Le Parti des travailleurs (PT) a dénoncé, dans un communiqué publié ce jeudi 18 juillet, ce qu’il qualifie de « dérive gravissime » après la condamnation du syndicaliste Lounis Saïdi à deux ans de prison ferme et à une lourde amende de deux millions de dinars.
Ce dernier, secrétaire général de la fédération UGTA des chemins de fer, avait déposé un préavis de grève fin juin pour revendiquer des hausses salariales et s’opposer à l’ingérence de la direction dans les affaires syndicales.
Selon le PT, cette condamnation marque une étape inquiétante dans la « criminalisation » de l’action syndicale en Algérie. Le parti y voit un glissement vers une remise en cause ouverte des libertés syndicales garanties par la Constitution ainsi que par les conventions internationales ratifiées par l’Algérie, notamment celles de l’Organisation internationale du travail (OIT).
Une arrestation hautement symbolique
Le communiqué du PT souligne la « sinistre concomitance » entre l’arrestation de Lounis Saidi, intervenue le 5 juillet, jour de célébration de l’indépendance nationale, et l’héritage syndical d’Aissat Idir, fondateur de l’UGTA tombé au champ d’honneur. Pour le parti, cet épisode judiciaire constitue un tournant « sans précédent » dans la répression des droits syndicaux.
L’affaire s’inscrit dans un climat de crispation autour du droit de grève et de l’indépendance syndicale. Le PT établit un lien direct entre cette condamnation et les modifications législatives récentes encadrant davantage l’exercice de l’activité syndicale, qu’il qualifie de « dangereuses ». Ces textes, adoptés au nom de la modernisation du droit du travail, auraient en réalité pour effet, selon le parti, d’affaiblir les syndicats et de renforcer le pouvoir des directions d’entreprises, y compris publiques.
Un appel à la mobilisation
Le PT en appelle à une mobilisation large des travailleurs et syndicalistes pour exiger la libération de Lounis Saidi. « Défendre Lounis Saidi, c’est défendre des droits constitutionnels universels », affirme le communiqué, qui replace la lutte syndicale dans le cadre plus large de la défense de la démocratie et de la souveraineté nationale. Le parti rappelle que, par le passé, le mouvement syndical a constitué un rempart contre les menaces pesant sur l’unité du pays, notamment durant l’été 1962 et les années de la décennie noire.
Une interpellation directe au président
Fait rare, le PT interpelle directement le président de la République, l’appelant à intervenir en sa qualité de « protecteur de la Constitution ». Une manière de souligner la gravité de l’affaire et de faire appel à la plus haute autorité de l’État pour infléchir le cours des événements.
À travers ce communiqué, le PT ne se contente pas de dénoncer une décision de justice. Il met en garde contre un processus de caporalisation des syndicats et d’érosion des contre-pouvoirs sociaux, dans un contexte économique et social tendu. Si d’autres formations politiques ou syndicats indépendants venaient à relayer cet appel, l’affaire Lounis Saidi pourrait bien devenir un symbole du débat national sur les libertés syndicales en Algérie.
La rédaction
Le silence assourdissant de l’UGTA
Alors que l’un de ses cadres vient d’être condamné à une lourde peine de prison pour avoir exercé un droit reconnu — celui de déposer un préavis de grève — la centrale syndicale UGTA reste étrangement silencieuse. Aucune déclaration officielle, aucune réaction publique, aucun appel à la solidarité syndicale n’est venu de la part de la direction de l’Union générale des travailleurs algériens. Un mutisme que de nombreux observateurs jugent incompréhensible, voire complice, face à ce qui est qualifié d’« atteinte gravissime au droit de grève et au libre exercice syndical ».
Ce silence soulève une fois de plus la question de l’indépendance réelle de la centrale historique, dont le rôle de contre-pouvoir semble de plus en plus affaibli face aux pressions institutionnelles. Pour certains syndicalistes de base, ce désengagement est perçu comme un signal préoccupant du processus de caporalisation dénoncé par le PT.
La rédaction