L’inestimable « Histoire de ma vie » de Fadhma Ath Mansour Amrouche, traduit vers la langue kabyle par Ahmed Aït Bachir sous le titre Tudert-iw a été édité par Koukou éditions. L’ouvrage sera disponible en libraire dès ce samedi.
- Les éditions Koukou viennent de mettre sur le marché une publication qui rejouira les lecteurs. Elle est le fruit d’un patient travail de traduction au cordeau mené avec passion et savoir subtilepar Ahmed Ait Bachir.
Ci-dessous, la nouvelle préface de Tassadit Yacine (également traduite en kabyle).
Le vœu des enfants de Fadhma (Lebghi n Arraw n Fadhma)
La réédition du livre de Fadhma At Mansour Amrouche, mère de Jean et de Taos , Histoire de ma vie (Maspéro, 1967), tombe à poings nommés dans une Algérie en souffrance de son histoire, et dans une Kabylie traversée par un trouble politique et social inédit, gagnée notamment par ce mal être abyssal qui pousse ses enfants à se suicider, à fuir leur pays au risque de se noyer en mer faute d’enracinement et d’espoir en Algérie. Une terre qui, pourtant, a su survivre dans les conditions les plus difficiles de l’histoire.
Il est évident que ce malaise est inhérent à l’Algérie et aux pays récemment décolonisés d’Afrique brisés, traumatisés, désorientés à la recherche d’un modèle de vie, d’une autonomie réelle aussi bien économique que culturelle. Libérés de l’ancienne puissance coloniale et en quête d’ouverture sur le vaste monde, sur un univers « développé » réel et imaginaire, ils se sentent floués comme dirait Franz Fanon autant par les anciens colonisateurs que par les dirigeants de leurs pays. Autrefois dominants, les premiers avaient tendance à imposer leur empreinte idéologique, leurs modes de vie et de penser. C’est dans cette vision de l’entre-deux importée par une colonisation qui, sous prétexte d’apporter la civilisation, imposa son pattern.
La Kabylie, « une société à économie patriarcale »
Lorsqu’on évoque actuellement la Kabylie, on pense aux régions de montagne demeurées -par magie- berbérophones alors que tamurt l-leqbayel « el qbail , en arabe », désigne ce vaste espace – parlant le berbère / amazigh pour beaucoup- qui s’étend depuis les portes d’Alger jusqu’aux Kroumirs, en Tunisie (Nouschi ), à l’est et jusqu’aux portes du Sahara, à l’Ouest, depuis les montagnes de Blida, Beni Salah, l’Ouarsenis, puis les Aït Snacen pour atteindre le Rif. Réduire cet espace aux événements de 1871 , semble erroné. Une conscience culturelle « ethnique » « homogène » ayant des références spécifiques naîtra, selon moi, à partir de 1871, à partir d’une féroce répression qui frappera de plein fouet cette région et sera à l’origine de cette conscience de soi. Pour s’être insurgés collectivement (hommes, femmes, enfants) contre la domination coloniale, les Kabyles ont été punis doublement comme « nationalistes » et comme groupement ethnique.
A femme exceptionnelle, conduite exceptionnelle
Différentes batailles et autres affronts subis par les populations des montagnes accrochées à leurs valeurs et surtout à leur honneur ont commencé relativement tôt ; on n’évoque que les derniers épisodes : 1857 et 1871. Le colonisateur a aussi compris ce qui caractérise le fondement de la population kabyle à savoir sa culture, ses lois et ses fondements anthropologiques (l’honneur, lherma, ccaraf).
En dehors de la guerre, du combat réel qui conduit à l’élimination physique de l’autre, de son corps, il s’ensuit un autre, celui qui procède de l’ordre symbolique : la représentation de l’homme au niveau de son capital de l’honneur… La colonisation a joué sur la dévirilisation du masculin au point où il est parvenu à lui faire croire qu’il ne peut plus défendre son groupe et surtout ses femmes. Il est en quelque sorte déchu de son « hominité » en perdant les emblèmes de la virilité (tirrugza, en kabyle).
Le déclin du monde kabyle au XIXe siècle a donc permis l’émergence de phénomènes nouveaux qui n’avaient pas cours du moins officiellement dans la société du XVIIIe siècle. A partir de la deuxième moitié et surtout de la fin du XIXeme, la rencontre de deux systèmes antagoniques produit des comportements nouveaux. Les dominés, les femmes vont profiter de ces interstices pour un changement social ou pour défendre des intérêts personnels ou familiaux, ou refuser un ordre qui devient de plus en plus lourd à supporter . Des femmes pourront profiter de ce que peut offrir l’administration coloniale pour atteindre certains objectifs, rétablir ce qu’elles estiment relever de la justice et de l’égalité ; comme ici l’inscription de Fadhma dans la société après avoir combattu (comme le font aujourd’hui les femmes) pour que son père la reconnaisse, pour qu’elle ait un nom, une filiation.
C’est dans ce cadre, celui de la colonisation, que Fadhma Ait Mansour Amrouche est née et a grandi. Pour cette raison même, il s’avère être très difficile de revenir dans le détail à son récit de vie, un récit « poignant » à la fois exceptionnel mais qui peut aussi relever du commun des femmes bravant l’idéologie patriarcale. Commun parce que les femmes kabyles parties intégrantes du groupe n’ont pas le droit à la transgression. Ainsi, Fadhma, a subi toutes les discriminations possibles pour avoir survécu « comme enfant naturelle » et surtout parce que sa mère a défié, de surcroit, l’ordre masculin en assumant seule l’existence de sa fille au vu et au su des villageois. Ce deuxième aspect est à la fois impressionnant et novateur dans la société d’alors. Plus que la trajectoire de Fadhma, c’est celle de Aïni, sa génitrice, qui nous interpelle et, plus loin encore, celle de la mère de cette dernière qui va soutenir sa fille contre vents et marées.
L’itinéraire d’Aïni est marqué par une tragédie liée d’un côté à la tradition et de l’autre au métissage produit par les cultures en présence : arabe et musulmane, française et chrétienne.
En effet, la Kabylie comme région montagneuse enclavée est ancrée dans une civilisation qui compte parmi les plus anciennes et les plus riches de la Méditerranée. Dominée politiquement et culturellement depuis l’antiquité au moins, cette dernière s’est retrouvée complètement niée et mise à l’écart par les dominants qui occupèrent le littoral et les plaines grignotant son espace jusqu’ à le réduire comme peau de chagrin.
De ces ombres du passé mêlées aux mouvements des siècles, et aux traces de pas arrogants des vainqueurs, surgi la figure insolite d’Aïni. Cette femme « berbère » dans son expression la plus « authentique » est là comme pour réenraciner la vie, lui donner sens, y compris dans le champ des guerres. Comme dirait Kateb Yacine, bien que singulière, cette saga, celle des Amrouche, participe d’une histoire et d’une mémoire collectives. A petite échelle certes Aïni représente la lutte des femmes pour la prolongation « biologique » du groupe, mais elle n’est pas que cela, elle est celle qui dénoue, qui clarifie les situations, dessine le destin.
Aïni, Œil, en arabe (litt. Mon œil), se traduit par : ce que l’on a de plus cher au monde ! En berbère tit ou mieux encore tamemmuct, la prunelle de mes yeux.
C’est par l’œil que l’on voit, que l’on examine, que l’on discerne. En kabyle zrigh, a ce double sens de : je vois mais aussi je sais. D’une voyante on dit tezzar, elle a le pouvoir de voir , de deviner, de vaticiner, de sortir la vérité ou la lumière, de faire surgir des ténèbres, de forcer le sort. La vision et la connaissance sont ainsi liées. Celui qui ne sait pas est ignorant et celui qui ne voit pas est aveugle. Aïni est celle qui représente la prunelle des yeux de sa mère. Ce prénom emblématique la prédestine à voir, à indiquer la voie à toutes les autres femmes pour prodiguer la vie, arracher la vie à la mort contre vents et marées.
Ce qui rend explicite ce combat pour la protection de Fadhma lorsqu’elle la plaça enfant chez les sœurs blanches aux Ouadhias, puis à Michelet une fois adolescente. La vie voire la survie passe avant toutes les autres considérations religieuses, politiques. On voit bien là une « marque déposée » de femmes qui font dans le sacrifice dans les sociétés nord-africaines depuis la nuit des temps.
Il est superflu de relater une fois de plus Histoire de ma Vie, écrite par la main de Fadhma elle-même ; elle a été revue par ses enfants (Jean et Taos) . Cette histoire, celle d’une mère célibataire a été tenue secrète pendant plusieurs années, elle ne sortira de l’ombre qu’après la disparition d’hommes jugés importants comme pour ne pas porter atteinte à leur capital social. L’histoire se répète, les femmes ne peuvent exister, leur histoire ne peut émerger qu’en l’absence des hommes. C’est ce que signifie profondément la publication d’Histoire de ma vie en français destinée à un public français et francophone. Il a fallu aussi que l’égalité des sexes commence à se poser dans la société française même si dans les faits, y compris dans les vieilles démocraties, les femmes avaient besoin de l’autorisation maritale pour disposer d’un chéquier ou pour quitter le territoire national avec leurs enfants.
L’histoire de Fadhma, à ce jour, est connue des jeunes et de personnes alphabétisées ; elle n’est pas encore arrivée dans les foyers, dans les familles kabyles, dans les villages de montagne où Fadhma a survécu.
Est arrivé ce jour où M. Aït Bachir a bouclé la boucle ; il a accompli ce formidable geste en restituant à cette histoire « orpheline » de retrouver sa famille, sa patrie, ce qui lui manquait absolument ; il a rempli un abime considérable, en organisant le retour de Fadhma chez elle après ce long exil, cette errance infinie, au royaume de Koukou… Ni Fadhma, ni Jean, ni Taos, ne se doutaient que c’était peut-être pour le meilleur !
Le retour de la mère, tel celui d’Ulysse, représente celui de tous ses enfants réels (les Amrouche), mais aussi de tous ces autres orphelins symboliques ces frustrés culturels : les sans noms, sans patrie, sans langue, sans culture.
Cependant, ce qu’il faut relever dans le récit de Fadhma en kabyle _ à ne pas lire comme un conte – tamacuht – sans effet sur les consciences – , mais comme un enseignement, une réflexion voire une analyse très fine de la société algérienne en général et kabyle en particulier. Histoire de ma vie n’est pas un traité de sociologie mais la trace d’une mémoire collective, de pratiques que nous voulons peut-être oublier, effacer car c’est une histoire malheureuse, inhumaine mais qui, hélas, persistent ici et là.
De façon très emblématique, Fadhma (sa mère et sa grand-mère) révèlent -fut-ce négativement – la force et le courage des femmes dans la société ancienne (celle d’avant 1830 et plus avant encore). Il a fallu ces empreintes dont elle avait conscience pour que Aïni refuse d’obéir à la loi en vigueur . Pour refuser l’injustice et, à plus forte raison, à s’identifier à un ordre patriarcal – devenu obsolète – après 1871 marqué par la chute totale et capitale de l’honneur masculin, Aïni avait probablement entendu parler de femmes qui l’ont précédée ayant un statut bien établi dans les différents groupes berbères. Dans cette insurrection et comme dans toutes les périodes de guerre, les femmes des montagnes ont pris part à la défense de leur pays aux côtés des hommes.
Ce très beau travail de restitution de la mémoire et des affects – Fadhma parle avec ses émotions dans sa langue, son langage simple et précis – mérite d’être salué et poursuivi d’autant que l’auteur est un homme. Ahmed Aït Bachir a saisi la souffrance de Fadhma et l’injustice dont elle a été l’objet à travers les femmes qu’il a connues. Pour avoir fait la guerre, elles ont connu les camps de regroupements, les tortures de l’armée française.
Sensible au récit de Fadhma, Ahmed Aït Bachir est aussi de ceux qui ont compris l’engagement des femmes de la montagne pour libérer leur patrie. J’ai encore en mémoire ces images qu’il m’a enseignées révélant des femmes transportant sur leur tête d’énormes poutres (ijga) appartenant à leurs propres maisons (détruites par l’armée) destinées à reconstruire le camp de regroupement initié par l’armée .
Par cette magnifique traduction dans une langue « populaire » claire et pourtant littéraire et dans une esthétique recherchée, sertie de métaphores, d’humour, que pratiquent les Kabyles dans leurs échanges quotidiens, Aït Bachir est parvenu à redonner sens au combat de Fadhma, à celui d’ Aïni et à toutes ces Antigone d’Afrique qui ont refusé la norme pour la justesse des sentiments et contre la domination masculine – cette guerre silencieuse sans fin – que connaissent beaucoup de femmes dans leur quotidien, y compris en 2024. »
Rencontre avec Ahmed Aït Bachir au café littéraire L’Impondérable
Tid d wid izedɣen di temnaṭ n Paris, tzemrem ad d tasem ass n 13 di tuber ar lqahwa taseklant (le café littéraire) yesuddus Youssef Zirem
D timlilit tamezwarut anda ara d nawi awal s telqey ɣef wedlisa-a, « Tudert-iw ».
Wid d tid yebɣan ad zdin lefreḥ-nneɣ neɣ bɣan ad aɣen adlis-a ansuf yes-wen/kent seg tura.
Timlilit ad d tili ɣef 18h di le café littéraire l’impondérable,
320 Rue des Pyrénées Paris 20ème.
Wa ad yeqqar i wa.
J’ai lu la version française. J’ai aimé l’expérience personnelle, la dimension littéraire donc, autant que sa valeur documentaire. Un témoignage poignant.
Pour la traduction, que dire si ce n’est une excellente initiative. D’autres œuvres de l’époque notamment méritent cette attention. Comme tout ce qui concerne la Kabylie, disons que, enfin ça arrive !
Pour ce qui est de la préface reproduite dans cet article, on peut avoir un regard nuancé par rapport à l’état de la Kabylie aujourd’hui, les causes, les traits et fondements identitaires et historiques.
Il est admis que la berberité s’est conservée dans les campagnes, les régions isolées notamment. A ce titre, hormis la perte de souveraineté politique des cités et confédérations, la Kabylie et régions berbères n’ont pas tant que ça souffert de l’ «empreinte idéologique» de la colonisation. La guerre idéologique totale, nous la vivons plutôt depuis 1962. Je peux lire et comprendre instantanément, clairement et contextuellement un écrit de la fin du 19e siècle ou de 1940. Il me faut aujourd’hui mobiliser tant d’efforts pour comprendre la plupart des écrits contemporains. Il me faut tenir compte de tant de mutations forcées, dévoiements, sans parler de la langue. En résumé, l’œuvre de sape méthodique, c’est depuis 1962. Elle est allée crescendo et est montée faire ses ravages jusqu’au cimes de nos montagnes.
Pour ce qu’est du contexte de l’écrit de Fadma At Mansur Amruc, il ne s’agit pas ici de distinguer le berbère du kabyle, mais la Kabylie a des limites plus moins connues depuis l’antiquité.
Il y a les stèles à cavalier et à inscription libyque/tifinagh, style Abizar, que l’on ne retrouve que dans les limites de la Kabylie actuelle- Djurdjura et Soummam.
Il y’a l’épisode Firmus qui dessine une Kabylie plus étendue certes, mais le noyau restant le même.
Il y’a l’invasion arabe musulmane qui n’a pas affecté la Kabylie. Les arabes, les musulmans appellent la Kabylie «bilad essiba’a », (quelque chose comme pays du danger) et qu’ils n’ont jamais soumis quoique dans la tête des gens, les arabes ont soumis toute l’Afrique du Nord. Un mensonge qu’on répète nous-mêmes, à nos dépens… jusqu’à ce que cela devienne réalité avec la constitution de la république algérienne (certes préparée par quelques errements identitaires de certains de nos devanciers).
Il y’a l’époque turque où le conflit a était permanent.
Il y a la langue kabyle, la Kabylophonie.
Il y a, plus important que tout, la subsistance dans la ruralité de la religion kabyle, berbère, à la parenté Méditerranéenne (appelée ainsi méditerranéenne pour ne pas prononcer le mot romaine). Cette parenté est pourtant évidente, crève les yeux pour celui/celle qui connaît i3essassen, les rituels, le calendrier, … la religion et le système politique qui en est issu. Parenté évidente lorsque l’on prend la peine de se documenter un peu sur la religion romaine, terrienne comme la nôtre. Hormis les contes / timucuha, les traces antiques de l’univers d’où proviennent nos pratiques religieuses et croyances se sot perdues faute d’écrits. La documentation latine nous sauve de cette amnésie cosmogonique si ce n’est la diabolisation mise en place par le courant musulman boosté par l’école depuis 62.
Le caractère profondément terrien de notre culture et de notre religion est évident. Et les influences «méditerranéennes» se retrouvent assez fréquents dans le vocabulaire terrien de la langue kabyle. aspects qu’on n’a fait qu’évoquer (S. Chaker) mais point exploré.
Ce ne sont pas les superficialités des emprunts, dans le domaine religieux, à l’arabe (qui peut exclure que ce soit parfois du punique raflé l’arabe (on ne prête qu’au riche… du moment) ?) de mots qui expriment souvent des réalités païennes (lemqam, lwaada, taqerravt, … des réalités politiques démocratiques à l’opposé donc de l’islam (l3eqqal, lamin n taddart).
Pour revenir à l’univers que décrit Fadma Amruc, je dirais que c’est une Kabylie, une partie du monde berbère, un monde patriarcal tout droit venu de l’antiquité méditerranéenne encerclée depuis des siècles par l’islam. C’est une Kabylie dont les institutions ont été dépourvues de souveraineté au 19e siècle. La situation post-coloniale a entériné cette injustice et l’a outrageusement aggravé dans l’optique de la destruction totale. Les ravages moraux de l’Algerie post-coloniale sont sans commune mesure avec ceux de de la période coloniale. Preuve en est qu’on n’a plus de Fadma Amruc, de Fer3un, de Mammeri et même de Idir produits de la période post coloniale.
Ce livre montre le ghetto dans le ghetto que vivent les femmes kabyle. Le ghetto, les peuples méditerranéens et européens l’ont vécu eux aussi et dépasse; ils ont pu le dépasser en acquérant la souveraineté. La Kabylie et le monde berbère pas encore. La femme kabyle vit donc la double contrainte patriarcale kabyle et l’absence de souveraineté de la Kabylie elle même avant que s’ajoute un troisième, l’obscurantisme religieux musulman jamais connu avant.
Lire : «Les ravages moraux de l’Algerie post-coloniale sont sans commune mesure avec ceux de de la période coloniale. Preuve en est qu’après la période coloniale on n’a plus de Fadma Amruc, de Fer3un, de Mammeri et même de Idir.».
La période post-coloniale est allées plus dans l’assèchement des sources.
Je cite: « Pour revenir à l’univers que décrit Fadma Amruc, je dirais que c’est une Kabylie, une partie du monde berbère, un monde patriarcal tout droit venu de l’antiquité méditerranéenne encerclée depuis des siècles par l’islam. C’est une Kabylie dont les institutions ont été dépourvues de souveraineté au 19e siècle. La situation post-coloniale a entériné cette injustice et l’a outrageusement aggravé dans l’optique de la destruction totale. »
Disons les choses autrement, c.a.d. plus simplement:Reellement:
« … un monde patriarcal tout droit venu de l’antiquité méditerranéenne… » – En d’autres termes, des hommes qui dominent leurs femmes – je veux dire dans le foyer-meme. 2 remarques:
1. Ce n’est pas autrefois seulement, c’est d’actualite’ !
2. C’est tres tres psy. Il s’agit la de comportements intra-muraux, intra-village/quartier et ca s’ettend, jusqu’a un Nieme/certain degre’ de relation. N’ayez peur nous ne sommes pas les seuls!
La double-question est comment ce COMPORTEMENT de DOMINATION se manifeste-t-il et POURQUOI/MOTIF?
Vous donnez donc une clef de decodage avec « … une Kabylie encerclée depuis des siècles par l’islam. »
La Kabylie n’est pas au Moyen-Orient et les Musulmans qui l’entourent ne sont pas Arabes. C’est tres simple, l’arabo-islamisme progresse avec l’altitude et le relief. Il est clair que les frontieres resultent de confrontations guerrieres, c.a.d. comme ACTES PHYSIQUES – ou Un RAPPORT DE FORCES.
Bref, tandis que ces devanciers lointains ont guagne’ le rapport de forces pour etablir ces frontieres reconnaissables, il faut se demander qu’est-ce qu’il en est en d’autres termes? c.a.d. d’AUTORITE’.
La question qui se pose est: Ces comportements qui induisent la domination Homme sur la Femme, FUT-ELLE UNE MESURE LIBRE/INDEPENDENTE OU IMPOSE’E ?
Ma reponse: Au vu des emmigrations qu’ont connu les Kabyles, en grande partie sans leurs familles, je pense qu’il s’agit de MESURES CONSCIENTES, ce que j’ai lu dans un article portant sur le Tatouage des Femmes Berberes de maniere generale – pour les deProie-iser. Les femmes Jouives par example se rasent la tete pour indiquer leur non-disponibilite’ !
Il est temps de reconnaitre que depuis l’arrive’e de Fransa puis accelere’ en et apres 1962, l’adversaire principal, pour ne pas dire l’ennemi, se sont nos semblables soumis et agenouille’s.
Le Constat de ce 1988, dont je n’etais meme pas conscient en 88, est la consacration officielle, de l’ideologie Islamiste ou LA LEGALISATION DU QORAN COMME JURISPRUDENCE SUR UN ENORME TERRITOIRE. D’ailleur, c’est l’ultime but des confrontations actuelles en Orient et en Afrique. Le champs de bataille est d’ordre Legal. Ce regime malefique nous mene 2 batailles, le 1er a la palestinienne et le 2nd a la libanaise. Impose une autorite’ religieuse type hamas a l’interieur protage’ par la legalite’ internationale a la libanaise dont le hamas est devenu PARTI hezbollah.
Par rapport à votre question «La double-question est comment ce COMPORTEMENT de DOMINATION se manifeste-t-il et POURQUOI/MOTIF?», la réponse est des simple: c’est le résultat de l’économie basée sur la terre… comme c’était en Kabylie jusqu’à il y’a 40 ans.
La religion et le système politique lui sont d’ailleurs intimement liés.
Si vous êtes d’un certain âge, vous vous rappelleriez peut-être des grands pères, imeqqranen, qui pouvaient donner des baffes à leurs enfants moustachus eux mêmes pères de famille. Comment l’expliquer ? C’est que la propriété terrienne, unique source de subsistance en Kabylie, appartient au vieux qui peut même exproprier qui il veut. L’exproprié est mort économiquement et, par extension, aussi, socialement. C’est de là que vient le pouvoir des vieux, les patriarches.
Si nous voulons comprendre qui nous sommes, nous ne devons pas oublier ceci. C’est central. Et c’est ainsi dans toutes les sociétés terriennes de l’antiquité. C’est resté ainsi dans celles qui, comme la société kabyle, n’a pas été défigurées par la féodalité imposée par les religions du moyen orient. C’est dans cet ordre issue de la priorité terrienne que se trouve la place de la femme; pas enviable.
Athènes (contrairement à Sparte qui est restée terrienne) s’est débarrassée du patriarcat et est allée même jusqu’à la démocratie directe. Comment ? Après s’être tournée vers la mer, vers le commerce. Ceci a amené la diminution mécanique du rôle de la terre dans l’économie athénienne. Le rôle politique des patriarches s’est ainsi érodé jusqu’à la disparition totale. Au passage, nous autres berbères, nous avons tourné le dos à la mer, à ses perspectives voulant ainsi fuir ses dangers; même quand on a les pieds dans l’eau. On a conservé le système patriarcal antique, terrien. Sparte et ses semblables auraient fait autant et auraient gardé la femme dans son rôle de procréatrice si Alexandre n’est pas passé par là en 337 avant JC.
Je recois cela, mais la n’etait pas le point que je visais. La force d’execution dont vous parlez est ce que je qualifierais de POUVOIR. L’Autorite’ est tout autre chose, a mon sens. Par Autorite’ il est signe’ une Autorite’ Morale, DISTINCTE du pouvoir. L’autorite’ telle que vous l’interpretez est synonyme de pouvoir, plutot executoire, sans poids de noblesse necessairement. C’est plus une force de coersion plutot. L’Autorite’ dans le sens Kabyle Traditionnel/Ancien, a cette particularite’ de peser en termes d’Honneur, Noblesse et legitimite’. C’est une croyance qui tient sa force de la divinite’ – un Don de Dieu – Sans pour autant avoir aucune consonnance religieuse, au sens traditionnelle, a moins qu’il s’agisse d’une religion dont la pratique est anonyme. Son expression publique est une Assemble’e publique ouverte a tous. Elle est de nature Politique. Il n’y a aucune trace ou temoignage que cette Autorite’-la ait jamais attribue’ un quelconque statut a la femme sur la base de son genre(sexe). D’ailleur, je ne pense pas me tromper en affirmant q’autant le pouvoir du vieux de giffler son fils moustachu est permissible, il est strictement rejete’ par la societe’ et donc l’Autorite’ Morale. L’Autorite’ que s’octoit le vieux est presume’e etre supporte’e par une Autorite’ Morale. Cette Asumption est due non pas a ses possessions presume’s mais a son age qui le credite de sagesse. c.a.d. qu’il « doit avoir une bonne raison. »
Bref, dans le roman, son sort aura ete’ determine’ non pas par une quelconque religion mais la breche dans la norme sociale, traditions et croyances. Une chose est sure, cette norme ou moralite’ n’est pas Musulmane, elle n’aurait pas le temps d’ecrire ou raconter quoi que se soit. J’ai connu une Francaise qui a subit pire et en 1980, dans un village Francais du genre Kabyle. Elle a eut a abandonner son bebe a l’Eglise puis a quitter le village ou elle est devenue une paraya et la quasi-totalite’ de sa famille, a l’exception de sa soeur. Meme pas sa mere !!! Pour s’etre aventure’e avec un macon marie’. Son bebe a ete’ donne’ pour adoption, a travers les reseaux de l’Eglise.
Ameqqran, amghar negh major n’est pas qu’une «force d’execution». Amghar, c’est aussi a l’origine le prêtre de la famille. C’est aussi celui qui, une fois mort, devient un a3essas, un mane. De l’autorité morale aussi, on ne peut pas avoir plus.
L’anecdote de la giflette, c’était juste pour illustrer le pouvoir qu’avaient les patriarches. L’aspect moral (sous le regard actuel) qu’on peut attribuer à un tel geste est autre chose.