Le 14 juin 2001, une marche pacifique de citoyens kabyles vers Alger fut violemment réprimée par les forces de sécurité. Les marcheurs voulaient juste déposer la plate-forme d’El Kseur à la présidence. Un texte de revendications majeures et d’actualité.
C’était une marche historique. Elle avait réuni 2, certains parlent de 3 millions de manifestants pacifiques. C’était l’apogée d’un soulèvement populaire déclenché quelques semaines plus tôt, en avril, par l’assassinat du jeune Massinissa Guermah, 18 ans, dans une brigade de gendarmerie d’At Douala (Kabylie). C’était l’acmé dune conscience aiguisée depuis 1963. Mais les sicaires du pouvoir en ont décidé autrement. Ils ont préféré la mort à la communion avec le peuple.
Pendant des mois, la Kabylie s’embrasa. Au total, 128 jeunes furent tués, souvent par des balles explosives, tirées en plein visage ou dans le dos, et plus de 5 000 blessés recensés. La majorité d’entre eux étaient des adolescents ou de jeunes adultes. Seul le gendarme tueur a été condamné. Autrement, Aucun autre gendarme, aucun responsable politique ou sécuritaire n’a été jugé ni même inquiété malgré l’ampleur du massacre. Aucune justice. Aucune vérité. Le rapport rédigé par Mohand Issad et sa commission a été enterre.
Le silence complice du pouvoir algérien n’est pas une anomalie. Il est la règle.
Cette impunité n’est pas le fruit du hasard : elle s’inscrit dans une violence structurelle érigée en mode de gouvernance depuis l’indépendance de l’Algérie. Un régime fondé sur le déni, la répression, et l’élimination symbolique ou physique de toute voix discordante, notamment celles issues des régions historiquement marginalisées comme la Kabylie. Le Printemps noir, comme octobre 1988 ou encore pendant les manifestations de la dissidence populaire, dévoile une constante : le peuple algérien paie toujours le prix fort quand il prend son courage pour revendiquer sa dignité.
La révolte de 2001 n’était pas seulement kabyle, elle était algérienne dans l’âme. Elle dénonçait une hogra étouffante, une police arrogante, une justice aux ordres, une misère sociale entretenue, et un pouvoir clanique qui instrumentalise l’identité nationale pour mieux diviser.
Les jeunes Kabyles morts pendant ce Printemps rouge sang ne demandaient ni privilèges ni séparation, mais le droit élémentaire de vivre librement, dans leur langue, dans leur culture, et dans un État de droit. Ce qui était et est toujours impossible.
Deux décennies plus tard, le régime sous la direction d’Abdelmadjid Tebboune et Saïd Chanegriha n’a pas changé. Il a réprimé le Hirak en 2019-2022 avec la même brutalité. S’il n’a pas assassiné comme pour le printemps noir, il emprisonne des journalistes, diabolise les militants et qualifie de « traîtres » ceux qui osent penser en dehors du moule officiel. En Kabylie, l’étiquette de « séparatisme » est devenue un outil commode pour criminaliser toute expression identitaire. Voire politique.
24 ans après, le deuil est toujours là. Les familles des 128 jeunes abattus par des gendarmes et les centaines de handicapés sont meurtries à jamais. Mais la mémoire est vive.
Ce 14 juin, les visages des 128 martyrs ressurgissent dans chaque village kabyle, sur chaque mur, dans chaque famille endeuillée. La douleur reste, mais elle s’accompagne d’une détermination farouche à ne pas oublier. Car la mémoire est un acte de résistance. Elle dit au régime : vous avez tué nos enfants, mais vous ne tuerez pas notre mémoire ni notre dignité. Sans justice, il ne peut y avoir ni réconciliation, ni paix durable.
À ceux qui veulent tourner la page sans l’avoir lue, rappelons ceci : on ne construit pas une nation sur les cadavres de ses enfants, ni sur le mensonge.
Yacine K.
On ne peut pas exprimer mieux ce que ressent chaque Kabyle envers ce régime raciste et assassin. Ce régime voyou, traitre, perfide, raciste et assassin continue aujourd’hui encore sa politique meurtrière envers les Kabyles. Comble du malheur, il trouve toujours parmis la population kabyle des éléments qu’il arrive à soudoyer pour se servir d’eux pour attaquer la Kabylie. Après tous ces assassinats de jeunes kabyles par ce régime méprisable et raciste, on s’attendrait à ce que tous les Kabyles sans exception se souviennent de ces massacres et le rejette fermement, une fois pour touute. Mais malheureusement, comme prèsque tout le monde le sait, dans toute société, il y’a toujours des traitres qui se drèssent contre leurs frères et soeurs.
«Cette impunité n’est pas le fruit du hasard : elle s’inscrit dans une violence structurelle érigée en mode de gouvernance depuis l’indépendance de l’Algérie. »
Nos vieux voyaient l’Algérie comme une continuité: beylek, irumyen, aarraven, se seraient exprimé autrement. Sur le plan identitaire et religieux, nos vieux sont ce que nous devons être. Ils savent, mieux, ils ressentent au plus près ce que nous sommes. Nous nous retrouvons en eux mieux qu’en n’importe quel livre ou discours le mieux tricoté des partis et des élites algerianisées. Nos vieux diraient plutôt que cette violence est consubstancielle à l’Algérie. Autrement dit, sans violence et terreur, pas d’Algérie.
Quand on regarde dans le rétroviseur en effet, c’est la vérité pure et dure. Les régences de Constantine et d’Alger ont massacré des villages entiers des limites de la Kabylie. Pour forcer ces villages à payer l’impôt, ils massacraient, éventraient, mutilaient. Ils n’ont reculé sur aucune ignominies. C’est cela l’Algérie pour nous Kabyles. Pas les rêveries de nos acculturés souvent d’ailleurs privilégiés par des fréquentations et des circonstances loin d’être dans la normalité.
De l’Algérie française, on retient l’avancée des troupes et les résistants qui tombent, les expropriations, l’interdiction des conseils tajmaat; la destruction des iaassassen; le lâchage des bachagha, margianux pour la plupart, sur la population; les lois musulmanes à la place des lois séculaires; les famines cycliques depuis 71.
Et quand on regarde le présent, votre article décrit déjà une infime partie de la réalité sur laquelle on va s’en tenir car tout le monde vit voit et entend. On dira simplement qu’elle s’est attaqué aux coeur et a l’âme de ce que nous sommes lorsque ses aînées n’ont touché que nos poches.
Le plus important dans tout cela c’est que ce projet n’a jamais fait partie de notre cosmologie. Sa nature même, centralisatrice, fait de lui une tâche noire par rapport à nos tradition et mœurs politique. Comment peut-on considérer cela comme une émanation de quelque façon que ce soit de la société kabyle ?
Voilà donc, «Structurel», ça se soigne; «substantiel», qui décrit mieux la chose, c’est la nature de la chose qu’on ne peut changer.