19.9 C
Alger
mercredi 28 mai 2025
AccueilA la uneOlivier Bleys : "Ecrire, c’est comme rouler à vélo : si l’on cesse...

Olivier Bleys : « Ecrire, c’est comme rouler à vélo : si l’on cesse de pédaler, on tombe ! »

Date :

Dans la même catégorie

Rafles, expulsions, discours de haine : la dérive anti-migrant·e·s en Algérie

22 organisations internationales et nationales publient un communiqué dans...

Karim Tabbou : assumer notre responsabilité historique en résistant

Comme chaque lundi, j'ai accompli hier matin l'obligation de...

RCD : quelques éléments de notre histoire

Cet écrit est destiné à contribuer à des clarifications...

Saïda Abouba, une voix de femmes et de montagnes

Dans le fracas du monde moderne, certaines voix résonnent...
spot_imgspot_img
- Advertisement -

Olivier Bleys est un écrivain aux multiples talents : romancier, scénariste, essayiste et infatigable marcheur. Curieux et passionné d’écriture depuis l’enfance, il a suivi des études en lettres et en histoire, qui ont nourri son goût pour les récits ancrés dans le passé, tout en éveillant une réflexion continue sur le monde contemporain. Son œuvre, foisonnante et éclectique, explore des genres variés, du roman historique au récit de voyage, en passant par l’anticipation et la bande dessinée.

Dès son premier roman, Pastel (2000), couronné par le Prix François-Mauriac de l’Académie française, Olivier Bleys s’impose dans le paysage littéraire. Il y évoque le commerce du pastel au XVIe siècle, dans un récit où l’Histoire dialogue avec l’humain. Il enchaîne avec Le Fantôme de la tour Eiffel (2002), une intrigue parisienne dans les coulisses de la célèbre tour, et Semper Augustus (2007), qui plonge le lecteur dans la folie spéculative des tulipes aux Pays-Bas du XVIIe siècle. En 2013, Le Maître de café, récompensé par le Grand Prix du Roman de la SGDL, aborde les liens filiaux dans un décor africain vibrant. Avec Discours d’un arbre sur la fragilité des hommes (2015), finaliste du Prix Goncourt des lycéens, il livre une fable écologique et méditative sur la place de l’homme dans la nature. Enfin, Antarctique (2022) marque une incursion dans la fiction d’anticipation, imaginant un monde post-effondrement en quête de nouveaux équilibres.

Marcheur passionné, Olivier Bleys s’est lancé en 2010 dans un tour du monde à pied, réalisé par étapes. Cette aventure humaine et physique irrigue ses textes d’une profonde réflexion sur le temps, l’espace et les cultures traversées. Ses récits de voyage et ses essais traduisent cette expérience de l’altérité et cette volonté de voir le monde « à hauteur d’homme », avec humanité et patience.

Parallèlement à ses romans, il écrit pour la bande dessinée, notamment dans la collection La Petite Bédéthèque des Savoirs, où il aborde des sujets historiques et de société avec rigueur et inventivité. Son travail a été salué par de nombreuses distinctions, parmi lesquelles les titres de Chevalier (2014) puis Officier des Arts et des Lettres (2021).

Inspiré par des auteurs tels que Jules Verne, Albert Camus, Stefan Zweig ou Italo Calvino, Olivier Bleys mêle dans ses textes l’Histoire, la géographie vécue, et une sensibilité philosophique tournée vers les grandes questions humaines : la mémoire, le temps, la lenteur.

Plus qu’un auteur prolifique, il se positionne en passeur de savoirs. Il intervient régulièrement en milieu scolaire ou culturel pour transmettre sa passion de la littérature, défendre l’imaginaire, et promouvoir une approche vivante, accessible et ouverte de l’écriture. À travers ses livres comme à travers ses rencontres, il invite à ralentir, à regarder le monde autrement, et à renouer avec la richesse du récit comme outil de compréhension, de rêve et d’éveil.

Olivier Bleys est un écrivain aux multiples facettes, explorant avec talent le roman historique, l’anticipation, la bande dessinée et le récit de voyage. Son œuvre, nourrie par une profonde curiosité pour le monde et ses histoires, se distingue par une érudition accessible et une écriture en mouvement. Son engagement littéraire va bien au-delà des livres : marcheur au long cours, il poursuit depuis 2010 un tour du monde à pied, une expérience qui façonne sa vision du temps, de l’espace et des civilisations qu’il traverse. À travers cet entretien, il revient sur ses inspirations, ses explorations et sa manière de concilier voyage et écriture.

Le Matin d’Algérie : Votre œuvre couvre une grande diversité de genres, du roman historique au récit d’anticipation, en passant par la bande dessinée et le récit de voyage. Comment parvenez-vous à concilier ces univers si variés dans votre écriture ?

Olivier Bleys : Ce n’est pas une contrainte mais une diversion agréable, peut-être même nécessaire. Elle m’aide à combattre la routine, la répétition, qui nuisent sévèrement à mon travail et pourraient même l’empêcher. En abordant de nouveaux genres, même très éloignés de ma pratique ordinaire (j’ai écrit un livret d’opéra, par exemple), je m’aère l’esprit et stimule ma créativité. C’est particulièrement vrai des œuvres collectives ou de collaboration, qui brisent la redoutable solitude du créateur.

Le Matin d’Algérie : Vous avez été nommé Chevalier des Arts et des Lettres en 2014, puis Officier en 2021. Que représentent ces distinctions pour vous et quel impact ont-elles eu sur votre parcours littéraire ?

Olivier Bleys : J’ai grandi dans un immeuble social, au sein d’une famille assez défavorisée matériellement. Les distinctions et les prix qui ont émaillé ma carrière artistique possèdent donc une valeur particulière. Ils ont le goût de la revanche. En revanche, si elles sont un gage de sérieux dans certains milieux, ces décorations n’ont en rien aidé mon parcours littéraire. D’une part, peu de gens sont au courant. D’autre part, il est plus utile d’habiter Paris et de fréquenter les journalistes que d’avoir du talent. Même le prix Nobel n’a pas durablement sorti certains auteurs de l’anonymat.

Le Matin d’Algérie : Vous avez entrepris un tour du monde à pied depuis 2010, par étapes. En quoi cette expérience influence-t-elle votre vision du monde et votre manière de raconter des histoires ?

Olivier Bleys : Ce projet a été suspendu à Moscou, le 5 juillet 2019. La crise sanitaire, puis l’invasion de l’Ukraine que nous avions d’ailleurs traversée à pied en intégralité, n’ont pas permis de le poursuivre. Il s’agit donc d’un tour du monde à pied inachevé, devenu une traversée d’Europe achevée, de France jusqu’en Russie, à travers la Suisse, l’Italie, la Slovénie, la Croatie, la Hongrie et l’Ukraine.

Tout marcheur au long cours développe une vision du monde qui lui est propre, marquée à la fois par une certaine ouverture (réciproque du bon accueil qu’il reçoit, en général, des populations rencontrées en chemin) et une certaine vigilance (il faut garder les yeux ouverts et les sens aux aguets lorsqu’on progresse, seul et sans défense, sur les routes et les sentiers du monde). Je ne crois pas, en revanche, que j’écrive ou raconte différemment depuis que je marche. L’écriture du voyage, d’ailleurs, m’a déçu. Il est difficile d’échapper au tourisme et aux lieux communs qu’il nourrit. Trop d’images encombrent notre esprit, je crois, pour développer de nos jours un regard neuf sur le monde. Que dire d’inédit sur Venise, sur New-York, sur la Chine ?

Le Matin d’Algérie : L’Histoire occupe une place centrale dans vos romans, comme Pastel ou Semper Augustus. Qu’est-ce qui vous attire dans le passé et comment parvenez-vous à le rendre vivant pour vos lecteurs ?

Olivier Bleys : Ce n’est pas le passé qui m’importe, mais la distance au réel. Cette distance peut exister dans le temps ou dans l’espace. Voilà ce qui m’a porté vers le roman historique comme vers le récit de voyage. L’essentiel, c’était d’être loin ! Je ne sais pas parler de l’ici et maintenant. Je n’ai rien à dire sur notre époque. Elle est passionnante à certains égards, mais tragique de bien des façons. Pour qui aime lire et s’est construit à travers la lecture et la fréquentation des grands auteurs, notre siècle n’a pas beaucoup d’intérêt. Pourtant, je ne rejette pas tous les aspects de la modernité. J’ai travaillé pour le jeu vidéo et je suis assez à l’aise, par exemple, avec les technologies.

J’ignore pourquoi j’ai des affinités avec le passé. Peut-être grâce à mes vies antérieures ? Il m’est beaucoup plus naturel de raconter une chevauchée à cheval qu’un voyage en avion. L’expérience de la chevauchée est riche en odeurs, en couleurs, en sensations… Le voyage moderne, au contraire, revient principalement à zapper d’un écran à l’autre, de son téléphone au moniteur diffusant des films à bord. Ça n’a aucun intérêt.

Le Matin d’Algérie : Avec des œuvres comme Discours d’un arbre sur la fragilité des hommes et Antarctique, vous abordez des thématiques écologiques et philosophiques. Quelle est votre vision de la place de l’homme dans la nature et de son rôle face aux défis environnementaux ?

Olivier Bleys : Il faudrait plus que quelques lignes pour développer mon point de vue ! J’ai été attentif au témoignage du philosophe Francis Wolff, lu récemment dans Le Monde, qui contestait la vision horizontale et égalitaire de toutes les espèces vivantes, répandue sottement chez nombre de penseurs contemporains. Je crois comme lui que l’homme tient une place spéciale dans ce qu’on appelait autrefois la Création, que des responsabilités particulières lui incombent et que si le monde va en effet à sa destruction, c’est d’abord sa faute. Il a davantage de devoirs que le chien ou la libellule mais, pour pouvoir les remplir, il doit jouir aussi de davantage de droits. 

Pour les besoins de mon dernier livre paru, La Marche aux étoiles, j’ai randonné pendant des semaines dans les montagnes de Californie, où les ours sont nombreux (on en compterait plus de 30 000 dans cet État américain) et la probabilité de les rencontrer, assez élevée. On lit partout que l’ours est « chez lui » dans ces montagnes, sous-entendu que l’homme y serait intrus. Je n’aime pas cette vision des choses, qui réduit l’homme à un admirateur coupable et repentant de la beauté sauvage. Nous abdiquons notre dignité d’espèce objectivement dominante, qui a façonné le monde à son image. En la matière, je suis partisan d’un certain humanisme.

Le Matin d’Algérie : Vous êtes également scénariste et auteur de bandes dessinées. Qu’est-ce qui vous plaît dans ce format et comment diffère-t-il de votre travail romanesque ?

Olivier Bleys : C’est un hommage à mes propres influences, car je suis lecteur régulier d’albums de bandes dessinées. J’aurais aimé développer davantage ce rayon de ma bibliothèque, mais le temps me manque, et peut-être aussi une inspiration vraiment originale. Hélas, je ne sens pas en moi un univers d’auteur assez riche, assez dense pour bâtir une grande œuvre de scénariste BD. Cela reste marginal dans ma création.

Le Matin d’Algérie : Vous intervenez souvent auprès des jeunes publics dans les écoles et médiathèques. Quel rôle attribuez-vous à la transmission de la littérature et de l’imaginaire auprès des nouvelles générations ?

Olivier Bleys : Non, en réalité, j’interviens assez peu dans les établissements scolaires et ce n’est pas un exercice que je prise particulièrement. Certains ont la vocation de transmettre, pas moi. Je trouve difficile de s’adresser au jeune public qui, en majorité, ne lit plus, n’a qu’un accès et une fréquentation scolaire des ouvrages imprimés, et pour qui l’écrivain est une figure étrange et surannée, ce que pouvait être de mon temps un sabotier. C’est même assez humiliant d’être regardé comme une antiquité ! Les jeunes veulent rencontrer des footballeurs, des influenceuses, des chanteurs de rap… Pourquoi les contrarier ? Notre public, hélas, se compose en grande majorité de personnes d’un certain âge. Il vieillit comme vieillit le livre lui-même. Nous devons l’accepter.

Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en cours ou à venir ?

Olivier Bleys : Fort heureusement, puisque je vis de cette activité. Pas de chômage pour les écrivains, ni congés payés, ni tickets-restaurants ! Ecrire, c’est comme rouler à vélo : si l’on cesse de pédaler, on tombe !

J’ai donc entrepris l’écriture d’un roman à thème scientifique. Comme La Marche aux étoiles, ce récit situé dans l’Amérique des années 1930 traite d’astronomie. Je travaille aussi sur des projets audiovisuels. J’ai pris beaucoup de plaisir à réaliser le film-documentaire de La Marche aux étoiles, et j’aimerais en tourner d’autres dans des conditions plus professionnelles.

Le Matin d’Algérie : Un dernier mot peut-être ?

Olivier Bleys : Visitez mon site, riche d’informations sur mes livres et mes autres activités ! https://olivierbleys.com/

Entretien réalisé par Brahim Saci

Dans la même catégorie

Rafles, expulsions, discours de haine : la dérive anti-migrant·e·s en Algérie

22 organisations internationales et nationales publient un communiqué dans...

Karim Tabbou : assumer notre responsabilité historique en résistant

Comme chaque lundi, j'ai accompli hier matin l'obligation de...

RCD : quelques éléments de notre histoire

Cet écrit est destiné à contribuer à des clarifications...

Saïda Abouba, une voix de femmes et de montagnes

Dans le fracas du monde moderne, certaines voix résonnent...

Dernières actualités

spot_img

1 COMMENTAIRE

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici