23 novembre 2024
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Une approche sans naïveté du découpage administratif Ould Kablia

Le découpage administratif que porte la commission Ould Kablia, c’est du déjà-vu. On replonge directement dans l’esprit de la Conférence de Berlin de 1884, où les puissances coloniales s’étaient partagé l’Afrique comme on découpe un gâteau, sans la moindre considération pour les peuples, leurs cultures, leurs territoires.

Aujourd’hui, la Régence algéroise applique la même recette, ignorant allègrement les identités régionales, culturelles et historiques de notre pays.

Sous prétexte de « moderniser » l’administration, ce découpage cache mal une ambition purement politique : contrôler, dominer, et surtout, centraliser à outrance. C’est du bonapartisme pur jus, hérité directement du colonialisme français. Ce découpage est une insulte aux spécificités locales, une tentative cynique de dépersonnaliser définitivement notre espace pour mieux imposer une uniformisation autoritaire.

Cette réforme prolonge le coup de force de l’été 1962, moment où l’armée de l’extérieur a investi l’appareil administratif colonial du gouvernement général et l’a pérennisé en liquidant l’État national régionalisé édifié par le FLN-ALN.

Cette « réforme » prétendument administrative ne peut être discutée sans rappeler notre douloureuse histoire coloniale. L’administration coloniale française, ne le perdez pas de vue, avait, elle aussi, découpé ce pays à sa guise, non pas pour aider, mais pour mieux soumettre. L’objectif était clair : casser les structures communautaires, effacer les identités, et imposer une seule autorité, celle de l’État central.

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Ironie de l’Histoire, le propre pouvoir algérien reprend ce modèle à son compte pour renforcer sa mainmise, pour centraliser encore plus et caporaliser la société en se faisant fi de sa diversité culturelle et régionale.

Où est la gouvernance participative et inclusive que suggère l’intitulé de « république démocratique et populaire » ? Nulle part. À la place, c’est une logique despotique et assimilationniste qui règne, avec pour seul but de renforcer le pouvoir d’une élite algéroise vénale, corrompue et coupée des réalités.

I. Un découpage administratif autoritaire, héritage du colonialisme

Origines de ce découpage administratif

Ce n’est pas compliqué. Ce découpage administratif vient tout droit de la gouvernance coloniale française. La France avait une obsession : centraliser pour mieux contrôler. Le territoire algérien a été découpé en départements, calqués sur ceux de la métropole, sans le moindre égard pour les structures locales, sans aucune reconnaissance des réalités culturelles. Déconstruire, décontextualiser, effacer : telle était la mission. Effacer les identités locales pour mieux imposer la domination coloniale. Aujourd’hui, même logique, même méthode.

On redessine les frontières intérieures de l'Algérie pour diluer les spécificités locales, pour faciliter le contrôle, pour neutraliser toute forme d'organisation collective ou de résistance. C'est la même chanson coloniale qu'on nous sert, mais avec des instruments modernes.

Les influences bonapartistes dans la gouvernance algérienne

La centralisation à outrance, c’est une marque de fabrique bonapartiste. Un système bureaucratique tentaculaire, hiérarchisé à l’extrême, où le pouvoir est concentré entre les mains de quelques-uns. Sous le colonialisme, cette approche a été perfectionnée pour supprimer toute forme de gouvernance autochtone. Après l’indépendance, ce modèle n’a pas disparu, il a été amplifié. Le résultat ? Une administration obèse, déconnectée, totalement insensible aux besoins réels de nos citoyens.

Le découpage de 2024, c’est l’illustration parfaite de cette culture bureaucratique stérile : on ne cherche pas à rapprocher l’administration des citoyens, on veut juste renforcer le contrôle, point final.

Diviser les grandes wilayas, fragmenter les territoires, tout cela n’est qu’une tentative pour réduire l’influence de certaines régions, pour mieux les museler politiquement. Il importe peu que la superstructure politique et bureaucratique soit en totale rupture avec nos réalités anthropologiques.

La Régence nourrit le dessein de créer un Algérien nouveau, conforme à la nature militaro-bureaucratique du système qui s'est imposé en septembre 1962. La Régence travaille à se fabriquer un peuple, et elle pense y arriver par un brassage forcé, censé liquider le fond amazigh et assurer la suprématie du fantasme arabo-islamique, un fantasme qui n'a de réalité nulle part, ni en Algérie ni dans le reste de ce qui est appelé le monde arabo-musulman. 

Le mépris envers les structures locales est total. Le pouvoir central voit dans ces structures des menaces à son autorité qu’il faut éradiquer.

En 1987, des membres du comité de cité de Hasnaoua avaient investi la chambre d’un certain Boudib Mohamed, officiellement enseignant à l’institut de lettres arabes, mais en réalité officier résident au centre universitaire de Tizi-Ouzou. Parmi les documents récupérés dans cette action, un rapport contre le coordinateur des instituts, ALEM. Il lui était reproché une application timorée de la carte universitaire donc, en conséquence, un manque d’implication dans la politique de brassage dont elle était l’instrument. Les velléités du plan « zéro Kabyle » ne datent pas d’aujourd’hui et viennent de loin. Seulement avec ce découpage, nous ne sommes plus dans le « zéro Kabyle », mais, franchement, dans le « zéro Kabylie ».

L’échec de la décentralisation et de la représentativité

La décentralisation, dans son principe, devrait rapprocher le pouvoir des citoyens, permettre une gouvernance flexible, adaptée aux réalités locales. Mais en Algérie, on a perverti ce concept.

Sous l’État FLN-ALN, l’organisation reposait sur les six wilayas historiques, chacune représentant une partie essentielle de la mosaïque identitaire algérienne, unissant des particularités régionales pour mener une lutte commune. Cet État régionalisé était une tentative intuitive et naturelle de reconnaître et d’intégrer les spécificités culturelles, identitaires, de chaque région, permettant ainsi à chaque wilaya de conserver une certaine autonomie tout en contribuant collectivement à l’effort de libération nationale.

Ces wilayas, en tant que structures territoriales, étaient non seulement des entités administratives mais aussi des symboles de la diversité algérienne et de la volonté de créer une nation unie dans la pluralité. Cette approche était une réponse organique aux réalités du terrain, une reconnaissance de l’histoire, de la culture et des spécificités locales, afin de rassembler les Algériens au-delà des différences pour une cause commune.

Mais après l’indépendance, cet état a été liquidé au profit du Gouvernement général et de ses structures, la décentralisation n’a été, dès lors, qu’un outil pour renforcer le contrôle central. L’État postindépendance, au lieu de poursuivre l’œuvre de régionalisation qui aurait pu cimenter la cohésion nationale tout en respectant la diversité, a opté pour une centralisation autoritaire, annihilant la vision initiale du FLN-ALN.

Les réformes administratives successives ont anéanti cette perspective et n’ont jamais cherché à donner de la voix aux citoyens ; elles ont tout fait pour l’étouffer, transformant les wilayas en de simples rouages administratifs soumis au bon vouloir d’Alger. Le découpage prévu pour 2024 est tout sauf une avancée démocratique. C’est une régression flagrante, qui reste dans le reniement de l’esprit de régionalisation d’origine, cette volonté de construire une nation à partir de ses multiples composantes.

En fragmentant les régions politiquement actives, on empêche toute émergence de contre-pouvoirs, on détruit la possibilité de voir naître des forces locales capables de représenter les intérêts de leurs territoires. On crée un réseau de subdivisions qui ne répondent qu’à une seule loyauté : celle envers le pouvoir central. Les citoyens ? Ils peuvent toujours attendre. Leur confiance dans ce système est brisée, et c’est bien ce que veut le régime : isoler, aliéner, marginaliser, étouffer toute velléité d’autonomie ou de revendication locale.

Cette centralisation forcée, au mépris des particularismes locaux, est une tentative de créer une masse uniforme et docile, sans ancrage culturel ni représentation authentique. Il s’agit là d’une véritable trahison de l’esprit de novembre, de la guerre de libération du mouvement national moderne dans son ensemble, une négation des sacrifices consentis par chaque région pour bâtir une Algérie libre et diverse.

Aujourd’hui, la décentralisation n’est plus qu’une façade, un mensonge que le régime utilise pour légitimer son autorité, tandis que, sur le terrain, il travaille méthodiquement à affaiblir, diviser et contrôler chaque recoin du pays.

Le découpage administratif prévu pour 2024 est également une réponse directe au Hirak, une réponse que la Régence veut décisive. Le Hirak a réactivé la capacité des Algériens à s’unir dans le respect de leur diversité, démontrant la force de la solidarité interrégionale face à l’autoritarisme. Ce mouvement populaire a remis en question l’ordre établi, menaçant la stabilité du pouvoir en place.

Le régime a donc décidé de réagir en reprenant la main, de façon autoritaire, par ce découpage, cherchant à briser définitivement cette dynamique unitaire et à réaffirmer son contrôle absolu sur le territoire. L’objectif est de diviser pour mieux régner, fragmenter les bases de soutien régional pour éviter toute forme de cohésion qui pourrait donner un nouvel élan aux revendications démocratiques.

II. Un découpage artificiel et arbitraire

La logique superficielle du découpage administratif prévu

Le découpage administratif prévu pour 2024 suit une logique géométrique et arithmétique rigide, réduisant l’Algérie à une simple grille tracée avec trois traits verticaux et trois traits horizontaux, rappelant tristement l’esprit de la Conférence de Berlin de 1884 où l’Afrique avait été divisée sans la moindre considération pour ses peuples. Ce découpage arbitraire crée des blocs, répartissant les régions de manière quasi-mécanique, sans égard pour les réalités historiques, culturelles ou économiques.

Par exemple, le Littoral Est se voit regrouper 12 entités comprenant des wilayas comme Béjaïa, Jijel et Constantine, tandis que le Littoral Central agrège 12 wilayas, incluant Alger, Tizi Ouzou et Boumerdès. La logique se poursuit ainsi : le Littoral Ouest en 11 subdivisions, les Hauts-Plateaux Est en 11 autres, et ainsi de suite avec une répartition simpliste de 12, 11, 11, 6, 4… Ces chiffres reflètent une vision déshumanisée du territoire, un découpage bureaucratique, dicté par des règles arithmétiques, sans prendre en compte les dynamiques sociales et culturelles des régions concernées.

Cette approche réduit les localités à des cases administratives rigides, ignorant les particularités locales. La Kabylie se retrouve divisée entre le Littoral Est, le Littoral et les Hauts-plateaux Centres, noyant ainsi son identité forte et historique dans des unités administratives standardisées. De même, l’absence totale du Touat (Mzab) ou des Oasis dans le découpage reflète une négligence totale envers cette région et ses spécificités culturelles.

Cette logique géométrique et arithmétique est une manière de simplifier à l’extrême, effaçant la diversité qui fait la richesse de l’Algérie. En découpant le pays de la sorte, le pouvoir renforce son contrôle par une approche de gestion froide et dévitalisée, qui tourne le dos à la complexité humaine et aux besoins des populations locales. Ce n’est qu’un exercice de bureaucratie aveugle, qui nie la diversité vivante du pays au profit d’une uniformité forcée, laissant les communautés locales sans représentation véritable de leur identité et de leurs aspirations.

III. Les objectifs politiques cachés du découpage

Un projet de reconquête et de renouvellement de clientèles

Pourquoi ce découpage ? Pour créer des postes, des fonctions, des titres, et surtout pour cimenter une structure politique entièrement redevable au nouveau pouvoir central. Chaque nouvelle subdivision administrative signifie de nouveaux responsables locaux, de nouveaux chefs de secteur, tous choisis par le régime, et tous liés par des intérêts personnels et une dépendance politique vis-à-vis de la Régence algéroise. C’est une stratégie de clientélisme calculée, qui vise à acheter la loyauté des acteurs locaux par la distribution de privilèges et de postes.

En multipliant les subdivisions, le régime se garantit une base de soutien élargie, faite de réseaux d’influence qui ne peuvent exister qu’à travers leur alignement avec le pouvoir central. C’est la fabrication d’une clientèle dépendante, soumise et reconnaissante, transformant les régions en simples prolongements du centre.

Cette réforme n’aborde pas les questions de représentation ni la question démocratique. Elle est conçue de manière unilatérale, sans prendre en considération la nécessité d’une consultation populaire. Le régime entend changer la structure politico-administrative sans implication de la société, sans débat, ni concertation. Pourtant, la Constitution ne connaît pas d’autres représentations que l’APC, l’APW et l’APN.

Avec cette réforme, il y aura 87 APW, au sein desquelles il y aura près de 300 regroupements intercommunaux, et au-dessus, il y aura 9 autorités administratives dont on ne sait rien de leurs prérogatives, des super-walis ou des sous-ministres ? Des super-chefs, désignés, dont la mission exacte, les pouvoirs et les responsabilités demeurent une totale inconnue.

Comment imaginer un tel bouleversement sans même réviser la Constitution ? En voulant mettre en place cette réforme sans concéder une révision constitutionnelle, Alger, la Régence, crée un imbroglio sans nom, une situation où la légalité même des nouvelles structures administratives peut être remise en question.

Qu’importe, cette expansion de la base de soutien doit seulement créer une nouvelle bureaucratie, un ensemble de postes et de titres destinés à maintenir un contrôle plus étroit sur le terrain. La loyauté ne sera pas gagnée par des actions bénéfiques pour la population, mais par une allégeance totale à ceux qui détiennent les rênes du pouvoir, ce qui dénature le principe même de service public.

Ainsi, le contrôle s’exercera par le biais de ces nouveaux acteurs bureaucratiques qui, plutôt que de servir la population, serviront à asphyxier toute forme de contestation. Ces responsables locaux n’auront aucune légitimité démocratique ; ils seront les marionnettes du pouvoir central, là pour exécuter des ordres et non pour représenter ou servir les citoyens.

Il est clair que ce système est conçu pour fonctionner en vase clos, sans interaction avec la réalité des citoyens, et en se concentrant uniquement sur la survie du régime. Loin d’encourager une gouvernance ouverte ou de prendre en compte la diversité des besoins locaux, cette bureaucratie enserre les régions dans un carcan rigide, empêchant toute évolution ou initiative locale qui pourrait dévier de la ligne officielle.

En multipliant ces instances bureaucratiques, le régime ne cherche pas à rapprocher l’administration des citoyens, mais bien à fragmenter, isoler et soumettre les différentes régions à un contrôle direct et constant. Cette stratégie d’atomisation vise à créer une mosaïque de micro-pouvoirs qui dépendent entièrement du centre, tuant ainsi toute possibilité de solidarité ou de cohésion régionale.

Au final, cette stratégie ne vise à modeler les comportements, à conditionner les populations locales à l’obéissance, à les habituer à n’avoir aucun recours face à une administration tentaculaire et omniprésente. La multiplication des acteurs intermédiaires permet aussi de créer des zones grises, des espaces où les responsabilités se perdent, où les abus peuvent prospérer en toute impunité, et où le citoyen se retrouve face à une machine impersonnelle et indifférente.

Cela ne fait qu’augmenter la distance entre le pouvoir et le peuple, rendant impossible toute véritable représentation, et pérennisant un système dont le but est avant tout la préservation du pouvoir en place, et non l’amélioration du bien-être de la nation.

Affaiblir les poches de résistance

La disparition de la Kabylie, l’effacement de la wilaya III, voilà le cœur du projet. Région historique de contestation, elle est dans le viseur du pouvoir depuis toujours. En fragmentant la Kabylie, le régime espère affaiblir toute tentative de résistance organisée. En coupant la Kabylie en deux, il pense atteindre sa cohésion régionale et la détruire, réduire sa capacité d’organisation et affaiblir sa capacité d’opposition. C’est une manœuvre de fragmentation délibérée, visant à étouffer une région perçue comme un danger permanent pour le régime.

La disparition de la Kabylie, l’effacement de la wilaya III, voilà le cœur du projet.

La Kabylie (la wilaya III) est une région marquée par une longue tradition de lutte et d’autonomie. Le régime en est bien conscient, et c’est précisément pour cette raison que la fragmentation administrative de cette région est poussée à l’extrême. En multipliant les entités, on fragmente les bases de soutien, on isole les communautés, on limite les possibilités de coordination.

Ce morcellement est conçu pour diviser la population en de multiples unités sans véritable pouvoir politique, chacune trop faible pour représenter une menace, trop petite pour organiser une résistance coordonnée. La volonté est claire : diluer l’identité régionale kabyle en la noyant dans une multitude de micro-circonscriptions incapables de peser collectivement sur le plan politique.

Le pouvoir colonial français avait agi pareillement. Il avait interdit les marchés inter-aarch, espace essentiel de sociabilisation, et avait créé et imposé de nouveaux centres administratifs pour en faire des centralités alternatives. Le découpage administratif est un outil de domination destiné à empêcher toute rébellion potentielle, à briser la solidarité locale et à anéantir les aspirations autonomistes.

La Kabylie, encore et toujours dans le collimateur. Région emblématique de la résistance, elle est systématiquement visée par des politiques qui cherchent à l’affaiblir. Le découpage de cette région montre clairement la volonté d’étouffer toute forme de revendication politique, d’empêcher l’expression d’une identité forte qui a toujours été en opposition à l’autoritarisme central. C’est une région marquée par une longue histoire de lutte pour l’autonomie, et c’est précisément pour cela qu’elle est fragmentée. Diviser la Kabylie, c’est chercher à briser sa cohésion, à la rendre incapable de constituer une force politique unie et puissante. Le régime veut une Kabylie morcelée, affaiblie, incapable de se soulever collectivement.

Ce découpage est anti-national,  il est une attaque directe contre ceux qui osent se lever et réclamer plus de liberté, plus de justice. La Kabylie incarne une volonté de préserver une identité culturelle forte, de défendre des valeurs de liberté et de justice sociale, des valeurs qui sont en contradiction avec la vision autoritaire du pouvoir central. En fragmentant cette région, le régime ne vise pas seulement à affaiblir un territoire, il cherche à briser un esprit, à annihiler une volonté de résistance qui, comme nous l’avons vu dans le Hirak, pourrait inspirer d’autres régions du pays.

La Kabylie est un symbole, et c’est pour cela qu’elle est dans la ligne de mire : parce que tant qu’elle résiste, elle montre qu’une autre Algérie est possible, une Algérie où les identités régionales sont respectées et où la diversité est considérée comme une force et non comme une menace.

Mais la marginalisation de la Kabylie ne se fait pas uniquement par le découpage administratif. Elle passe aussi par une privation de ressources, par un sous-investissement chronique, par une marginalisation économique qui vise à maintenir la région dans un état de dépendance et de faiblesse. Le découpage est une étape, mais il s’accompagne d’une politique globale de marginalisation qui vise à étouffer toute possibilité de développement autonome. C’est une stratégie qui vise à briser la volonté des Kabyles, à les contraindre à abandonner leurs revendications, à les forcer à se soumettre à l’autorité centrale en les privant des moyens de développer leur région et de vivre dignement.

En fin de compte, ce découpage est une déclaration de guerre contre la diversité, une tentative de redessiner l’Algérie à l’image de ceux qui veulent la dominer.

Il ne s’agit pas seulement de réorganiser des frontières internes, il s’agit de redéfinir ce qu’est l’Algérie, de redéfinir qui a le droit d’exister en tant que communauté avec une identité propre. La Kabylie, par son histoire, par sa culture, par son esprit de résistance, représente tout ce que le régime veut effacer. Et c’est pour cela qu’elle est la cible d’une marginalisation délibérée, méthodique, implacable.

Mohand Bakir

5 Commentaires

  1. En faite, il y a trois trois visions sur les entités en place:
    Il y a celle dictée par racines historiques et archéologiques. Elles montrent, dans le cas de la Kabylie une ancienneté remontant à l’antiquité.
    Ainsi aussi loin que les textes le permettent, la Kabylie était une réalité. Les stèles à cavalier et à inscriptions libyques datant de l’époque numide ne sont attestées qu’en Kabylie (haute et basse Kabylie). On est à l’aube du IIe siècle avant JC.
    Plus de siècles plus tard, l’histoire parle de la révolte kabyle à travers le soulèvement de Firmus.
    Après l’invasion orientale, les arabes qui n’y ont jamais mis les pieds, appelaient la Kabylie «bilad assaba’a » (quelque chose comme ´pays auquel il ne faut pas s’y frotter’).
    Après le déferlement des quelques tribus hilaliennes, sur les hauts plateaux la ville de Vgayet a accueilli la dynastie fugitive berbère des Hamadides. L’esprit berbère restait fort prégnant dans cette ville et chez cette dynastie : la moitié de la population était encore chrétienne et recevait ses évêques nommés par ke Pape à Rome. Les campagnes kabyles quant à elle ont gardé leur système citoyen et leurs religions païenne (qui nous sont parvenus presque intacts) et chrétienne.
    Le génocide opéré par les fanatiques Al Mohade sur les chrétiens des villes ont abouti à l’extermination de cette communauté à Vgayet ville (mais aussi dans les autres villes nord africaines). Une des tâches noires de certaines dynasties berbères musulmanes.
    Au début de l’époque moderne, les Meqqrani, famille prééminente de la confédération tout aussi prééminente des At Abbas a mené le double combat contre les turcs et les espagnols. S’alliant alternativement aux turcs puis
    aux espagnols, ils ont mené une politique très habile dictée par l’intérêt des confédérations kabyles, de la Kabylie en un mot. La victoire des turcs contre les espagnols a mis fin à cette politique d’équilibriste aboutissant à la perte de Vgyayet et des places fortes côtières au profit des raquetteurs turcs
    Ceci n’a pas mis fin aux conflits nous opposant aux turcs: durant 3 siècles les raids, les confrontations, les batailles sanglantes étaient cycliques entres Kabyles et turcs.
    La grande perte de souveraineté est survenue après le désastre de la défaite de la guerre de 1871. Les confédérations kabyles ont été dépouillées de l’ essentiel de leurs prérogatives. Pire encore, le changement du régime militaire par un régime civil dans la colonie algérienne voisine a abouti à l’annexion du territoire des confédérations kabyles dans la nouvelle entité algérienne.
    Au XXe siècle, les nouvelles élites kabyles issues de l’école et celles des zaouia (celles-ci ont percé dans l’espace kabyle avant l’arrivée même des français), imprégnées de la cosmologie algérienne mise en place par les européens et coupées de l’héritage kabyle ont, dans le contexte colonial très difficile, fait alliance avec les autres élites indigènes de la colonie. C’est ainsi que l’utopie algérienne indigène a pris forme. C’est la deuxième vision des choses. Le découpage en régions durant le conflit de 54 était une façon de concilier les réalités historiques hétérogènes du territoire avec la nouvelle frontière tracée par les français. Il faut rappeler néanmoins que même cette conception régionalisée, cette sorte de compromis entre les réalités identitaires historique et le nouvelle ordre cosmologique imposé par le colonialisme, n’est pas adopté unanimement. Les adeptes de la oumma ne sont ni dans la logique historique, des institues locales, ni dans le compromis utopique, nouveau. Pour eux, le système colonial est bon pourvu qu’il soit repeint en vert, qu’il soit au service d’un projet lointain, califal. C’est avec ces gens là que nos utopistes ont fait équipe pour concrétiser leur utopie.
    Après le départ des français, les conflictualités ont encore une fois tracé, plus ou moins de façon précise, les frontières de la Kabylie. Même le vote de 1991, le seul vote crédible depuis 1962, même dans le contexte wilayal algérien, a clairement réaffirmé l’identité kabyle. C’était un quasi référendum pour la Kabylie. Que certains se plaisent à considérer ce vote comme truqué, ça l’est peut être en Algérie, mais en Kabylie, il n’y avait eu aucune contestation des résultats de quelque nature que ce soit. Les antagonismes entre le FFS, le RCD et les kabyles algerianistes du FLN étaient pourtant très forts et étaient susceptibles de donner lieu à mille contestation. Et pourtant le dépeçage de la Kabylie était déjà en place depuis des années avec des morceaux de notre pays éparpillés entre Setif, Bordj, entre autres.
    C’est cette réalité que nos utopistes n’arrivent pas à voir et continuent à se placer en alliés objectifs des apprentis sorciers du régîme.

  2. Rien de nouveau souw le soleil. Rien à craindre pour la Kabylie. Elle a su exister bien que morcelée en plusieurs wilayas. Elle existera toujours, malgré ous ls morcellements ou regroupements administratifs.

  3. Je cite:
    «  En multipliant les entités, on fragmente les bases de soutien, on isole les communautés, on limite les possibilités de coordination.

    Je ne vois vraiment pas la rationnelle. Ce ne sont tout de meme pas des frontieres administratives qui decident des sentiments d’appartenance tout de meme, si?!!! Comment peut-on empecher une coordination avec des frontieres administratives? Il est peut-etre temps d’operer sur la base d’idees et non de retroupement, non? Cela dit, je ne doute point de la malveillance de tout souffle ou geste de cette mafia. Les 87 structures n’empechent pas l’emergence de 6 Etats, auquelles appartiendraient ou plutot PARTICIPERAIENT un nombre X des ces structures kabliennes.
    Le danger est dans le fait que Si ces nouvelles structures repondaient vraiment a une necessite’ d’efficacite’ de fonctionnement POURQUOI N’AURAIENT-ELLES PAS EMERGE’ ET ORGANISE’ LOCALEMENT ? N’y a-t-il pas des villages et villes Kabyles qui sont actuellement dilue’es dans des Wilayas a majorite’ Arabophones, a Jijel et Setif par example? Avec l’emergence d’une structure Etatique, elles reviendraient a leur Etat-Nation d’origine – par choix – peut-etre.
    Le hic dans tout ca est l’IMPOTENCE DES APWs sans pouvoir ni AVIS, encore moins Hommes et Femmes de s’elever contre ces decisions autoritaires a outrance.

  4. Une seule et salvatrice issue: L’INDÉPENDANCE de la Kabylie.
    Toute le reste, mais vraiment, tout n,est que mort certaine de tout ce qui est Kabyle: Êtres vivants, pays, culture, identité …

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