Eau
L'eau, une source d'un énième conflit entre l'Algérie et le Maroc

Les tensions entre l’Algérie et le Maroc connaissent un nouvel épisode, cette fois autour d’un enjeu stratégique majeur : l’eau. Alors que les deux pays s’opposent déjà sur plusieurs fronts, notamment sur la question du Sahara occidental, c’est désormais la gestion des ressources hydriques transfrontalières qui attise les crispations.

L’oued Guir, une rivière au cœur du conflit

L’oued Guir, qui prend sa source dans le Haut Atlas marocain avant de traverser la frontière pour alimenter le sud-ouest algérien, est aujourd’hui au centre d’un différend croissant entre Alger et Rabat. Selon le journal Le Monde, l’Algérie accuse le Maroc d’exploiter excessivement cette ressource en amont, réduisant ainsi le débit en aval et aggravant la crise hydrique dans certaines régions algériennes.

L’élément déclencheur de cette dispute est la construction du barrage de Kaddoussa par le Maroc, d’une capacité de 220 millions de mètres cubes. Alger estime que cet ouvrage diminue l’approvisionnement en eau du barrage de Jorf Lasfar, une infrastructure essentielle pour la région de Béchar. Les médias algériens évoquent une « catastrophe environnementale », signalant la mort de poissons, la migration des oiseaux et des restrictions sévères d’accès à l’eau pour les populations locales. Certains quartiers de Béchar ne recevraient de l’eau qu’une fois tous les dix jours, selon le journal El Watan. Ce conflit rappelle un autre celui qui oppose l’Egypte et le Soudan au sujet de la rivière Nil.

L’Algérie interpelle la communauté internationale

L’Algérie a porté cette affaire devant plusieurs instances internationales. En mai 2024, lors du Forum mondial de l’eau, le ministre algérien de l’Irrigation, Taher Derbal, a dénoncé un « assèchement délibéré et systématique » causé par « les pratiques des pays voisins ». Quelques mois plus tard, en octobre, lors d’une réunion en Slovénie consacrée à la protection des ressources hydriques transfrontalières, Alger a accusé Rabat d’« obstruer » et de « détruire les eaux de surface partagées ».

Réactions contrastées et guerre médiatique

Au Maroc, les accusations algériennes sont perçues comme une tentative de détourner l’attention des problèmes de gestion de l’eau en Algérie. Le site marocain Le 360 (proche du Palais royal) affirme que « le régime algérien attaque le Maroc pour dissimuler sa gestion désastreuse de l’eau », tandis que Parlement accuse Alger de « politiser » tous les sujets, des questions environnementales aux événements sportifs.

De leur côté, les autorités marocaines restent discrètes et poursuivent leur politique de construction de barrages. Le royaume compte actuellement 154 barrages en exploitation et une vingtaine en construction.

Des enjeux économiques sous-jacents

Derrière ce conflit hydrique se cachent des intérêts économiques majeurs. L’Algérie a lancé des projets industriels ambitieux nécessitant d’importantes quantités d’eau, notamment le complexe ferrifère de Béchar, qui dépend du barrage de Jorf Lasfar pour le traitement du minerai de fer extrait de la mine de Ghar Djebilet.

De son côté, le Maroc développe l’agriculture irriguée, en particulier dans la région de Boudenib, située en aval du barrage de Kaddoussa. La culture du palmier-dattier s’y intensifie, soutenue par des investissements dans les systèmes d’irrigation artificiels.

Un impact environnemental et scientifique nuancé

Selon un chercheur français cité par Le Monde, le Maroc utilisait auparavant environ 8 millions de mètres cubes d’eau par an grâce aux systèmes d’irrigation traditionnels. Avec le barrage de Kaddoussa, ce chiffre est monté à 30 millions de mètres cubes. Toutefois, l’expert souligne que l’oued Guir reçoit d’autres affluents, ce qui limite l’impact global sur les ressources algériennes.

Une rivalité persistante entre Rabat et Alger

Cette crise s’inscrit dans un contexte de tensions diplomatiques exacerbées entre les deux pays. Depuis la rupture officielle des relations diplomatiques par l’Algérie en 2021, les désaccords se multiplient, notamment sur le dossier du Sahara occidental. Cette « guerre de l’eau » s’ajoute désormais aux nombreux contentieux qui opposent les deux voisins.

L’escalade rhétorique et médiatique autour de l’oued Guir illustre une fois de plus la fragilité des relations entre Alger et Rabat, et souligne l’importance croissante des ressources hydriques comme enjeu géopolitique majeur en Afrique du Nord.

Samia Naït Iqbal

2 Commentaires

  1. La seule chose qui compte, c’est à qui appartient cet oued,vu qu’il prend sa source au Maroc,donc pas de débat. Le Maroc fait ce qu’il veut avec son eau, si c’était l’inverse la junte l’aurait bloqué y’a belle lurette.

  2. Cela fait 50 ans que le Maroc et l’Algérie devraient travailler ensemble. On a tant à s’apporter mutuellement. Voilà le résultat. Il faut que ce régime arrête de rendre les autres responables de sa médiocrité et de son incurie. Cela fait 63 ans qu’il n’y a aucune gestion de l’eau en Algérie. A qui la faute ? Au Maroc ? La gestion de l’eau en Algérie se limite à organiser régulièrement des priéres à Allah pour faire tomber la pluie.

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