Depuis 62 ans, l’indépendance a été portée avec elle des promesses d’un avenir radieux, d’un développement économique inclusif et d’une justice sociale pour tous. Des discours politiques enthousiastes ont esquissé l’image d’un pays qui allait progresser à un rythme soutenu.
Pourtant, cette vision a peu à peu cédé la place à une réalité où la stagnation semble être la norme, et où la promesse de progrès se transforme en une illusion de plus en plus évident.
Le système dans lequel nous vivons ressemble de plus en plus à un immeuble dont l’ascenseur est en panne et l’escalier verrouillé. Le principe de la mobilité sociale, c’est-à-dire la possibilité de gravir les échelons sociaux en fonction de ses efforts et de ses mérites, est devenu un mythe. Les mécanismes censés faciliter cette ascension, que ce soit à travers l’éducation, l’emploi ou l’entrepreneuriat, semblent non seulement défaillants, mais carrément inaccessibles pour une grande partie de la population.
Le constat est accablant : l’ascenseur social, autrefois perçu comme le moyen de sortir de la précarité ou de la marginalisation, est bloqué depuis des décennies. Pour ceux qui pensaient pouvoir trouver une alternative – emprunter l’escalier de service, par exemple, en utilisant les réseaux ou les opportunités informelles – il y a aussi une déception cuisante. Cet escalier est désormais verrouillé, laissant la majorité des citoyens coincés dans une impasse où la seule a choisi qui monte, ce sont les inégalités.
Les promesses de réformes économiques et sociales faites au lendemain de l’indépendance se sont heurtées à la dure réalité des détournements de ressources, de la corruption et de l’inertie gouvernementale. Ce qui devait être une montée en flèche vers la prospérité s’est souvent transformée en un chemin de plus en plus sinueux, où les richesses et les privilégiés continuent de monter dans des déclenchements réservés, tandis que les autres sont coincés au rez-de- chaussée, sans espoir d’une issue favorable.
Le paradoxe du système actuel est frappant : on parle encore de justice sociale, mais tout est conçu pour empêcher cette justice d’atteindre ceux qui en ont réellement besoin. L’ascenseur social est devenu un fantasme réservé à une élite, et l’escalier de service est désormais une légende urbaine, réservé à ceux qui connaissent les bonnes personnes ou bénéficient d’opportunités inaccessibles au commun des mortels.
Cette situation nourrit la frustration et la résignation. Au lieu de voir un avenir prometteur, beaucoup de citoyens se sentent condamnés à tourner en rond, à observer les privilèges des autres, sans espoir de changer leur condition. Le rêve d’un avenir meilleur s’éloigne chaque jour un peu plus, remplacé par une amère réalité où la seule certitude est que l’ascenseur ne fonctionne plus, et l’escalier est hors de portée.
Le titre de cette chronique, « Le système bloque l’ascenseur et verrouille l’escalier ; personne ne monte, personne ne descend », résume parfaitement ce paradoxe. Il dénonce un système où les mécanismes supposés garantir la mobilité sociale sont non seulement défaillants, mais activement entravés, condamnant ainsi des générations à l’immobilisme.
Mais à un moment donné, cette situation devient insoutenable. Si le système ne fonctionne plus, il est impératif de le réinventer. Il est temps de remettre en marche l’ascenseur social, de débloquer l’escalier de service et de restaurer l’idée que, quelle que soit notre origine, il existe une possibilité de progresser, de monter, de réussir. Cela nécessitera des réformes profondes et un engagement sincère à instaurer des mécanismes de justice sociale réelles et efficaces. Tant que ce système perdura, l’illusion du progrès continuera de se désintégrer.
Il est temps de redonner aux citoyens la possibilité de prendre part à l’ascension. Car tant que l’ascenseur reste bloqué et que l’escalier reste fermé, le progrès reste un rêve inaccessible, réservé à une élite qui n’a jamais eu besoin de monter.
Il est évident que ce système, tel qu’il fonctionne aujourd’hui, alimente un cercle vicieux : les inégalités se creusent, les élites restent en haut, et ceux d’en bas sont condamnés à regarder sans pouvoir agir. Cette réalité, aussi frustrante soit-elle, n’est cependant pas une fatalité. Le plus grand défi réside dans la capacité de la société à prendre conscience de ces blocages et à agir pour les éliminer.
Il ne s’agit pas seulement de réformer les structures économiques ou politiques. Il s’agit aussi de redéfinir ce que signifie « véritable progrès ». Le progrès ne peut pas être l’apanage de quelques-uns ; il doit concerner chaque citoyen, chaque individu, quelle que soit sa classe sociale ou son origine. La répartition équitable des opportunités est essentielle pour garantir que chacun puisse gravir les échelons – qu’ils soient ascenseur ou escalier. Mais pour que cela soit possible, il faut impérativement remettre en question l’ordre établi, cette hiérarchie figée où seuls certaines bénéficient des clés du pouvoir et de la richesse.
Les réformes nécessaires ne se limitent pas à de simples ajustements économiques. Il faut avant tout redonner du sens à l’ascenseur social. Cela passe par des politiques publiques audacieuses qui ouvrent les portes de l’éducation, de l’emploi et de l’entrepreneuriat à tous, dépendant des privilèges hérités ou des relations. Il s’agit de remettre l’humain au cœur du système, de promouvoir la méritocratie, certes, mais une méritocratie qui repose sur des bases solides d’égalité des chances.
Cela inclut la lutte contre la corruption, l’opacité et l’élitisme qui empêchent l’ascension de ceux qui, pourtant, en ont le potentiel. Ce n’est qu’en repensant les mécanismes de financement, en réformant le système éducatif pour le rendre accessible et équitable, et en créant des emplois durables que l’on pourra espérer faire fonctionner l’ascenseur social à nouveau. Et, pour ceux qui ne peuvent emprunter ce chemin, il faut que l’escalier – celui des opportunités alternatives – soit accessible, ouvert, sans verrous.
Ce changement ne se fera pas en un jour. Les obstacles sont nombreux, et les résistances au changement, puissantes. Mais chaque effort pour rendre l’ascenseur accessible à tous et chaque action pour ouvrir l’escalier à ceux qui en ont besoin est un pas vers une société plus juste et plus égalitaire. Il est impératif de comprendre que, si le système bloque l’ascenseur et verrouille l’escalier, il appartient à chacun d’entre nous de lutter pour que les portes se rouvrent.
Ainsi, le rêve d’un avenir meilleur n’est pas une utopie. Il est possible, mais il doit reposer sur une refonte totale du système actuel. Un avenir où chacun peut monter, progresser, mais aussi un avenir où personne ne soit laissé pour compte, où les inégalités ne soient pas une fatalité, mais un problème à résoudre. En rendant l’ascenseur social accessible à tous, et en ouvrant l’escalier de service à ceux qui en ont besoin, nous pourrons peut-être enfin transformer l’illusion du progrès en une réalité tangible.
En fin de compte, il s’agit de redonner à chaque citoyen la possibilité de gravir les échelons. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons restaurer la confiance dans les institutions, rétablir une véritable mobilité sociale et construire une société où l’ascenseur social et l’escalier ne soient plus des symboles de stagnation, mais des vecteurs d’espoir et de progrès pour tous.
En conclusion, « Le système bloque l’ascenseur et verrouille l’escalier ; personne ne monte, personne ne descend » n’est pas seulement une observation amère de notre réalité sociale, mais un appel à l’action.
Le blocage des mécanismes de mobilité sociale ne peut pas durer éternellement sans engendrer des frustrations profondes et une remise en question générale de l’équité du système. Tant que l’ascenseur social reste en panne et que l’escalier sera fermé à double tour, l’illusion d’un avenir meilleur continue de se dissiper.
Il est essentiel de comprendre que le véritable progrès ne se limite pas à des chiffres économiques ou des discours politiques creux, mais à la capacité de chaque citoyen à s’élever et à réaliser son potentiel. Cela nécessite une refonte des structures sociales et économiques pour garantir l’égalité des chances et offrir des opportunités à tous, sans discrimination. La lutte pour un système plus juste et plus équitable n’est pas une option, mais une nécessité.
Il revient à chacun de nous, à travers nos actions collectives et nos choix politiques, de rétablir les conditions nécessaires pour que l’ascenseur social fonctionne à nouveau et que l’escalier ne soit plus un chemin fermé. C’est ainsi que nous pourrons redonner de l’espoir à ceux qui sont aujourd’hui laissés pour compte et bâtir un avenir où la prospérité n’est pas l’apanage de quelques-uns, mais une réalité partagée par tous.
« L’égalité des chances n’est pas un luxe, mais un impératif moral et économique. Un système juste est celui où chacun peut gravir les échelons, modifiant de ses origines, de ses privilèges ou de son réseau. »
Dr A. Boumezrag