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samedi 7 juin 2025
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« France-Algérie, le double aveuglement » de Xavier Driencourt, Un livre lucide et courageux

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Il est des livres qu’on referme avec un sentiment de clarté retrouvée. « France-Algérie, le double aveuglement » de Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France à Alger, est de ceux-là. Non seulement parce qu’il donne à comprendre, mais surtout parce qu’il ose nommer.

Dans une époque où la diplomatie s’enlise trop souvent dans une prudence paralysante et une langue de coton, Driencourt choisit la netteté. Il parle franc, écrit juste, tranche dans le réel – et cela fait un bien considérable.

Deux fois en poste à Alger, l’auteur n’écrit pas depuis un bureau feutré ou un cabinet ministériel : il écrit depuis le terrain, depuis l’expérience, depuis les marges d’une relation qu’il connaît jusque dans ses silences.

Il a vu, entendu, négocié, subi. Et ce qu’il restitue ici, c’est un demi-siècle d’aveuglements réciproques, d’attentes biaisées, de blessures mal refermées, de gestes unilatéraux sans écho. Un « double aveuglement », selon ses mots, où la France comme l’Algérie se sont enfermées dans des récits incompatibles, des malentendus nourris, et une mémoire empoisonnée.

Ce livre est bien plus qu’un diagnostic. C’est une mise à nu. Avec une précision rare, Driencourt démonte les illusions de la « relation spéciale », cette fiction politique où la France s’imagine capable de réconcilier les mémoires par des gestes de bonne volonté, tandis que le pouvoir algérien instrumentalise sans fin la guerre d’indépendance pour consolider sa légitimité interne. Il décrit une relation fondée sur le déséquilibre et la complaisance, où l’exigence de réciprocité a peu à peu disparu du vocabulaire diplomatique français.

Mais Driencourt ne tombe ni dans l’amertume, ni dans le règlement de comptes. Ce n’est pas un pamphlet, c’est un traité de lucidité. Son style est clair, sans emphase, souvent mordant, mais toujours mesuré. Il ne cherche pas à choquer – il cherche à comprendre, et à faire comprendre.

Xavier Driencourt rappelle que représenter la France, ce n’est pas s’excuser d’elle. Et que la diplomatie n’a de sens que si elle est fondée sur le respect mutuel, non sur l’obsession unilatérale du repentir.

L’un des grands mérites de ce livre est de sortir la question franco-algérienne des incantations et des automatismes. Il propose. Il invite à une refondation des relations bilatérales sur trois piliers essentiels : la souveraineté assumée, la fermeté dans les principes, la réciprocité dans les engagements. Il faut, dit-il, rompre avec les affects, avec l’infantilisation mutuelle, avec le sentimentalisme inefficace. Il faut cesser de croire que la mémoire peut remplacer la politique, ou que l’apaisement passe par le renoncement.

Dans le climat actuel – fait de peur de déplaire, de conformisme feutré et de dogmes idéologiques –, la parole de Xavier Driencourt est précieuse. Elle est même rare. Il fallait du courage pour écrire « France-Algérie, le double aveuglement ». Il en faudra tout autant pour le lire sans défense, sans préjugés, sans se cacher derrière des grilles toutes faites. Car ce livre bouscule. Il dérange les tiédeurs, les accommodements, les connivences. Mais il élève aussi. Il oblige à penser, à revoir, à reconstruire.

C’est pourquoi il mérite d’être largement lu, débattu, médité. Non seulement par ceux qui s’intéressent à l’Algérie, mais par tous ceux qui veulent comprendre comment la France peut, aujourd’hui, retrouver une diplomatie digne, claire, exigeante. Une diplomatie qui ne sacrifie ni sa mémoire ni ses intérêts, ni sa vérité ni son avenir.

En ces temps d’égarement politique et de confusion morale, ce livre sonne comme un rappel à l’essentiel. Et cela, aujourd’hui, est plus qu’utile : c’est vital.

Kamel Bencheikh 

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