5 février 2025
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Les souches-mères et fausses couches du mort-né art contemporain en Algérie

Concrétisée après quarante-trois années (1964-2007) de promesses et tergiversations politiques, l’inauguration, fin décembre 2007, du Musée d’art moderne d’Alger (MAMA) répondait alors moins aux attentes légitimes de plasticiens en mal de visibilité qu’aux bonifications narcissiques que les apparatchiks de la « Famille révolutionnaire » comptaient tirer de la manifestation Alger, capitale de la culture arabe 2007.

Son déballage de zèles et de fastes protocolaires démarra avec la monstration Madjûn Layla (Fou de Layla) du peintre Malek Salah. Le protégé de l’unique galeriste professionnel Mustapha Orif essuyait ainsi les plâtres d’un cérémonial diplomatique censé redorer l’image internationale de l’Algérie, objet initial et primordial de la réhabilitation des anciennes « Galeries de France » (renommées à l’İndépendance « Les Galeries algériennes »).

Les attraits de la nouvelle institution culturelle se prorogeront grâce au second Festival panafricain de 2009, à des vernissages initiés en guise d’assises historiographiques (ceux de Mohamed Khadda, M’Hamed İssiakhem, Choukri Mesli) ou de mises à jour intellectives rehaussées de catalogues de bonne qualité.

Puis, les polissages démonstratifs de la belle vitrine s’atténueront à la suite du Cinquantenaire de l’İndépendance (1962-2012), une fois que l’instrumentalisation du créateur docile sollicité comme atout de la recapitalisation symbolique et faire valoir progressiste suscitera moins d’intérêt chez les décideurs de la hiérarchie militaire. Le lent détachement ou perte d’engouement correspondait au changement de cap attribué à la fonction de l’art, coïncidait aux coupes budgétaires inhérentes à la baisse du prix du baril de pétrole et révélait corrélativement le vide d’innovation que compenseront les deux éditions (2017 et 2018) Le design italien rencontre le design algérien.

Elles démontraient que la section design de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts d’Alger (ENSBA) avait nettement pris le dessus sur le département abritant jusque-là les peintres et sculpteurs, révélaient par ailleurs que les référents patrimonialo-identitaires inondaient un champ artistique au sein duquel des pasticheurs renouaient avec la graphie informelle de l’ »École du Signe » et plus largement avec les tropismes iconographiques de la matrice orientaliste. Ces inversions de valeurs ont eu une incidence directe sur la clôture, en octobre 2019, du MAMA, bâtiment situé au 25, rue Larbi Ben M’hidi.

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Subissant la tutelle du pesant ministère de la Culture, les deux principaux gestionnaires de ses douze ans d’existence (respectivement Mohamed Djehiche et Nadira Aklouche Laggoune) n’ont pas su inculquer ou imposer dans le long terme les applications discursives et scénographiques en mesure de sublimer le travail des émergents, d’élargir l’horizon mental de publics algérois orphelins des projections alternatives susceptibles de les accoutumer aux mouvances de l’art mondial.

Sous l’autre coupe réglée des ministères des Moudjahid et des Affaires religieuses, les statuts administratifs ou législatifs du Musée ne le prédisposaient pas à devenir le pôle des insubordinations visuelles, le phare avancé des flibustiers de l’art anti-canons. İl ne pouvait de la sorte couver la production de femmes et hommes enclins à recourir à des réquisits synonymes de transgression conceptuelle et esthétique.

Rester dans le normatif plutôt que de prétendre à de l’excellence créative ou du choc performatif (c’est-à-dire à une démarche insolite, novatrice et subversive s’appliquant à la locution art contemporain, telle que comprise en Europe), voilà le postulat inhibant les volontés de ruptures ou vocations postérieures, neutralisant les possibilités de s’émanciper du pesant discours ambiant d’agents propagandistes accaparés à rabattre la pensée d’essence artistique sur le paradigme de renouveau dans ou par l’authenticité révolutionnaire et patrimoniale.

Le proche exemple notoire fut l’exposition de Mustapha Boutadjine organisée dans le cadre des solennités du 70ème anniversaire du déclenchement de l’insurrection armée (1er Novembre 1954).

Le 12 septembre 2024, l’ex-professeur de l’École nationale des Beaux-Arts d’Alger (ENBA) affichait 24 digigraphies et deux originaux sous-verre sur les cimaises de la salle « Baya » du Palais de la culture Moufdi-Zakaria.

Pendant un mois, chaque regardeur se trouva face à une série de portraits composés de pièces de puzzles reconstituant la figure identifiable de résistants (El Mouqawimoune) mis en relation dialectique avec d’une part le discours officiel laudateur magnifiant à longueur d’année les martyrs-héros et d’autre part la l’approche conditionnée ou formatée de la ministre de la Culture et des Arts qui inscrira d’emblée son action dans les schémas de pensée favorables à la valorisation du patrimoine (particulièrement la restauration de sites historiques érigés en secteurs sauvegardés) ou la protection de l’identité et de la mémoire nationales.

Néophyte en matière de marché de l’art, Soraya Mouloudji certifiait malgré tout que le plébiscité de l’heure (Mustapha Boutadjine) constituait « une valeur artistique algérienne de grande renommée sur la scène mondiale » (Soraya Mouloudji, in APS, 14 sept. 2024).

Elle invitera de surcroît les étudiants des « Beaux-Arts » à apprécier une exhibition « nationale et internationale de révolte et de résistance » acclimatée au relent fanonien de non domination, c’est-à-dire à une quête ou affirmation d’un soi algérien affranchi de toute forme d’acculturation.

Contrairement à la colonisation ottomane, la française est accusée d’avoir, via ses habitus de suprématie et violences symboliques, profondément altéré la culture primaire qu’incarne à elle seule la religion musulmane, singulièrement en transposant dans le champ culturel militairement investi le modèle du génie hors du commun lui-même acclimaté à un nomadisme romantico-oriental. Rétif à ce genre de visage égotiste, les rédacteurs de la Plateforme de la Soummam d’août 1956 conviendront de la nécessité de rompre promptement « (…) avec les positions idéalistes individualistes » et asserteront la « (…) condamnation définitive du culte de la personnalité ».

Après avoir désarçonné de son piédestal le Moi-je mystico-romantique et remis en selle un Nous collectif plus en concordance avec la communauté des croyants, les scribes du FLN prohiberont la notion de cosmopolitisme au moment d’établir les lignes directrices du Programme de Tripoli (mai-juin 1962).

À l’İndépendance, les philistins de la clôture déterministe harmoniseront et amplifieront les slogans phares « Un seul héros, le peuple » et « À bas le culte de la personnalité », refuseront d’admettre qu’un peintre et romancier puissent s’appréhender au nom de la doxa « l’art pour l’art », d’une expression du sensible fonctionnant en roue libre à l’intérieur de son propre jeu formel ou imaginaire.

Cela équivalait selon eux à favoriser le marchandage spéculatif des oeuvres d’art, à compromettre le volontarisme désintéressé de la culture politique de combat, à disqualifier une rhétorique unanimiste concourant à dessiner l’identité sociale d’auteurs et créateurs assignés à la résidence de l’anonymat.

Garants de la re-singularisation littéraire et picturale, ces avant-corps de la pertinence patriotique devront se contenter des semaines culturelles négociées avec les démocraties populaires du bloc soviétique et de certaines contrées arabes ou africaines, cautionner des kermesses tiers-mondistes vantant les mérites prolétariens de la révolution agraire ou industrielle, se ranger du côté des pays dits « Frères », car musulmans, anti-impérialistes ou anticapitalistes, éprouver la panoplie de sensations à partager au sein du monde des non alignés, sphère de laquelle se tiendront éloignés les experts occidentaux de la réception ou sanction des goûts et styles.

Les curateurs internationaux zapperont pareillement les exaltations figuratives d’une culture politique de combat incitant les membres de l’Union nationale des arts plastiques (UNAP) à confectionner les ersatz d’un réalisme-socialiste accaparé à efficacement profiler l’éthique de communauté de l’Homme nouveau. Mises en exergue lors des déballages politico-panégyriques, ses identifications laudatrices se peaufinaient au gré des glorifications mémorielles du 1er novembre 1954 ou du 05 juillet 1962.

Partie intégrante des jounoud du socialiste-spécifique et de ses développements unitaires, des groupes de peintres se mouvaient en milieu collectif, au coeur d’un environnement médiatique truffé d’accents protectionnistes, au point que le Manifeste Aouchem de mars 1967 ratera sa tentative de dépassement ontologique en reprenant les poncifs d’une souche saine contaminée par les us et coutumes d’indésirables cultures intruses.

Édités à la « Une » du journal El Moudjahid, placardés dans les rues ou sur les larges panneaux des routes, les signifiants-maîtres de l’Algérie en marche vers une intègre société rejetant l’exploitation de l’homme par l’homme laissaient croire qu’un futur radieux pointait à l’horizon.

Or, plutôt que de le scruter à longueur de journées à partir de la rive sud de la Méditerranée, d’attendre l’application concrète des voeux pieux, plusieurs protagonistes incrédules finiront par le trouver ailleurs.

Après Abdellah Benanteur (en 1958) et Abdelkader Guermaz (en 1962), Mohamed Aksouh franchira (en 1965) à son tour le rubicond en traversant la mer des creusets et confluences, celle menant justement aux aperceptions artistiques du cosmopolitique prohibé.

Aidés parfois d’une bourse d’étude algérienne ou française, les aventuriers suivants (Arezki Aoun, Malek Salah, Samta Benyahia, Rachid Koraïchi etc…) essaieront de réduire l’écart cognitif les ayant jusque-là éloignés de la locution art contemporain, celle-ci étant entendue dans leur pays d’origine comme la récupération et l’exploitation ataviques des archétypes ancestraux.

İl s’agissait évidemment toujours de ceux assurant la reconnaissance de l’être-là, d’un Algérien différencié des mécréants européens, immunisé contre leurs nocives influences et appelé à se ressourcer ou se revivifier en 1969 dans les immanences révolutionnaires du Festival culturel panafricain d’Alger.

Persuadé d’appartenir au camp des opprimés victimes de prédateurs constamment prêts à oppresser les plus faibles, Houari Boumediène se drapait de la bannière neutre de manière à apparaître comme l’interlocuteur privilégié des deux pôles dirigeants (EST et OUEST) en présence-conflit. Cette acrobate position intermédiaire durera une décennie, jusqu’à ce que se substitue à la foi collectiviste du socialisme vertueux celle de la Oumma islamiya, une plongée salafiste presque chronologique au postmodernisme culturel.

Rattaché au vocable de transmigration, ce dernier embarquera peu de créateurs locaux, majoritairement trop impactés de chauvinisme pour se sortir des coercitions et corsetages idéologiques déviant la moindre accroche à l’univers des fertiles mutations. L’empêchement sera d’autant plus probant que le fondamentalisme religieux amorçait au même moment une percée sanguine dans la raison pure du Vrai-soi, celui germant au tréfonds de l’essentialisme et de ses archaïsmes comportementaux.

Au soudain décès de l’Homme au burnous et cigare (décembre 1978) suivra le quatrième Congrès extraordinaire du parti unique FLN, lequel fera élire en janvier 1979 l’inconnu Chadli Bendjedid et amorcera une bifurcation en direction du libéralisme sauvage que préconiseront bientôt plus clairement Margaret Thatcher et Ronald Reagan. De fortes perturbations économiques fragilisant le modèle tant vanté des industries-industrialisantes, la découpe sans concession de la lourde entreprise mènera aux émeutes du 05 octobre 1988.

Dans le champ artistique, les Biennales de 1987 et 1989 se dérouleront toutefois encore en accointance emblématique avec les 05 Juillet 1962 et le 1er Novembre 1954. L’attachement viscéral et épidermique à ces deux dates chronotopes plombera l’élan de plasticiens algériens intégralement démonétisés du titre porteur de Magiciens de la terre, une exposition scénarisée en résonances à la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen.

Souhaitant replacer sur un même pied d’égalité les productions de l’art contemporain européen et celles maintenues à ses frontières, ouvrir un espace non comparatif au sein duquel devait se réduire l’écart entre l’ensemble des expressions visuelles de la planète, agencer les conditions d’une altérité du spécifique, faire de Paris l’intersection des échanges postcoloniaux, son curateur principal, Jean-Hubert Martin, jugeait en mai 1989 lesdits déboutés géographiquement trop proches de l’Europe.

En recherche de pures trouvailles, et voulant absolument prendre le contre-pied de la vision ethnologique engrangée au XİXᶱ siècle, il réservera ses attentions à la nature polysémique de sociétés séculaires dites « invisibles », les considérera « (…) indemnes de toute contamination occidentale (…) », une inviolabilité déniée aux artistes du pourtour méditerranéen, notamment à Larbi Arezki, Ali Kichou et Denis Martinez.

Semble-t-il trop en vis-à-vis, c’est-à-dire territorialement pas suffisamment décalé, le trio fut victime de l’ignorance d’envoyés spéciaux ayant assurément éviter le voyage « sur zone », fait à fortiori l’impasse sur la production de toiles, sculptures ou installations saisies comme de vulgaires copies et non en tant qu’artefacts nés d’une réflexion artistique vivant par elle-même, en dehors des ascendances supposées dommageables.

La notion de mimétisme était d’autant plus à réfuter qu’un processus de réappropriation (d’appartenance et/ou de reconnaissance) s’était accompli en Algérie à partir de « l’exploration fanonienne », de la phase de re-singularisation assurant la récupération stratigraphique d’éléments immémoriaux. Apprenant à piocher au plus près des mémoires hypostasiées, quelques abstraits de l’ « École du Signe » surent ouvrir une brèche dans un substratum que régénéreront identiquement des « Aouchemites » confrontés aux raccourcis temporels du système de pensée unique.

Décidés à desserrer les noeuds gordiens de la sacro-sainte authenticité culturelle, d’autres dissidents du carcan hagiographique surferont dès la décennie 1980 sur le concept de nomadisme cher à Achille Bonito Oliva, emprunteront l’itinéraire postmoderne du « Retour à » (sur lequel repose le principe des emprunts partagés) avec l’assurance de s’accaparer les effets réparateurs et transcendants du totémisme, soufisme ou néo-primitivisme.

Mais, contestant les particularités du terrain algérien, l’ex-conservateur du Musée océanien et africain de Paris (et ses proches collaborateurs Aline Luque, Mark Francis et André Mangin) ne retiendra de celui-ci qu’une « (…) tendance disposée à concilier la calligraphie traditionnelle avec la peinture de l’École de Paris », c’est-à-dire conditionnée à transposer « de la calligraphie dans la technique de la peinture de chevalet occidentale».

Aussi, plutôt que d’intégrer des médiums teintés de maraboutisme et de primitivisme spiritualiste aux curiosités de « (…) la nouvelle géographie de la création.», l’ancien directeur de la Biennale de Paris (1985) les retoquera, mésestimera concomitamment des plasticiens contournant les simplismes picturaux de la version identito-patrimoniale, les éliminera de l’extension de l’offre et fera d’eux les néo-marginaux enfermés dans les coulisses du « hors-jeu » artistique.

Cette « exclusion » les maintiendra à distance alors qu’ils subissaient de plein fouet les vindictes d’une identité nationale dite menacée, les allégeances commémoratives affiliées à l’affectif patriotique ou aux compromis politico-diplomatiques. Faute de critiques d’art suffisamment charismatiques pour exercer un pouvoir de controverse, capables de chambouler ou perturber les aprioris du nouvel ordre des choses, la plupart continueront à végéter à la marge de la Grande histoire.

İls le demeureront d’autant mieux et plus, qu’avec la chute du Mur de Berlin (novembre 1989), la fracture s’accentuait entre deux conceptions des valeurs diamétralement opposées ; moins d’une année plus tard l’Algérie voyait le Front islamique du salut (FİS, créé le 10 mars 1989) remporter les élections municipales (juin 1990), rafler la majeure partie des communes et, dans la foulée, le premier tour des Législatives de décembre 1991 (stoppées en janvier 1992 par les haut gradés du commandement militaire, désignés ensuite les « Janviéristes »).

İl aura fallu dès lors attendre une décennie pour que l’apaisement entériné via le fameux Pardon (Rahma) de la Réconciliation nationale laisse voir le désert institutionnel qu’était devenu un champ culturel en perte de repères et un paysage artistique constatant ses nombreux manques structurels.

En 2003, l’éclaircie envisagée à partir de la saison culturelle Année de l’Algérie en France ne dissipera pas le marasme les affectant de fond en comble, n’empêchera nullement le virage patrimonialo-religieux menant vers la re-quête de la véracité culturelle intrinsèque.

Enième fer de lance de cette optimale orientation ou option, Soraya Mouloudji fut débarquée lors du remaniement ministériel du 18 novembre 2024. Elle effectuait ce jour-là la passation de pouvoirs en compagnie de son remplaçant Zouhir Ballalou.

Jusque-là secrétaire général du ministère de la Culture et des Arts, cet architecte de formation appelait les cadres sous sa responsabilité à faire du lieu un « gardien fidèle de la sécurité artistique et intellectuelle, un rempart de la souveraineté culturelle de l’Algérie», les incitait à travailler « pour préserver le patrimoine culturel matériel et immatériel, le protéger contre toutes formes de négligence, (…) ».

C’est au titre de directeur du programme d’appui à la protection et valorisation du patrimoine culturel, qu’il coordonna des projets avec l’ONU, l’UNESCO et l’Union européenne (UE). La convention ou coopération bilatérale signée en 2012 entre celle-ci et l’Algérie débloquait une demande interne d’accompagnement soutenue par Mounira Laâradj, la chargée des relations internationales au sein de la mission UE en Algérie.

D’un montant de 21,5 millions d’euros, et d’abord étendu sur quatre années, ce plan réfléchi une décennie plus tôt avait pour étirement terminal 2030. Concernant une aide technique dans le domaine du réaménagement cultuel territorial, elle visait trois entreprises pilotes ; la première réservée à la Casbah d’Alger (restauration de deux bastions de l’époque Ottomane), la seconde au palais du Bey à Constantine et la troisième au mausolée numide d’İmedghassen de Batna (fin prévue en 2018), site menacé par des infiltrations d’eau et éboulements de pierres.

En charge de sa protection, Zouhir Ballalou assistait des études dans la wilaya de Ghardaïa et supervisait la synergie estimée autour de la préservation, valorisation, restauration et promotion du patrimoine culturel. L’osmose autorisait la participation du secteur tourisme (il s’agissait d’encourager les régionaux à bâtir des gîtes), l’accompagnement (en 2016 et pendant deux ans) de jeunes appelés à maitriser des pratiques touchant au patrimoine audiovisuel ou photographique, à rejoindre les spécialistes des maisons de la culture, musées, cinémathèques et bibliothèques.

Venu assister, le mardi 04 mai 2021, au vernissage de la quatrième édition du Festival culturel national de la calligraphie arabe (FCNCA), Zouhir Bellalou y déclarait vouloir promouvoir la discipline et son marché via « les plateformes numériques ».

Depuis la fermeture du Musée d’art moderne d’Alger (MAMA), toutes les grandes opportunités ont pour miroir pompeux le Palais de la culture Moufdi-Zakaria, là où, après avoir argué (lors du transfert institutionnel) que « l’Algérie connaît une dynamique positive (…) assur(ant) un climat favorable aux intellectuels, artistes et acteurs dans divers domaines de la culture et des arts », le nouveau coopté étrennait, le mardi 26 novembre 2024, cette fois la 8ème édition du Festival culturel international d’art contemporain (İFCA).

Prévu jusqu’au 07 décembre, il avait comme spécificité, d’une part de convoquer, en hommage au 70ème anniversaire du déclenchement de l’insurrection armée (1er Novembre 1954), 70 participants et, d’autre part, de mettre à l’honneur la résilience de la Palestine via dix intervenants privilégiant au sein de leurs oeuvres des thématiques abordées au moment de la rencontre « L’art de la résistance palestinienne ». Ces deux focus incombaient en partie au commissaire Hamza Bounoua.

Le précurseur de la Diwaniya Art Gallery s’empressa d’annoncer que l’Algérie « (…) qui a exprimé son aide politique constante au combat du peuple palestinien et à sa résistance contre son occupant, soutient la cause à travers l’art et la culture » (Hamza Bounoua, in El Watan, 21 nov. 2024).

Tout en réitérant « la fraternité inébranlable et l’indéfectible soutien de l’Algérie » aux Palestiniens, le ministre de la Culture signalait que, baptisée « Pour un nouvel héritage », la Biennale accueillait des artistes occupés à « servir l’Algérie et à défendre son authenticité, sa renaissance culturelle et artistique par l’instauration d’un marché de l’art favorisant la création de richesses » (Zouhir Bellalou, in El Moudjahid, 27 nov. 2024). İl assura par ailleurs l’auditoire de « la promulgation prochaine d’une loi sur les coopératives artistiques », la requalification des regroupements culturels « (…) capables de générer une dynamique (et de) bâtir des bases solides du marché de l’art algérien ».

Dénommé « Les expériences de la diaspora algérienne », l’article qu’El Moudjahid sortait le 27 novembre présentait Yazid Oulab, Amina Zoubir, Driss Ouadahi et Tarik Mesli, quatre ex-algérois vivant (pour les deux premiers) en France et (les deux suivants) en Allemagne. Nullement intéressés à provoquer ou à instaurer un débat d’idées contradictoires, à bousculer certains ordres établis, voire à s’inquiéter de l’état d’abandon du Musée d’art moderne d’Alger (MAMA), ils profiteront allègrement du séjour payé aux frais de la princesse, déambuleront au sein des ruelles escarpées de la Casbah et visiteront ses lieux chargés d’histoires.

Tous se rendront, par obligation, au second point d’intersection que fut l’École nationale supérieure des Beaux-Arts d’Alger (ENSBA) car s’y tiendra le forum sur un art contemporain perçu en tant que résistance culturelle. L’esprit défensif des premières décennies survolait une manifestation largement sous surveillance, ce qu’attestera le texte de présentation de l’APS répété à El Moudjahid (le 27 novembre), à El Watan et L’Expression (le 28 novembre).

Aucun des exilés en villégiature algéroise ne bénéficiera d’une convocation à Dakar où se déroulait (depuis le 07 novembre et jusqu’au 07 décembre) la 15ème édition de la Biennale de l’art africain contemporain (Dak’Art 2024). Avec ses 58 sélectionnés et une affluence espérée à 400 000 visiteurs, elle confirma sa prépondérance en Afrique.

Placée sous le thème « The wake » (« Le sillage » ou l’éveil), cette notable vitrine attire les artistes en besoin de notoriété et c’est sans doute pour cela que, émissaire de l’Algérie et de la France, Adel Abdessemed fera le déplacement, lui habituellement peu disposé à se mêler à ce type de convivialité.

Le déjà vieux poulain de François Pinault fut rejoint par Dalila Dalléas Bouzar, une oranaise également installée en France. Revoir les récits individuels et collectifs, retourner le stigmate des images, désamorcer certains stéréotypes et rendre plus accessibles des identités restées dans l’ombre, voilà la quadrature méthodologique d’une Bordelaise problématisant sur divers supports le statut de peintre ainsi que les représentations fantasmatiques des musulmanes.

La séquence mensuelle ne retiendra aucun algérien dans la section design ou parmi les commissaires étrangers, lesquels ne se préoccuperont pas davantage des autochtones de cette partie centrale de l’Afrique du Nord qu’est l’Algérie, pas même du côté des projets spéciaux. Absent du rayonnement artistique de l’Afrique, cet immense pays tend à s’arcbouter autour d’une bienfaitrice autarcie culturelle isolant les plasticiens, contraignant ses orchestrateurs du sensible à jouer leur partition en dehors du concert des nations modernes, voire de la cour-échos des grandes foires de la création contemporaine.

Saadi-Leray Farid, sociologue de l’art et de la culture

1 COMMENTAIRE

  1. La plus pertinente analyse sur l’art moderne et ou contemporain en Algérie que j’ai eu l’occasion de lire. Bravo Monsieur ! Dommage que vous n’étiez pas invité à Alger à l’occasion de la Biennale qui se termine aujourd’hui. Vous auriez certainement pu et su relever le niveau de débats sans envergures.

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