Dans ce climat de haute tension politique entre le régime d’Alger et la France, nous, opposants Algériens, ne pouvons accepter et admettre qu’une poignée de bloggeurs enragés vocifèrent dans un langage infâmant sur les réseaux sociaux contre les opposants algériens, les menaçant et les traitant de traîtres, de vendus à la solde de puissances étrangères et principalement, du Maroc.
Certes, la menace est réelle mais elle n’est pas nouvelle. Ce qu’il faut préciser, est que les opposants algériens s’inscrivent dans la dynamique révolutionnaire du Hirak du 22 février 2019 dont la revendication principale est le changement du système. Tebboune a été imposé par l’Armée contre la volonté populaire en décembre 2019 dont le mot d’ordre du rendez-vous électoral était le « Non aux élections avec les Gangs ». L’Etat algérien, dans sa déliquescence est composé de clans, qui s’entredéchirent et s’entretuent (2).
Le déficit de légitimité populaire du régime algérien est tel que pour survivre il joue sur la surenchère nationale et brandit le chiffon rouge d’une Algérie assiégée et attaquée de partout. Le sentiment national démesuré chez une partie des Algériens (Algérien et je suis fier), ajouté à l’inculture et l’état de déchéance dans laquelle se trouve une partie des Harragas font que celle-ci est susceptible d’être le bras brutal et aveugle du système algérien.
Restons dans l’histoire de la permanence du Hirak où les Algériens de l’intérieur sont intimidés et emprisonnés pour toute parole discordante en leur appliquant l’article 87bis du code pénal algérien (3) ; et ceux de la Diaspora qualifiés de terroristes et de traîtres ont été, et sont menacés dans leur existence.
L’auteur de ces lignes a subi une agression verbale suivie d’une menace au couteau par des défenseurs du régime le 25 mai 2024 à Bruxelles ; ce jour-là, rassemblés devant le consulat d’Algérie, la Police bruxelloises faisait tampon entre les deux Algérie (4), un individu, nous criait : la prochaine fois nous viendrons avec des armes. Plusieurs Hirakistes ont été agressés à Paris, Barcelone…. Les polices européennes le savent car des plaintes ont été déposées.
L’épée de Damoclès pèse sur tout opposant algérien. A l’intérieur et à l’extérieur. La nature du système algérien et Le profil des individus interpellés l’attestent.
Nous aurions pleinement souhaité que le sursaut du Président Macron se fasse sur les détentions arbitraires des véritables démocrates en Algérie tels Karim Tabbou et Fethi Gharas, qui depuis des décennies, luttent pour un Etat de Droit en Algérie. Ou l’exemple du Vaillant Mohammed Tadjadit, le symbole de la résistance, une icône du Hirak et de l’Algérianité (simplicité et don de soi). Rappelons à l’opinion française que L’arbitraire du système algérien n’est pas né le 16 novembre 2024. Déjà en 1966, Bachir Hadji Ali, faisait de l’Arbitraire du régime algérien l’objet d’un livre (5).
Boualem Sansal est l’enfant de ce système. Il était l’allié inconditionnel des généraux et l’écrivain qui a servi la thèse des éradicateurs (les Janviéristes (6)) en diabolisant non seulement les islamistes mais l’Islam lui-même. Lorsqu’il était confiné dans cette dimension, lui et ses livres étaient les bienvenus en Algérie.
Aux abois, le système algérien, fragilisé à l’intérieur par le Hirak populaire et les échecs diplomatiques successifs qu’il subit sur la question du Sahara occidental exploite la sensibilité nationale des Algériens pour se présenter comme le défenseur de la souveraineté territoriale. Cette fuite en avant d’un système politique, qui navigue vers les abîmes, fait de Sansal, l’allié d’hier, l’ennemi d’aujourd’hui.
Les propos de Boualem Sansal défient le bon sens et ne résistent pas à la critique
Historique, et en finalité servent le système car celui-ci trouve dans ses propos et dans ses défenseurs de l’extrême droite et les déclarations de Macron un carburant pour discréditer l’opposition (7) et justifier l’idée d’une Algérie visée selon l’Agence de presse algérienne par un lobby antialgérien et une France macro-sioniste.
Nous, opposants algériens, répondons au Président Macron, que l’emprisonnement de Boualem Sansal ne déshonore pas l’Algérie mais le système algérien et dévoile sa véritable nature : manipulateur, prédateur, oppressif et arbitraire.
Le Système n’est pas l’Algérie car il la phagocyte.
Boualem Sansal n’est pas l’Algérie non plus. Car, au lieu de servir le Hirak, il sert les pourfendeurs de la liberté. La vraie victime du système algérien et de Boualem Sansal sont les vrais démocrates algériens et le peuple en souffrance en Algérie qui à cause de la « non vie (8)» semée par le système algérien continue, au risque de sa vie, à s’aventurer sur des barques de fortune en Méditerranée.
Qu’en est-il de la France et du peuple français ? Et de notre histoire commune ?
Le 18 mars 1962, à Evian, Krim Belkacem et Louis Joxe ont signé la fin de la guerre d’Algérie. Réunis en 1961, pour la première fois, en ce jour du 18 mars, les deux hommes ont échangé une poignée de main. Une poignée de main entre un fervent défenseur de l’Algérie française et un fervent défenseur de l’Algérie indépendante.
Beaucoup de Français d’Algérie et de France ont épousé la cause indépendantiste des Algériens et ont donné leur vie pour cet idéal de liberté.
Aimé Césaire, Frantz Fanon, Jules Roy et Jean-Paul Sartre nous ont laissés des écrits remarquables qui condamnent fermement le système colonial. Principalement, la citation de Jean-Paul Sartre, dans Situation V, qui exhortait les Français à lutter aux côtes du peuple algérien en 1955 pour délivrer à la fois les Algériens et les Français de la tyrannie coloniale, afin de bâtir une histoire nouvelle entre la France libre et l’Algérie libérée (10).
Soixante-trois ans après, avons-nous écrit cette histoire nouvelle ?
Du côté algérien, le signataire des Accords d’Evian a été banni de l’Algérie et assassiné en 1970 à Francfort par l’Algérie officielle qui a confisqué l’indépendance aux Algériens en éjectant le Gouvernement provisoire de la république algérienne et en s’accaparant le pouvoir par la force en 1962 par l’Armée des Frontières ; celle-ci a marché sur Alger en tant qu’Armée de conquête et de pouvoir. Depuis cette date, les Algériens vivent sous le joug d’une culture militaire prédatrice, corruptrice et liberticide. Au lieu d’être gouvernée, l’Algérie est à nouveau occupée (11).
Du côté français, une Gauche qui ne s’est jamais vraiment pardonnée le fait d’avoir voté les pleins pouvoirs aux militaires en 1956 et une Extrême droite qui continue à ruminer la grandeur de l’empire colonial de l’Algérie française.
La guerre d’Algérie est-elle vraiment finie ?
Le système algérien ayant failli à bâtir un Etat de Droit et prospère, vit en exploitant la guerre de libération comme seul acquis et seule réalisation de son histoire et continue à faire de la France son ennemi éternel : nos pères ont été victorieux en 1962 en arrachant à la France une Algérie souveraine et au tour du Système maintenant d’arracher à la France une victoire symbolique en l’amenant à présenter des excuses à l’Algérie pour son expédition coloniale.
Force est de reconnaître que les pires généraux (Bugeaud, Cavaignac, Pélissier…) qui étaient aux commandes lors des enfumades, les massacres de masse et les déportations entre 1830-1870 en Algérie sont les mêmes généraux français, qui réprimèrent le plus sanguinairement les révolutionnaires de 1848 et de 1871 en France. Les deux peuples n’ont pas échappé à la barbarie de l’Armée d’Afrique et de l’Armée versaillaise.
Lors des élections présidentielles de 2022 en France, le thème central était l’existence de la France en question et la personne qui imposa cette thématique et le rythme de la présidentielle est un natif d’Algérie, en l’occurrence, Éric Zemmour.
La peur du musulman s’est substituée à celle de l’Arabe des années 50.
En cette fin d’année 2024 et le début de l’année 2025, ce sont les Algériens du système qui s’invitent en voulant semer le désordre en France via les réseaux sociaux à l’aide d’un climat politique complotiste bien orchestré par le pouvoir d’Alger et relayé par ses propagandistes en France.
En 1962, en Algérie, nous avons eu les Marsiens, ceux qui ont endossé les habits du maquisard de la dernière heure et ont contribué à envenimer la fin de la guerre et le devenir de l’Algérie indépendante. Force est de constater, que 63 ans après l’indépendance, le vocabulaire de la guerre de libération règne en maître (Harki, Moudjahid). L’Algérie officielle et ses affidés en France que je surnommerai les Néo-martiens sont en guerre car ils s’estiment investis d’une mission sacrée : sauver l’Algérie de ses quatre ennemis
Les opposants algériens (les Hirakistes), l’ennemi classique marocain, le lobby anti-algérien et la France Macro-sioniste.
Les néo-martiens sont de trois types.
Les premiers, les Influenceurs que je qualifierai d’idiots utiles du pouvoir d’Alger mais dangereux pour la tranquillité publique en Europe ont démontré par leur langage utilisé l’état de déchéance et de dépravation morale dans lequel se trouve ces individus. Ce niveau de langage utilisé fait écho au représentant du système, en l’occurrence Tebboune, et prouve que le système algérien a atteint une platitude telle au vu du langage utilisé que l’esprit qui est au commande ne peut être que « détraqué ».
Les seconds sont de véritables propagandistes du Système Algérien et jouissent d’une médiatisation à l’image de Mehdi Ghezzar, qui en plus d’insulter le Maroc, fut le porte- parole du candidat Tebboune à la présidentielle de 2024 en France et donne le qualifiant honorifique de moudjahid à Tebboune et de harki aux opposants et martèle l’idée que l’Algérie est visée.
J’ajouterai aussi le politicien plus que le théologien de la Mosquée de Paris, Chems Eddine Hafiz ; une Mosquée, au lieu d’être au service des Musulmans de France, plus qu’une officine c’est une filiale du régime algérien, une forme de caserne bis.
Soustraire l’Islam en France à ses obédiences maghrébine et orientale grandira l’Islam et les musulmans, et l’ensemble des français verra enfin dans l’Islam une religion de la Rationalité, de la Tolérance et d’une grande spiritualité telle que l’a vue le catholique et l’homme des Lumières Lamartine. Sans oublier, dans ce sillage le personnage au parcours sulfureux et Algérien par opportunisme, le président du Forum mondial de la diaspora algérienne, M. Zeribi (12).
La troisième catégorie est la plus significative car elle justifie le titre de mon article : les deux intéressées sont des élues de la France insoumise, Rima Hassan et Karima Khatim. Ces deux personnages parlent et engagent la crédibilité de la France insoumise.
Qualifier l’Algérie de Mecque des Révolutionnaires et de la liberté c’est de la part de Rima Hassan faire fi de la réalité. Elle est excusable en partie, car le Machrek arabe a une image fantasmée de l’Algérie. Mais par contre, l’élue Karima Khatim, franco-algérienne endosse complètement l’habit militaire du pouvoir algérien et se permet de parler au nom de tous les Algériens et les franco-algériens et leur demande de s’aligner, de s’unir et d’être solidaire avec le régime algérien (13).
La France insoumise, a fait du peuple, de la volonté populaire le crédo de sa politique et de sa philosophie.
Nous, Franco-Algériens partageons ce crédo et avons en raison de ce principe, beaucoup d’affinités avec ce parti.
En Algérie l’image du peuple est manquante car sa volonté est bafouée. L’Algérie est notre pomme de discorde qui peut sonner le glas de notre divorce.
Karima Khatim, insoumise en France et inféodée au système d’Alger. Et quel système ? Le système algérien est antinational (14). S’il y a chasse aux Algériens ce ne sont pas les médias français qui la provoquent mais le système algérien et ses relais en France en incriminant les opposants algériens, les fidèles du Hirak populaire et pacifique.
Aucune sagesse ne peut surgir d’un pouvoir arrogant et illégitime dont la seule passion qui l’anime est sa survie, fuite en avant, maniant la langue des détraqués, il est devenu un véritable danger pour l’Algérie et la région.
Si pour André Malraux la France n’est la France que si elle se charge du destin de l’Humanité, force est de reconnaître que la voix de la France n’est plus audible. Si la France veut renouer et rester fidèle à sa vocation et s’enchâsser dans la Déclaration des droits de l’homme, elle n’a qu’à se solidariser avec le désir de reconnaissance des peuples. Deux peuples aspirent à l’existence et frappent à la porte de l’histoire : le peuple palestinien et le peuple algérien.
Mahmoud Senadji (Algérie du Peuple)
Notes
1-Les Marsiens surnom pour l’ensemble des Algériens qui ont regagné la résistance le 19 mars 1962. Les Néo-marsiens sont les zélotes du nationalisme. Principalement pour nombre de Franco-algériens, par pur calcul sont : plus Algérien que les Algériens et plus Français que les Français. A lire aussi cet article publié par le Matin sur ce sujet le 22 mars 2022 :
https://lematindalgerie.com 1962-quand-les-marsiens-deferlent
2-L’Etat algérien selon l’historien Mohammed Harbi est fondé sur le crime : l’assassinat de Abane Ramdane par ses frères d’armes en 1956. Et le crime reste une constante de ce régime. Dans les années 60-70 on institutionnalise le crime car c’est au nom de l’Etat de Boukharouba (Boumediene) qu’on tue (Medeghri, Khider, Krim Belkacem). Dans les années 80-90 on assassine les figures politiques susceptibles de rassembler les Algériens (Mecili, Hachani). Et à partir du Hirak 2019, c’est la guerre des clans. L’assassinat de Gaïd Salah le 23 décembre 2019 et de son clan : Il n’y a pas de mort naturelle avec les gangs.
3-L’article 87 bis du Code pénal : Contribution à une histoire juridique de la répression en Algérie, Algeria-Watch, 20 mai 2024
4-Le Hirak nous livre le visage de l’Algérie : il existe deux Algérie. Comme fut le cas durant la période coloniale où nous avions l’Algérie française et l’Algérie des indigènes, les quartiers européens et les bidonvilles des Algériens, dans l’Algérie postcoloniale, cette dichotomie persiste, nous avons l’Algérie des Généraux (le Système) et l’Algérie du peuple, Club des pins et les quartiers populaires.
5-Bachir Hadj Ali, L’arbitraire, préface de Hocine Zahouane –introduction de Mohamed Harbi, Editions de Minuit, 1966.
6-Les janiviéristes sont la mafia politico-financière qui a décidé l’arrêt du processus électoral de 1991 et ont plongé l’Algérie dans un marasme dont les effets se ressentent à ce jour.
7-Bensaad Ali, Les attaques du régime algérien contre Boualem Sansal et Kamel Daoud visent à piéger l’opposition, Le Monde, 7 décembre 2024.
7 Thomas Serres, Algérie « L’Europe et la France seront complices ou solidaires » Le Monde, 19 septembre2019.
8-Dans cette « Algérie Nouvelle » en cette fin d’année 2024, 28 Harragas sont portés disparus au large de Boumerdès, et à l’aune de l’année 2025, au large de Mostaganem, une mère et ses quatre enfants ont perdu la vie, attestent que cette « Algérie Nouvelle » est une Algérie mortifère.
9-Jean-Paul Sartre, Situation V, Colonialisme et néo-colonialisme p. 48 paru dans les Temps Modernes, n°123,1956, intervention dans un Meeting « pour la paix en Algérie ».
10-Le 5 juillet 2019, pour la deuxième fois dans son histoire contemporaine, au plein centre d’Alger, le peuple a scandé « le peuple veut l’Indépendance ».
(12) Bensaad Ali, De quoi l’auto-proclamé « Forum mondial de la diaspora algérienne » est-il le nom ? Médiapart, 6 juin 2024
(13) Voir l’Appel de la Fédération franco-algérienne dont elle est la Présidente : Appel à l’unité et à la solidarité de tous les Algériens, du 8 janvier2024 ;
(14) Mouloud Hamrouche, le système algérien est antinational, El Watan, le 4 septembre2019 ;