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samedi 12 juillet 2025
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Kamel Daoud : « Ce deuil qu’on m’a volé »

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Le cri de Kamel Daoud, ayant perdu sa mère et ne pouvant assister à son inhumation. Banni de sa mère et de sa terre, il n’a pas crié. Il n’a pas tempêté. Il a juste écrit :

« Aujourd’hui, ma mère est morte. Je ne peux pas la voir, la pleurer, ni la saluer et l’enterrer, car vous m’avez banni de mon foyer et m’avez interdit de revenir dans mon pays. »

En quelques mots glaçants, Kamel Daoud livre l’un des textes les plus poignants et les plus politiques qu’il ait jamais publiés. Adressé nommément à Abdelmadjid Tebboune, à Kamel Sidi Saïd, à Belkaïm et « aux autres », ce message n’est pas seulement une protestation : c’est un acte de mémoire et d’accusation, un testament d’exilé empêché de dire adieu.

On connaissait l’écrivain, chroniqueur, analyste du fait religieux et politique. On le découvre ici dans une vulnérabilité nue. Le corps est loin. La mère est morte. L’exil, soudain, devient irréversible. Non seulement on vous empêche de rentrer, mais on vous interdit de pleurer.

Ce qui est confisqué à Kamel Daoud, ce n’est pas un passeport. C’est un geste, une prière, une main sur un front froid. L’État, dans sa brutalité, ne se contente pas d’exiler les vivants : il les éloigne même des morts.

L’auteur de Meursault, contre-enquête, de Mes indépendances, de tant de textes lucides et critiques sur l’Algérie post-indépendance, paie ici le prix d’une parole libre. Et ce prix est insupportable. L’écriture, chez lui, devient ce qu’elle n’aurait jamais dû être : une substitution au rite, un tombeau en papier, un dernier recours.

Mais c’est aussi, et c’est peut-être là sa plus grande force, une charge symbolique contre un pouvoir qui ne supporte ni les voix divergentes ni les adieux dignes. Car interdire à un homme de pleurer sa mère dans sa langue, sur sa terre, c’est l’humilier au plus profond de son être.

Ce texte dit quelque chose de fondamental sur l’Algérie d’aujourd’hui. Sur ce pouvoir qui exile, réprime, enferme, réduit au silence. Sur cette violence qui, même dans la mort, refuse la paix. Et sur le courage des écrivains, journalistes, artistes, penseurs, qui tiennent malgré tout, hors du pays, la lampe d’une Algérie qui reste à libérer.

« Ce jour-là, je ne l’oublierai jamais. Ce que vous m’avez volé n’est pas seulement un droit, c’est un adieu. Et il ne se pardonne pas. »

Tout est dit.

Mourad Benyahia

La rédaction du Matin d'Algérie présente ses sincères condoléances à Kamel Daoud suite au décès de sa mère. Nous lui assurons de tout notre soutien en cette douloureuse circonstance. Que la terre soit légère à sa défunte mère.

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