Dans l’arène géopolitique mondiale, il existe un phénomène qui frappe par son ironie et son cynisme : les dictateurs ne sont jamais coupables et restent souvent en poste malgré des actes de répression, de violence et des violations systématiques des droits humains.
Au contraire, ils sont souvent protégés, entretenus et parfois même glorifiés par des puissances étrangères. Le « mea culpa » des dictateurs, si un jour ils en faisaient un, ressemblerait plus à une farce, une comédie de la rédemption, qui fait la part belle à l’impunité et à la permanence du pouvoir. Mais après tout, pourquoi abandonner une position de pouvoir quand elle est à la fois rémunératrice et sécurisée, même dans l’adversité ? Les exemples abondent et parmi eux, un nom revient avec insistance : celui de Bachar el-Assad.
L’ironie de la survie : Bachar el-Assad et son soutien russe
Le cas de Bachar el-Assad, président de la Syrie, est l’exemple parfait de cette logique où la culpabilité n’entraîne aucune chute. Depuis 2011, la Syrie est plongée dans une guerre civile dévastatrice, avec des centaines de milliers de morts et des millions de déplacés. Le régime d’el Assad, responsable de la répression brutale de la rébellion, de l’utilisation d’armes chimiques contre des civils, et de nombreuses violations des droits humains, semblait condamné à s’effondrer. Mais alors que le peuple syrien luttait pour sa liberté, el Assad a trouvé un soutien inattendu mais décisif : la Russie.
En 2015, la Russie intervient militairement en Syrie, lançant des frappes aériennes et fournissant un soutien logistique et stratégique à El Assad, qui ne tardera pas à inverser le cours de la guerre. L’intervention de la Russie a non seulement sauvé son allié, mais elle a aussi permis à el Assad de conserver le pouvoir, à un moment où il semblait inévitable qu’il perde face à une rébellion grandiose.
Le rôle de la Russie, et en particulier de Vladimir Poutine, n’a pas été uniquement militaire. En utilisant son pouvoir de veto au Conseil de sécurité de l’ONU, la Russie a empêché toute action internationale contre el Assad, maintenant ainsi son régime à flots. Et ce soutien ne se limite pas aux aspects militaires.
La Russie a également offert à el Assad une protection diplomatique, agissant comme un bouclier contre les pressions internationales et les appels à des sanctions ou à une justice pour ses crimes.
En contrepartie, el Assad a laissé à la Russie une influence géopolitique accrue sur la Syrie, notamment à travers des accords militaires et l’implantation de bases militaires en Méditerranée.
Ce soutien russe à Bachar el Assad est un modèle de la manière dont certains régimes peuvent trouver refuge et préservation dans l’ombre des grandes puissances. Il n’est pas seul dans ce cas : d’autres dictateurs, dans l’histoire récente, ont intégré d’un soutien similaire à des régimes étrangers, pour préserver leurs intérêts géopolitiques.
Les dictateurs et l’impunité : une longue tradition
L’histoire est remplie de dictateurs qui, bien que responsables de massacres et de violations des droits humains, sont restés au pouvoir grâce à des alliances stratégiques. Le cas de Saddam Hussein en Irak est un autre exemple frappant. Avant la guerre en 2003, Saddam Hussein avait été soutenu par les États-Unis dans les années 1980, pendant la guerre contre l’Iran, un conflit qui avait provoqué de lourdes pertes humaines. La relation entre les États-Unis et Saddam Hussein s’est dégradée avec le temps, mais la première décennie de son pouvoir a été marquée par un soutien tacite ou explicite de puissances étrangères, malgré sa brutalité.
Un autre exemple emblématique est celui de Mouammar Kadhafi en Libye. Bien que Kadhafi ait été un dirigeant répressif et un paria pour de nombreuses puissances occidentales, il a tout de même trouvé refuge auprès de certaines nations, et son régime a été maintenu par des contrats d’armement et des accords diplomatiques. La chute de Kadhafi en 2011 a été précédée par des années de manipulation géopolitique et de relations avec des puissances européennes, notamment la France, la Grande-Bretagne et l’Italie.
Le refuge des tyrans : une géopolitique de la protection
L’allié russe n’est pas le seul à offrir une protection aux dictateurs déchus. Certaines puissances occidentales, telles que la France, ont été accusées de favoriser ou de protéger certains dirigeants, surtout lorsque ces derniers ont servi leurs intérêts géopolitiques ou économiques. Une fois leur pouvoir effrité, ces dirigeants se trouvent parfois refuge dans ces pays, où ils sont invités en tant que conseillers ou protégés, comme c’est le cas avec certains anciens dictateurs africains. Les accords diplomatiques sont souvent assouplis, et les dictateurs déchus trouvent des retraites dorées à l’abri des regards.
Ainsi, l’impunité des dictateurs et leur capacité à rester au pouvoir ou à trouver un asile confortable après leur chute est une constante dans l’histoire géopolitique contemporaine. Que ce soit en Russie, en France ou ailleurs, ils sont rarement confrontés à la justice internationale, et ce sont les peuples qui continuent de payer le prix fort pour leurs crimes.
Une réflexion philosophique : « L’histoire, avec ses souffrances, continue de s’écrire »
Comme l’a dit le philosophe Jean-Paul Sartre : « L’histoire n’est rien d’autre que la succession des injustices. » Cette phrase résonne particulièrement lorsqu’on observe l’impunité dont jouissent les dictateurs. La Russie, en offrant à el Assad un asile, en protégeant certains dictateurs, contribue à cette mécanique. La politique mondiale devient ainsi un jeu de pouvoir où l’oppression des peuples est souvent une monnaie d’échange pour préserver les intérêts nationaux.
De plus, il est important de rappeler une citation de l’historien et sociologue Zbigniew Brzezinski : « La politique internationale est une danse où ceux qui ont du pouvoir dictent la musique et ceux qui n’en ont pas, dansent ». Les dictateurs ne sont que des instruments dans cette danse complexe, manipulés par des puissances qui contrôlent les ressources et les alliances.
Qui paiera le prix ?
Les dictateurs sont rarement confrontés aux conséquences de leurs actions. En Russie, Bachar el-Assad continue de recevoir le soutien de son allié Vladimir Poutine, et ce, malgré des crimes de guerre avérés. Ces soutiens ont un coût. Le prix est payé par les populations qui vivent sous le joug de ces régimes, mais aussi par les pays eux-mêmes qui perdent leur crédibilité sur la scène internationale.
Le véritable prix de cette impunité, c’est celui de la justice, de la démocratie et de la paix. À long terme, c’est la stabilité mondiale et les principes de la justice internationale qui se trouvent menacés par ces pratiques. En fin de compte, la grande question reste : qui paierament le prix de cette véritable impunité géopolitique ? Les peuples opprimés, ou bien les puissances qui protègent ces tyrans ? Le monde continue d’attendre des réponses.
« Le silence des puissants face aux tyrans est un consentement tacite à l’injustice. Tant que la politique de l’impunité prospère, la justice mondiale reste une illusion », avait dit Ban Ki-moon, ancien secrétaire général des Nations unies.
Cette citation met en lumière le paradoxe auquel nous sommes confrontés : le silence ou le soutien des grandes puissances envers des dictateurs contribue à la pérennité des injustices. Elle nous rappelle que, tant que l’impunité est une stratégie géopolitique, l’idéal de justice reste hors de portée.
Dr A. Boumezrag