9 mai 2025
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Qu’est-ce qu’amager n tefsut : à la rencontre du printemps ?

L’événement dont il est question est la célébration d’une fête traditionnelle du bassin méditerranéen. Déclinante partout ailleurs, elle reste encore vivace dans certaines localités de Kabylie.

« À la rencontre du Printemps » est un grand moment de joie, d’hommage à la nature et pour les bienfaits que la terre nourricière offre aux êtres vivants. Sans que la gent masculine ne soit en reste, ce rendez -vous festif est surtout celui des femmes et des enfants. C’est cette fête du renouveau que les Kabyles de France veulent joyeusement partager avec tous leurs amis en célébrant, cette année à Mûrs À Pêches de Montreuil, l’arrivée du printemps (Amager n tefsut).

Un peu d’histoire légendaire

Dans les traditions populaires du pourtour méditerranéen fortement marquées par les valeurs paysannes, le 28 février dans le calendrier grégorien fut fixé comme 1er jour du printemps.

Selon la légende de la Grèce antique, le printemps symbolisait le retour sur terre de la fille de la déesse de la terre. Perséphone était emprisonnée aux enfers. La mère désespérée sème la désolation sur terre jusqu’à ce qu’un accord fut trouvé entre le Dieu des enfers et la Déesse de la terre. La fille doit partager son temps entre la surface de la terre et ses entrailles. Son absence symbolisait, à travers l’hiver, la tristesse et la désolation de la terre et le printemps celui du retour de la vie et de la gaité.

L’accueil du printemps

Les processions, à travers champs, à la rencontre du printemps débutent de bonne heure, à la levée du soleil, au moment où, après son long sommeil hivernal, la sainte nature se réveille. Elles sont effectuées, le plus souvent, par la gent féminine.

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Parées de leurs plus beaux atours, les femmes jeunes et moins jeunes parcourent les champs en chantant des chants élogieux sur le printemps et ceux où elles se comparent à cette saison fleurie et remplie de vie. Elles organisent des jeux, se roulent dans l’herbe pour s’embaumer du parfum de la nature. Elles font des pique-niques avec les provisions qu’elles prennent avec elles tout en prenant soins de réserver la part destinée aux offrandes.

Au fil de leurs parcours, les marcheuses tissent des relations écologiques en déposant, dans des endroits propres et visibles, des petites quantités de nourriture qui seront mangées par des oiseaux, vers, insectes et autres animaux sauvages. Des offrandes sont aussi déposées dans des endroits supposés être occupés par des génies gardiens (Iɛsasen). Ce n’est pas tant les quantités offertes qui sont importantes mais plutôt le geste accompli qui est considéré présage pour la saison à venir, en l’occurrence celle des moissons.

Lors de ce premier jour du printemps la gent masculine n’est pas exclue. Les paysans accompagnés des enfants, se rendent dans leurs champs en effectuant tout autant des offrandes pour dame-Nature.

Au retour, les marcheuses et marcheurs ornent leurs têtes de fleurs et de plantes comestibles fraichement cueillies (églantines, narcisses, thym, etc.).

Le soir, les marcheuses préparent le repas du premier jour du printemps à base de févettes superficiellement grillées et les différentes herbes comestibles qu’elles auraient cueillies dans les champs. Ce repas a une signification symbolique très puissante autant que celle du repas du premier jour de l’an (Imensi u menzun yennayer). Il traduit la rénovation, la résurrection périodique de la nature et du vivant.

Le sens du rituel

Amager n tefsut ou À la rencontre du printemps dans la légende berbère, comme pour la fête de l'équinoxe du printemps dans d'autres légendes antiques, traduit le retour ou le réveil d'une divinité sur terre.

Dans l’ensemble de ses croyances liées à la nature, le Kabyle considère le printemps comme une saison particulière de germination et de floraison (Tafsut). Elle compromettrait l’équilibre vital de la nature si elle venait à être fâcheusement bousculée. Il la charge à ce titre plus que les autres saisons de rites protecteurs et de bons augures.

Durant ce début de printemps, par des rites forts abondants et chargés de présages, le Kabyle appelle la terre-mère à ressusciter sur elle la vie, l’aimer et la protéger.

Cette fête est plus que jamais d’actualité. Elle nous enseigne qu’elle est porteuse de modernité, d’universalité et pose les problématiques du moment. Elle met en avant l’importance de la femme qui est assez malmenée de nos jours par le machisme religieux. Par beaucoup de ses aspects, elle nous interpelle à respecter la nature qui est dangereusement menacée par l’appétence immodérée des humains.

Sans conteste, Amager n tefsut doit s’inscrire durablement, comme Yennayer, dans le calendrier festif amazigh et méritent tous deux d’être inscrits au patrimoine immatériel de l’Unesco.  

Madjid Boumekla

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