Le pardon de la France à l’Algérie en tant qu’État pour sa responsabilité dans le fait colonial serait légitime, salutaire et la promesse d’une liberté enfin retrouvée pour les Algériens démocrates.

Analysons ces trois qualifications, la dernière étant la conclusion qui justifie le titre de l’article.

La légitime demande du pardon

Légitime car le passé indigne de cette période, ses souffrances et humiliations envers le peuple algérien ne peuvent être discutées par aucune interprétation de l’histoire.

Le pardon au nom de l’état français serait autrement significatif que l’affirmation de la responsabilité d’un régime politique. Tout d’abord parce que la colonisation a vu défiler une succession de régimes politiques sans que l’un d’entre eux ne s’indigne, sinon certains citoyens courageux mais isolés.

Ensuite, en corollaire, parce que la colonisation s’est construite et a perduré au nom d’un état qui a délibérément choisi une colonisation de peuplement avec un enracinement des institutions, d’une culture et des lois françaises.

Les demandes de pardon ont été à plusieurs reprises murmurées si bas qu’on ne pouvait les entendre. En 2017, Emmanuel Macron, alors candidat à la présidentielle, allait enfin déclarer que le passé colonial de la France était « un crime contre l’humanité ». Et de rajouter, « Cela fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes ».

On croyait que le rapport demandé en 2021 à l’historien Benjamin Stora serait la confirmation de sa déclaration antérieure, il n’en fut rien. Le Président s’est engagé à des « actes symboliques » pour le chemin de la réconciliation mais a cette fois-ci clairement exclu « repentance et excuses ». Nous savons ce qu’est devenu cette tentative de réconciliation.

D’autres pays ont également du mal à exprimer ce pardon.

Le pardon, un mot difficile pour certains

Même si les déclarations du Royaume-Uni ont été plus fréquentes et fermement exprimées à propos des humiliations et massacres perpétrés dans les anciennes colonies, le pardon a du mal encore à sortir clairement de la bouche.

« Des actes de violence odieux et injustifiables ont été commis à l’encontre de Kényans alors qu’ils menaient (…) une lutte douloureuse pour l’indépendance et la souveraineté. Et pour cela, il ne peut pas y avoir d’excuse » avait déclaré le souverain britannique au Kenya.

En 2013 déjà, le gouvernement anglais avait exprimé des « regrets sincères » ainsi que le Premier ministre David Cameron qui a qualifié de « profondément honteux » le massacre perpétré en 1919 en Inde, à Amritsar au Pendjab. Mais Londres n’ira jamais vers des excuses complètes.

En 1990 le Japon reconnaît avoir fait subir des exactions à l’encontre de la Corée, ce qui a été compris comme des excuses. Mais l’affaire ne s’est pas présentée d’une manière si simple à cause d’une amertume restée vive. En 2023, le Premier ministre dit avoir « le cœur qui saigne » face aux souffrances des Coréens mais ne présentera pas cette fois-ci des excuses formelles.

D’autres ont fait le pas

En 1995, Jacques Chirac reconnaît la responsabilité de l’État français dans la déportation des juifs de France durant l’occupation par l’Allemagne.

Cette même Allemagne a demandé pardon au nom de l’État à la Tanzanie pour ses exactions commises, « Je m’incline devant les victimes de la domination coloniale allemande. Et en tant que président allemand, je voudrais demander pardon pour ce que les Allemands ont fait subir ici à vos ancêtres ».

En 1998 la Suède présente des excuses aux Samis, peuple autochtone du nord du pays, pour les avoir chassés de leurs terres pendant la colonisation.

La même année, Ottawa présente ses « sincères excuses » et demande pardon aux peuples autochtones du Canada pour l’envoi de force d’un nombre très important d’enfants amérindiens dans des pensionnats gérés par l’Église sous administration canadienne. En 2022, le pape François, lors d’une visite au Canada, présente ses « excuses ».

En 2008, le Premier ministre australien avait adresse les excuses officielles de l’Australie pour « la peine et la douleur » infligées aux premiers autochtones par le retrait de force d’enfants à leur familles pour un objectif d’assimilation.

La même année, Silvio Berlusconi présente ses excuses à la Libye lors de la signature d’un traité qui mis fin aux fortes polémiques nées de la colonisation.

En 2013, le gouvernement néerlandais s’excuse officiellement auprès de l’Indonésie pour les exécutions sommaires pendant la colonisation.

En 2019, la Belgique a officiellement présenté en 2019 ses excuses pour les injustices commises dans ses colonies africaines. Notamment, là également, pour avoir arraché à leurs mères des enfants métis de père belge au Congo, au Rwanda et au Burundi. Toujours pour la même raison que certains cas précédents, les écarter pour un milieu plus propice à l’assimilation. Tiens, revoilà Poutine et les enfants ukrainiens déportés !

En 2021, après de longues négociations, Berlin reconnaît avoir commis un génocide contre les tribus Namas et Hereros en Namibie, colonisée entre 1884 et 1915.

La demande de pardon serait salutaire

Le pardon serait ensuite salutaire pour tout le monde afin que cette histoire de 63 ans prenne fin des deux côtés des rives de la méditerranée et que le conflit permanent laisse place à une relation apaisée. Il n’est de l’intérêt d’aucun pays ni d’aucun peuple de se condamner éternellement à la guerre même si elle est à basse intensité.

Il ne faudrait à la France qu’une seule petite phrase. Nous savons combien la fierté est grande lorsqu’elle dissimule une gêne et une forte réticence des mouvements de la droite extrême. Mais aujourd’hui les générations ont passé et cela est un entêtement qui ne sert à rien sinon à susciter davantage la crise.

La France perd progressivement son influence dans le monde francophone par cet exemple qui lui est l’un des plus important. Elle se prive d’une coopération économique plus soutenue et n’arrange en rien la relation avec sa population d’origine algérienne devenue française.

L’Algérie pour sa part risque de perdre davantage dans ses relations économiques et aussi dans le risque d’annulation des accords de 1968 dont peu d’Algériens en connaissent le contenu et l’importance d’un régime dérogatoire sur les flux entre les deux pays. Ils se rendraient compte de  la perte considérable d’un avantage qui les relie malgré tout au pays le plus important dans la destination du flux de sortie.

Le pardon serait l’espoir d’une mort du régime algérien

Comment le régime algérien pourrait-il encore tenir avec l’arme du danger de l’ennemi extérieur afin de toujours susciter « l’effet drapeau » ? On sait qu’à chaque fois qu’il hurle au néocolonialisme de la France, les Algériens ne répondent pas seulement à l’appel du soutien, ils y courent.

Plus d’un demi-siècle que la manipulation de la mémoire est rentable pour le régime algérien. Pourquoi s’en priverait-il  alors qu’elle lui permet son maintien au pouvoir et son enrichissement jusqu’au vomi.

Les dirigeants algériens sauront encore un moment prendre avantage malgré les excuses de la France. Elles leur permettraient de légitimer leur obsession dans le culte du symbole révolutionnaire. Mais jusqu’à quand ?

Les gardiens du dogme finiront par mourir, les porteurs de la flamme par s’épuiser et les générations futures par percevoir cette révolution comme aussi lointaine pour eux que Napoléon ou Jésus Christ.

La mort n’est pas seulement pour les humains, elle est également inéluctable pour les dictatures violentes.

Boumediene Sid Lakhdar

3 Commentaires

  1. En clair Fafa devrait demander pardon , pour en finir avec la rente mémorielle, yek ?

    Rien que ça ! Il Professore est-il complètement maso ou a t-il oublié le geste de Gerard Longuet à ce sujet ? Ou croit-il qu’en vérité ce n’est qu’une question de procédure ? Je comprends maintenant pourquoi il soutient son ami Sansal, qu lui pense qu’au contraire c’est l’Algérie qui doit se faire pardonner son ingratitude envers Fafa qui a lui a tant donné.
    Iben moua je pense que même si Fafa envoyait son Président de Paris à Alger en rampant pour expier le mal et demander pardon cela ne changerait absolument rien à la relation.

  2. « France-Algérie : la demande française de pardon serait la fin du régime! »
    Je n’ai jamais été broufessour, mais cette phrase est incompréhensible , c’est du charabia peut-être, mais absolument pas en Français.

  3. D’un côté, on a les victimes et leurs descendants qui n’ont rien demandé et vraisemblablement n’ont aucune intention, le 19 mars signé, de demander quoi que ce soit. La page est tournée, le reste relève de l’histoire.
    D’un autre coté, y a la badissiya; et la 3enqadriya version pactisante. Celles-là ont profité du régime colonial. Elles l’ont soutenu. Elles se sont opposées et insulté les résistants de 1871 et de 1954. Elles ont toujours considéré la colonisation comme un soutien, notamment la badissiya. C’est cette catégorie, aujourd’hui au pouvoir, qui demande pardon. A quel titre ?
    Et vu les spécialistes de surenchère au pouvoir, bon courage quand ils goûteront au plat.

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