8 janvier 2025
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Stéréotypes, les explicables, les douteux et les inacceptables

Dans une chronique très récente, comme dans de très nombreux autres écrits, j’avais condamné très sévèrement les clichés, les stéréotypes et les généralisations comme étant l’un des fléaux sociaux les plus détestables, menant jusqu’au racisme, qu’ils soient de nature régionale ou culturelle.

Mais j’avais précisé également qu’en dehors des inacceptables, certains n’étaient que le fait d’une incompréhension déviée par sa propre représentation, sans aucune volonté d’en faire une stigmatisation. Essayons d’en examiner quelques-uns, par un choix aléatoire de mon vécu.

Je vais dans ce texte privilégier ceux qui sont explicables car les douteux et les inacceptables sont si connus qu’il n’est pas nécessaire de s’y attarder. Sinon de les mentionner à la fin de cette chronique. Bien entendu, comme à mon habitude, j’ai choisi ceux qui sembleraient plutôt humoristiques ou éloignés des stéréotypes. Et pourtant…

Durant mes premières années de travail en France, mon algéroise et moi furent pour la première et dernière fois dans le même établissement. À l’arrêt du bus nous rejoint un collègue africain (la précision s’impose pour l’histoire).

La conversation amicale s’engagea et il nous demanda depuis combien d’années nous étions en France. J’ai répondu le premier car le plus ancien, 8 ans (ou 7 ?).

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J’ai soudainement perçu la stupéfaction qui se lisait sur son visage. Ses yeux s’étaient ouverts jusqu’à en donner l’impression qu’ils allaient sortir de leurs orbites. Leur blancheur en grand contraste avec la couleur de sa peau laissait voir une terrifiante réaction. Ses mots, « 8 hivers ! ».

Ce collègue avait passé un seul hiver en France, celui de l’année précédente, il n’avait jamais été aussi doux depuis de nombreuses années. Manifestement, sa croyance était incrustée dans son esprit, la France était ce lointain pays où les gens marchaient l’hiver sur deux mètres de neige et supportaient un froid que l’imagination d’un africain de sa région ne pouvait concevoir.

Ainsi, même avec la preuve contraire de l’hiver précédent, il ne pouvait se débarrasser de l’idée que je puisse passer huit hivers en France sans être transformé en glace.

Mais je ne devais pas trop en être surpris car moi aussi je suis arrivé en France en découvrant une réalité totalement différente de ce que nous pensions en Algérie avec certitude. « Notre beau pays et son ciel si bleu ! ».

C’est à ce moment que j’ai découvert que si notre ciel était l’un des plus magnifiques au monde (l’amour sait exagérer la passion) il était loin d’être aussi bleu que celui produit par une journée « givrée ». Notre stéréotype du ciel bleu nous avait fait oublier que le très beau ciel d’Algérie est en fait toujours inondé d’une très forte clarté qui le fait souvent paraître enveloppé d’un léger voile.

Et puis ce stéréotype que les blonds étaient majoritaires dans la population arrivée de France hors les pieds-noirs. Bien entendu que nous ne sommes pas des demeurés et que nous savons qu’il en existe beaucoup en Algérie. Mais il est un fait incontestable que nous sommes une population majoritaire de bruns comme l’étaient les pieds-noirs issus de ce qu’on appelle le sud européen, comme les descendants espagnols à Oran.

Et soudainement, dès la première année en France vous vous rendez-compte que ce pays est composé de bruns dans sa grande majorité lorsque nous comparons avec les hordes de touristes des pays du nord et de l’Allemagne.

Enfin, si nous avons des contrées en Algérie où la neige est abondante en sa saison, nous le savons, très franchement elle n’avait jamais dans ma jeunesse obtenue de visa pour venir à Oran.

Un jour, à Paris, pour entrer au cinéma, à l’extérieur, j’allais pour la première fois de ma vie ressentir ce qu’était la neige. Stupéfaction, c’était du coton qui tombait sur ma tête et mes épaules.

C’est que le stéréotype que j’avais dans mon esprit était le très célèbre qu’avait décrit Albert Camus. La neige ne semblait pas avoir reçu de visa pour venir à Oran et nous ne pouvions dessiner la neige autrement que par des ronds blancs parce que la seule référence que nous avions de la glace qui tombait sur la tête était celle des  grêlons, beaucoup plus lourds et ronds que le coton de ce jour-là.

Enfin, il y a des stéréotypes qui frôlent la crédulité idiote et nous ne savons pas si elle déborde vers le côté très proche du racisme. Même l’étranger qui n’a jamais été dans certains pays doit savoir que tous les français n’ont pas une baguette sous le bras, les Algériens être toujours devant un plat de couscous, les espagnols dansant le flamenco, depuis le début du jour jusqu’à la nuit tombante et ainsi de suite.

Puis, nous retombons pour les derniers dans ce qu’il y a de plus inacceptable car ils ne peuvent ni évoquer la mauvaise représentation naïve, ni la bêtise mais une intention raciste sans ambiguïté quelle que soit la tentative d’essayer de l’envelopper d’humour.

L’image très connue du Mexicain faisant la sieste sous son sombréro, le noir et sa nonchalance, le juif et son instinct de l’argent, l’arabe et ses roublardises et ainsi de suite.

Je ne sais pas ce qu’est devenu notre sympathique collègue du début de la chronique mais je lui envoie ma sympathie à travers ce texte en lui disant que maintenant, c’est un total de « 49 hivers !!!! ».

Le malheureux, il avait dû déjà être gelé s’il n’était pas reparti en Afrique dès la fin de cette année-là.

Sid Lakhdar Boumediene

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