Dans la matinée du lundi 14 avril 2025, j’ai accompli l’obligation de signature dans le registre de mon contrôle judiciaire au niveau de la caserne relevant de la sécurité intérieure à Beni Messous.
Un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères, publié le même jour, à attiré mon attention.
Ce communiqué dénonçait, selon ses termes, la manière « humiliante, théâtrale et diffamatoire » avec laquelle un employé du consulat algérien à Créteil a été interpellé par la police française. Il est suspecté d’avoir participé à un projet d’enlèvement visant un blogueur algérien résidant en France.
La diplomatie algérienne a qualifié cette arrestation d’illégale, contraire à l’éthique, et attentatoire à la dignité et à l’honneur de l’intéressé.
Un tel discours pourrait sembler crédible s’il ne provenait pas d’un régime politique qui, depuis des décennies, pratique des arrestations arbitraires et humiliantes, des violations brutales contre de simples citoyens et militants politiques de toutes sensibilités. Pourtant ils n’ont commis aucun délit, ils ont seulement exercé leur droit légitime à la liberté d’expression et à la défense des libertés.
Pour nous limiter à la seule période allant de l’avènement du Hirak en 2019 à aujourd’hui, on constate que les arrestations n’ont jamais cessé, que la répression sécuritaire s’est accrue, et que la justice a été instrumentalisée de façon inédite en tant qu’outil de répression et de règlement de comptes.
Aujourd’hui, les véritables humiliations subies par le peuple algérien sont ainsi vécues:
1️⃣. L’éloignement de la justice de ses valeurs fondamentales, et sa transformation en une « épée aiguisée » contre toute voix discordante.
2️⃣. La transformation d’un pays riche en ressources humaines et naturelles en un État de précarité sociale, de blocage économique et de fermeture politique.
3️⃣. La réduction des rêves de la jeunesse à la drogue ou aux embarcations de la mort vers l’autre rive.
4️⃣. L’exil de millions de compétences algériennes – universitaires, artistes, entrepreneurs, intellectuels et écrivains – vers la France, l’Espagne, le Royaume-Uni, le Canada et les États-Unis.
5️⃣. La falsification systématique de tout : statistiques économiques fausses, résultats électoraux truqués, données sociales erronées.
6️⃣. La propagation délibérée par la propagande politicienne d’un discours régionaliste et haineux, dans le but de semer la division et d’affaiblir la société.
7️⃣. Le fait d’avoir terni l’image d’un pays qui a arraché son respect d’un grand sacrifice et du noble combat révolutionnaire, en le rendant ridicule aux yeux du monde.
N’est-il pas ironique qu’un régime dictatorial et répressif dénonce l’arrestation d’un suspect en France alors qu’il commet lui-même quotidiennement les pires violations des droits humains contre ses propres citoyens ?
Les exemples sont innombrables.
À titre d’illustration :
Le substitut du procureur près du tribunal de Boufarik a, lors d’une audience publique, déclaré sans aucune base légale que j’étais « terroriste », dans une affaire à laquelle je n’étais même pas lié, portant ainsi atteinte à ma dignité et à celle de ma famille, sans qu’aucune mesure disciplinaire ou judiciaire ne soit prise contre lui malgré mes nombreuses plaintes.
Deux jours avant les élections du 12 juin 2022, j’ai été arrêté de manière théâtrale devant mes enfants et mes voisins, dans une mise en scène digne d’Hollywood, sans respect des procédures légales. J’ai été détenu arbitrairement pendant plus de 30 heures, avant d’être relâché sans qu’aucune accusation ne soit retenue contre moi.
Sami Dernouni, militant du Hirak, a témoigné dans une vidéo YouTube – non démentie – avoir été violemment agressé, entièrement déshabillé et menotté sur la place du centre de détention pendant plus d’une heure et demie.
Des centaines de détenus croupissent encore en prison, des milliers d’autres sont poursuivis, sans parler des pressions sociales, licenciements abusifs, interdictions de sortie du territoire, confiscation de passeports, et perquisitions illégales de téléphones portables et d’éléments relevant de la vie privée.
Le communiqué du ministère des Affaires étrangères algérien n’illustre rien d’autre que le proverbe populaire : « Il prêche la vertu mais pratique le vice. »
Mais pour éviter toute ambiguïté, je condamne personnellement toutes les atteintes aux droits, qu’elles émanent de la police française ou algérienne, contre toute personne, sans distinction.
Ma seule préoccupation demeure la défense de notre chère patrie.
Tandis que l’unique souci du régime reste la préservation du pouvoir, coûte que coûte.
Gloire à nos valeureux martyrs.
Karim Tabbou
Alger, mardi 15 avril 2025