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mercredi 2 juillet 2025
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Rodolphe Saadé à Alger : un signe d’apaisement, selon Abdelkader Haddouche

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Alors que les relations entre l’Algérie et la France traversent une crise inédite, marquée par l’absence d’ambassadeurs et une montée des tensions diplomatiques, la visite à Alger de Rodolphe Saadé, président du groupe maritime CMA CGM, soulève de nombreuses interrogations.

C’est après sa déclaration au journal El Khabar que nous avons contacté Dr Abdelkader Haddouche, universitaire et ancien député du FLN, représentant de la communauté algérienne du sud de la France à l’Assemblée populaire nationale (APN), pour recueillir son analyse sur cette initiative économique qui semble se substituer à un dialogue politique inexistant.

Selon lui, cette visite pourrait être « un indicateur d’efforts parallèles de pacification, alors même que les tensions s’aggravent, et une réouverture progressive des relations avec une personnalité plus proche de Macron et du monde économique que des politiques, lesquels appartiennent majoritairement aux courants de droite et d’extrême droite ».

Dans cet entretien Abdelkader Haddouche revient sur les enjeux diplomatiques, les messages politiques implicites, et les pistes de sortie de crise envisageables entre Alger et Paris.

Le Matin d’Algérie : Comment interprétez-vous la visite de Rodolphe Saadé à Alger, alors que les relations entre l’Algérie et la France traversent une crise inédite ?

Abdelkader Haddouche : En effet, cette visite de M. Rodolphe Saadé, PDG de la compagnie maritime CMA-CGM, s’est effectuée dans un contexte excessivement sensible où les relations entre Alger et Paris sont caractérisées depuis des mois par un climat de tension extrême. Il faut rappeler que pour la première fois les relations officielles entre les deux Etats sont quasi rompues en l’absence des deux ambassadeurs. Ce qu’est inédit dans l’histoire des relations politiques et diplomatiques entre les deux pays.

Il est donc tout à fait possible que l’Elysée a opté pour une personnalité du monde économique afin d’envoyer un message à Alger et ce en l’absence de contacts directs via des canaux officiels qu’ils soient politique, diplomatique ou sécuritaire. La visite de cet homme doit sans doute avoir une mission double, c’est-à-dire économique et politique et faire comme on dit d’une pierre de coups.

Je pense que d’un côté comme de l’autre, on commence à s’interroger sur les graves conséquences sur plusieurs plans que pourrait engendrer la continuité d’une telle crise. Envisager un rapprochement entre les deux gouvernements est quelque chose de souhaitable et le plutôt sera le mieux pour tout le monde.

Il ne faut surtout pas que cette crise s’éternise sinon ça sera en faveur des courants idéologiques populistes qui misent sur l’escalade jusqu’à atteindre le point de non retour dans ces relations bilatérales; d’où l’urgence et l’impérieuse nécessité d’une entente politique entre les deux Etats.

Le Matin d’Algérie : Peut-on sérieusement envisager que cet homme d’affaires, sans fonction politique officielle, soit porteur d’un message de la part du président Macron ?

Abdelkader Haddouche : Je pense que dans certains cercles autour d’Emmanuel Macron à l’Elysée et d’autres en dehors ne valident pas la ligne politique de l’actuel gouvernement français vis-à-vis de l’Algérie, d’autant qu’elle est contre-productive, y compris aux yeux des partisans de l’extrême droite française. Ensuite, presque tout le monde parmi les initiés de la politique française s’accorde à dire aujourd’hui que l’actuel ministre de l’Intérieur fait de la carte algérienne un slogan pour un besoin de politique interne.

Autrement dit, l’enjeu est l’échéance de 2027 c’est-à-dire l’après-Emmanuel Macron qui n’a plus les coudés franches. Faute de majorité parlementaire, ce dernier doit choisir entre composer avec l’actuelle Assemblée avec toutes ses contradictions ou bien la dissoudre à nouveau sinon appeler à une présidentielle anticipée. Les deux derniers scénarios risquent de provoquer de lourdes conséquences sur la politique de la France et de son image dans le monde. Cela étant dit, du côté algérien et sur le plan médiatique plus précisément, il faudra peut être, éviter de commenter moins souvent les déclarations et sorties du patron des LR dès lors et actuel ministre de l’Intérieur. Cette campagne médiatique risque d’avoir l’effet inverse…

Sinon, oui la médiation peut se révéler efficace et apporter de vraies solutions à des problématiques réelles et complexes (à l’instar de celle que nous évoquons) là ou des politiques n’ont pas réussi. Ensuite ce qui compte au final ce sont les résultats n’est-ce-pas ?

Je vous rappelle que grâce à des intermédiaires (journaliste américain (Pierre Salinger), un espion soviétique de l’ex KGB Gueorgui Bolchakov, procureur américain et ambassadeur soviétique) entre le président américain John F. Kennedy et sovétique Nikita Khrouchtchev, qu’un dénouement pacifique à la crise dite des missiles de Cuba en 1962 a pu être trouvé. Un accord verbal entre les deux Hommes a suffit pour éviter l’apocalypse à la planète entière.

Bien évidement que la situation dont nous discutons est tout autre et n’a absolument rien à voir avec le contexte de la guerre froide ou le degré et la complexité de la crise évoquée. D’autant que le volume des intérêts culturels, économiques et commerciaux ainsi que celui des défis sécuritaires et géopolitiques en Méditerranée et dans le monde entre l’Algérie et la France sont loin d’être insignifiants pour ne pas agir des deux coté afin de contenir cette crise qui ne fait que perdurer.

Moralité de l’histoire est qu’on ne peut surmonter les difficultés diplomatiques et construire de véritables partenariats économiques sans volonté politique commune.

Le Matin d’Algérie : Pourquoi, selon vous, les autorités algériennes ont-elles choisi de recevoir une figure économique proche de l’Élysée plutôt qu’un interlocuteur diplomatique ou politique ?

Abdelkader Haddouche : A mon avis, les autorités algériennes ne peuvent pas rester insensibles à cette situation. La particularité de la crise politique entre les deux gouvernements et l’impasse dans laquelle se trouve la relation bilatérale exigent des efforts particuliers supplémentaires des deux cotés. Je pense que la décision de recevoir cet opérateur économique au palais d’El Mouradia par le chef de l’Etat Abdelmadjid Tebboune a été prise à un moment où on a senti que du côté de l’Elysée on cherche à apaiser les tensions et trouver une issue positive à ce quiproquo franco-algérien qui n’a que trop duré. Je pense que les deux démarches sont louables et prouvent que le sens des intérêts et défis communs priment et l’emportent sur le reste.

Le Matin d’Algérie : Dans le contexte de gel des canaux officiels – notamment l’absence d’ambassadeurs dans les deux capitales –, ce type de rencontre peut-il avoir un impact réel sur la crise ?

Abdelkader Haddouche : Certes, la situation des relations entre les deux pays est singulièrement tendue et ce depuis quelques mois déjà. Certains lobbys anti-Algériens à Paris et pas que… encouragent cela et ils sont prêts à aller plus loin encore et pourquoi pas jusqu’à provoquer une rupture totale qui pourrait être lourde de conséquences à tous points de vue pour l’axe Paris-Alger et tout l’espace méditerranéen.

Enfin, la diplomatie économique peut être tout à fait complémentaire à celle menée par les instances officielles. Je pense qu’elle est en capacité de pouvoir amorcer une nouvelle phase de dialogue et arriver à un éventuel compromis voire un accord d’amitié. Accord basé sur une coopération économique véritable et un respect sincère et mutuel. Ce qui ne peut être que bénéfique pour tout le monde.

Le Matin d’Algérie : Vous avez déclaré au journal El Khabar que la situation actuelle profite surtout à l’extrême droite française. En quoi cette instrumentalisation vous semble-t-elle dangereuse pour l’avenir des relations bilatérales ?

Abdelkader Haddouche : Je vous rappelle que nous avons une communauté ancienne et suffisamment importante en France, ce qui explique (entre autres) l’intérêt spécifique porté à cette relation entre Paris et Alger. Et aujourd’hui, force est de constater que la première force politique en France est représentée par l’extrême droite et ses différents relais ainsi que la droite dite forte ou conservatrice incarnée depuis peu et sans doute jusqu’aux prochaines élections présidentielles au moins par un certain Bruno Retailleau.

Et sachant que le président sortant ne peut rempiler pour un nouveau mandat et une gauche suffisamment divisée ceci m’amène à dire que l’arrivée au pouvoir des durs en 2027 à l’Elysée est un scénario à ne pas écarter totalement ! Je vous laisse imaginer l’impact que pourrait avoir une telle configuration politique. Pour ma part, je considère que toute tentative qui va dans les sens du rapprochement entre les deux rives de la Méditerranée mérite d’être encouragée et soutenue. Ça était ma démarche durant mon mandat parlementaire de 2012 à 2017 dans le cadre du groupe d’amitié Algérie-France et avant et après le mandat en ma qualité double de militant et observateur politique.

Le Matin d’Algérie : Quelles seraient, selon vous, les conditions nécessaires pour sortir durablement de cette impasse entre Alger et Paris ?

Abdelkader Haddouche : Dans un premier temps, le retour des ambassadeurs à leurs postes et l’ouverture d’un dialogue franc et sincère dans un cadre institutionnel et non pas sur les chaînes de propagandes et les réseaux sociaux. Ensuite une volonté politique commune fixant comme objectif une relation solide et décomplexée. Une relation qui se veut exemplaire et mutuellement respectueuse avec comme cap une coopération économique forte avec une dimension amicale et fraternelle fondée sur la langue française, la culture et le patrimoine commun, le tout s’inscrit dans un processus de progrès et de prospérité partagée dans un espace méditerranéen stable et apaisé.

Car une telle instabilité et de telles tensions dans ces relations risquent d’impacter terriblement les deux pays et tout le porteur méditerranéen dans la mesure où l’axe Alger-Paris est considéré comme élément structurant des relations entre les deux rives et un facteur de prospérité économique et d’équilibre géopolitique et sécuritaire.

Entretien par Djamal Guettala

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3 Commentaires

  1. l’algérie est seule responsable de ces mauvaises relations et le reste n’est que blabla inutile. saadé est à la tête d’une multinationale et son bizness ne profite guère à la france de toute maanière.

  2. Si la photo sur du présent article est censée représenter M. Rodolphe Saadé , ce dernier est loin de ressembler au Rodolphe Saadé de la photo de l’article du 2 juin dernier quand il a été reçu par Tebboune. À moins que … !

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