C’est ce que l’on pourrait penser. Il y a dans tout effort de pensée une interaction, une réciprocité nécessaire quand on veut plonger dans le bain de la critique un autre que soi. Cet effort doit être supporté et transformé en acte par l’émetteur de la critique, au moins lui.
L’affaire en question, le cœur brûlant du dossier, ne peut et ne pourra pas être regardé au fond des yeux sans penser un peu contre soi. C’est une chose de balancer à la volée des lignes rouges à l’autre, action bonne pour briller, mais qui vitrifie toute potentielle avancée. C’en est une autre que d’encourager toutes les parties à faire un morceau du chemin.
Changer d’avis, oui, c’est possible, mais c’est difficile.
Il était question, dans une précédente chronique qui traitait de notre connerie collective, d’écrivains libres.
Le terme « libres » était préféré à « engagés ». L’engagement porte en soi un potentiel de lâcheté que la liberté ne connait pas. On ne peut, de la liberté, ni déserter, ni faire par elle seule une force d’action.
L’engagement annonce la couleur, ose et prend le risque.
D’abord, la liberté.
Il paraît que le président de la République algérienne, M. Tebboune, pourrait libérer M. Sansal ce 5 juillet.
Il est libre de ne pas le faire. Il est libre aussi de montrer aux siens, et à tous que par un geste comme celui-ci il est à la fois homme d’État et homme capable d’engager avec lui l’histoire tout entière. Il procéderait à une remise à zéro de la réflexion autour de l’expression, de l’opinion, de l’avis étranger au sien et comble du comble, d’une nouvelle manière d’occuper son propre espace de liberté.
M. Tebboune, je préfère le croire que le craindre.
Si le symbole Sansal est rendu à sa liberté, c’est un pan énorme de la critique, de l’acceptation d’une forme de critique, qui reverdit.
Laissez-moi, s’il vous plait, le croire. Comment, je rêve ? Ne soyez pas rabat-joie.
Mr Sansal libre, M. Tebboune content, les Français étonnés, les Algériens avec la ceinture qui se desserre d’un trou, oui on peut rêver.
Mais de quoi de plus ?
Rêver de solliciter un visa et de l’obtenir, dans une humeur aussi bonne que la première fois.
Aller, Jimmy sous le bras, à la rencontre des lectrices et lecteurs, des libraires et de leur sens raffiné du débat, à Alger même.
Boire le thé et papoter avec les journalistes locaux de n’importe quel titre.
Me balader sur un boulevard et feuilleter n’importe quel site Internet sur mon téléphone.
Savoir que les exilés, plus ou moins volontaires, peuvent sans crainte revenir et mettre de la petite sauce piquante ailleurs que dans leurs papiers.
Oui, rêver ça, faire ça.
Il nous faut chercher une sortie à la confusion, aux arbitraires de toute nature.
En Algérie, certainement, et les Algériens n’ont besoin de personne pour le faire.
En France, aussi, où il ne manque pas non plus d’hommes et de femmes qui vous assurent la liberté de penser pour peu que vous pensiez la même chose qu’eux.
Et, Machin sait que leur pouvoir et leur influence vont grandissant.
Arrivés là, nous le changerons, notre avis, sur les Nations et les hommes. À condition seulement d’une justice solide et humaine, qui nous juge pour nos actes et laisse aux paroles le temps de trouver les bons mots.
Alors, action ?
Marcus Hönig
Chronique reprise avec l’accord de l’auteur ici