21 novembre 2024
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Pour toutes les « Houris », pour Kamel Daoud !

Après ma lecture de Houris, ainsi que de Meursault contre-enquête et de Zador, je ne peux pas commencer mes propos sans souligner que Kamel Daoud est sans aucun doute devenu une figure majeure de la littérature de la résistance et du devoir de mémoire en Algérie.

J’ai lu ses romans, tout comme j’ai lu tout ce que ses détracteurs (qu’ils soient journaliers d’un jour ou journaleux pour toujours) affirment à son sujet, car ils ne savent écrire que ce que leur dictent la doxa dominante et la bienséance aveuglante.

Les faux témoins de l’histoire sont ceux dont les yeux brulent lorsque Daoud décrit la langue intérieure de Fajr qui se consume de ne pouvoir dire. Les yeux de Fajr qui saignent de ne pouvoir regarder l’histoire sans se souvenir de celles et ceux que l’on a égorgées, violées, décapitées, puis oubliées.

Qu’est-ce que Fajr éveille en eux pour que la plume de Daoud soit autant abhorrée par tous ceux qui le qualifient d’islamophobe, alors que l’islamophobie n’est qu’une imposture de la gauche islamiste qui n’a cessé de se prostituer sur les trottoirs des islamistes? Que distille en eux l’imam Kichk , personnage sulfureux que l’on retrouve dans son roman Houris, pour que la plume de Kamel Daoud soit si honnie et vomie qu’elle réveille en eux ces vieux démons de l’islam politique, de l’islam de la soumission, de l’islam des fatwa  jusqu’à la capitulation?

«Tout peut se renverser, se perdre à la moindre cuisse dénudée, une robe à fleur trop courte décide de ta vie», disait dans son roman Kamel Daoud. C’est d’autant vrai que l’Algérie d’aujourd’hui connait une expansion monstrueuse de l’islam politique dans l’espace public. Tout s’est renversé sans même devoir dégoupiller un prêche ou une Fatwa. Les mosquées sont dans les écoles et les écoles sont devenues une fabrique des barbus d’Allah.

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Oui, la seule guerre qui subsiste pour Fajr est celle de la décennie noire, celle que Kamel Daoud fait revivre à travers le destin tragique de Fajr. La grande guerre n’est pas la sienne et ne le sera pas tant que ceux qui l’on écrit règnent comme des despotes sur le mémoire de ceux qui l’ont faite.

C’est la pire des guerres, où l’ennemi n’était autre que le voisin d’en face, le cousin, l’ami, parfois même le frère ou le père. La pire des sales guerres parce que la loi sur la réconciliation nationale a fait ressusciter l’ogre national, lui laissant la place pour encore de longues nuits d’oubli, d’impunité et de couteaux. «Pas de place pour la nuance», disait Daoud.  Alors ne faisons pas de procès à celui qui, par la voix muette de Fajr, désigne sans ambivalence les responsables et leurs complices restés sans procès.

N’oublions pas la rhétorique incendiaire de l’imam salafiste Hamadache à l’encontre de Kamel Daoud. Elle trouve malheureusement échos dans les outrages que l’on entend actuellement sur lui . Avons-nous oublier que Kamel Daoud, depuis 2014, vit sous le couperet d’une fatwa, qui justement tient ses racines idéologiques dans tout ce que l’imam Kichk proférait à l’encontre de Fajr, Hanane ou Meriem?

À quoi ces écrits de haine à l’encontre de Kamel Daoud insinuent ils ? Veulent-ils une autre fatwa ? Une fatwa de plus, que ces détracteurs d’aujourd’hui, dépourvus de style, amputés de verbes qui parlent et de conscience qui saille, pris dans les circonvolutions de leurs pensées, incapables d’écrire ou de décrire la moindre souffrance que la décennie noire a marquée d’une hache sanguinolente, souhaitent réécrire afin de le faire taire. Ils pensent répondre à un récit mais ils agressent. Ils croient protéger du feu mais ils brûlent!

Kamel Daoud, par la voix muette de Fajr s’adressant à l’embryon de celle qu’elle appelle Houris, nous questionne sur l’aboutissement d’une vie lorsque celle-ci n’est qu’un amas d’oubli et de trahison. « Il n’est pas bon de naitre fille en Algérie ». C’est une descente macabre dans un long entonnoir où il n’y a d’issue que le lit infâme d’une doctrine assassine.

Houris est indiscutablement une dissection littéraire de la décennie noire, une sépulture pour toutes ces vies sacrifiées, ces têtes décapitées, ces voix égorgées, ces corps éventrés, ces bébés brûlés à vif…  Tout ce que Hela Ouardi a pu documenter sur l’islam politique, Kamel Daoud l’a conté, avec une verve épurée et une voix vraie.

Quand Hela Ouardi met à nue la genèse sanguinaire de l’islam politique, de ses guerres d’apostasie jusqu’à l’avènement du terrorisme islamiste, Kamel Daoud rhabille d’honneur et de vérité les victimes de celui-ci. Il nous affirme avec justesse que ce sont les mêmes qui tuent. L’islam d’antan, comme celui d’aujourd’hui, n’a pas changé et ses imams/émirs encore moins.

L’imminent islamologue des temps modernes, Mohamed Arkoun, aurait observé dans Houris de Kamel Daoud ce que lui, un homme de recherche et un historien de la pensée islamique, n’a cessé de confirmer : l’impossibilité d’une modernité intellectuelle dans des sociétés arabo-musulmanes qui sont encore aujourd’hui plongés dans les eaux troubles du moyen âge. Il affirmait que ce moyen âge nous poursuivra encore pendant longtemps.

Kamel Daoud est de nous et nous sommes de lui. Il écrit pour nous, pour eux et pour ceux à qui il n’y a d’autres récits à lire que ceux des gagnants de l’Islam politique. Dans Houris on constate que rien n’est plus visible qu’une absence.

Que le mal s’est introduit avec la voix bêlante du bien. Qu’il y a des peines tellement grandes qu’elles nous disposent de croire. Que les esprits bienpensants jugent beaucoup plus sévèrement le courage des autres que leur propre lâcheté. Que par un paradoxal lien de causalité, la source de l’insoumission est aussi celle des plus grandes peurs. Que la démocratie n’a pas de vérité immuable, à la différence d’un régime théocratique, dans lequel il n’y a qu’une vérité absolue et permanente.

Houris nous démontre qu’il n’y aura pas d’avenir possible pour les générations futures sans une compréhension profonde des logiques conscientes ou inconscientes du passé.

Mohand Ouabdelkader

3 Commentaires

  1. Cite: « Après ma lecture de Houris, ainsi que de Meursault contre-enquête et de Zador, je ne peux pas commencer mes propos sans souligner que Kamel Daoud est sans aucun doute devenu une figure majeure de la littérature de la résistance et du devoir de mémoire en Algérie. MALGRE’ LUI.

    Le Malgre’ lui s’impose, c.a.d. ABSENCE DE PUBLICATIONS de CEUX QUI SE RECLAMENT DE LA RESISTENCE.

    Meursault et Houris ne sont pas a mettre dans le meme registre. Meursault est de la Zlabia, un patriotisme aveugle et chauvin, defendu avec une mauvaise arme, voir un poison. Houris, c’est plutot ‘Homme, probablement ronge’ par une forme de culpabilite’ d’avoir tendu l’oreille a des Dingues et Paume’s qui se sont avere’s aussi vicieux que mechants. Il rend une Justice aux femmes specifiquement que les sauvages ont viole’s et le regime a etoufe’es. Egorge’es c’est aussi leur supprimer la parole. Tandis que les islamistes le font par sauvagerie, le regime c.a.d. ses generaux eux le font par calcul et premiditation. Il faut tout de meme faire la part des choses. Bouteflika a certainnement propose’ la reconciliation comme ARRET DES VIOLENCES. NE PAS PARLER DES TUERIES, est une autre affaire, qui ne le concerne certainnement pas, puisqu’il etait ailleur… Sans cependant s’en dedoigner completement, des lors qu’il a fait parti de ceux qui ont seme’ l’arabo-islamisme.
    Les chiens s’en prendre a lui car ils sont toujours la, et il faut le defendre par tous les moyens.
    Bref, je pense qu’il se rejouira d’etre CRITIQUE’ SEVEREMENT ET SA PERSONNE ET ECRITS DEFENDU SANS HESITATION. Qui le defendra autrement, si la plus grande minorite’ (Kabyles) ne le font pas ?

  2. La schizophrénie est un des traits qui caractérisent la démarche de Daoud. En gros, pour résumer, Dictat de l’islam : Non, Celui de l’arabité : Oui. Or, ce sont les deux facettes de la même médaille.
    Mwa, Ontoulikas, je ne lis pas Daoud tant qu’il ne se reconnait pas dans la vraie identité algérienne.

  3. Iben moua je n’ai qu’une impression sur ce qu’écrit KD et ce qu’on dit de lui. Il n’y a ni matière à analyse et encore moins à procès. Je ne dis pas commnte est KD, ce qu’il écrit , mais comment m’apparaît. J’ai comme l’impression que si KD n’était pas Algérien on ne gloserait pas autant sur lui.

    Il y a deux versions dans chaque roman: celle qui est écrite et celle qui est lue. Voyez par exemple l’Etranger de Camus et Meursault contre Enquête de K.D.  »L’Etranger » n’est pas un roman sur la colonisation mais une allégorie de l’absurde. Pour Camus l’Etranger, le narrateur, c’est Meursault , pour KD . c’est l’Arabe. Mais pas que pour KD. Comment ya Boundyou échapper au regard de Fafa. Ou plutôt comme faire pour que Fafa cette mauvaise mère reconnaisse tous ses mioches qui lui font tout ce qu’ils peuvent, à l’endroit ou à l’envers , pour qu’elle les reconnaisse ?

    Que des ingrats les intellectuels francophones algériens, ya Boureb ! Alors que KD ,lui, est un naufragé recueilli reconnaissant. Merci à Fafa !

    KD ,lui, c’est Zabor, son personnage , Un mioche émerveillé qui joue avec la langue de Fafa qui le sort de l’enferment culturel arabo-islamiste pour se l’aliéner. Du butindeguerrisme retourné. C’est ce que lui reproche ses pourfendeurs, ou du butindeguerrisme sortant. C’est selon. Pour moi c’est les deux et ni l’un l’autre à la foi. juste des contorsions langagières, une branlette littéraire.

    J’ai lu tous les romans de KD avant  »Houris », sans enthousiasme, car je ne peux pas dire que ce que écrit KD est captivant. Comme chez Y.K il ne s’agit que d’un exercice de style sur des sujets par ailleurs galvaudés et qui n’apporte rien d’original. Et par certains aspects ce n’est que de l’étalage de sujets régurgités à l’occasion. Le sort des femmes, la terreur islamiste , les longs sanglots des musulmanes. Comment à la fin ça lasse. Ou pas!

    Bien sûr , ce qu’écrit KD comme romancier ou comme journaliste est dans le même jus. Mais il ne mérite ni le fiel ni l’encens.

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