurs invités).

Entretien réalisé par Brahim Saci

https://fr.wikipedia.org/wiki/Thierry_Eliez

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