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samedi 6 septembre 2025
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En Algérie, la liberté d’expression se purge en cellule

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L’Algérie, ce théâtre grotesque où le mot “république” n’est qu’un costume mal taillé pour une mise en scène cruelle, continue de garder les portes fermées sur les visages trop libres pour sa “scène nationale”. Des Algériennes et des Algériens dignes et trop fiers pour que le régime de la dyarchie des Tebboune-Chanegriha n’en souffre pas.

Il n’y a nulle place pour la liberté en Algérie. Et ils sont nombreux à subir l’innommable arbitraire mis en place depuis avril 2020 par Tebboune et ses affidés. Le casting est connu : Mira Mokhnache, enseignante universitaire et militante, embastillée depuis plusieurs mois pour avoir eu le tort d’interroger un récit officiel sur les incendies, la Kabylie, tamazight… c’est-à-dire d’oser douter des comptes rendus servis comme coulis d’État. Chérif Mellal, ancien président de la JSK, quatre ans derrière les barreaux à Koléa, pour l’exemple, pour le symbole, condamné dans un procès où l’absurdité fait foi, cloué pour avoir tenté de donner une voix à la Kabylie plus grande que la cage du stade. Il est coupable de trop aimer la Kabylie.

Mohamed Tadjadit, poète du Hirak, collectionne les “délits” : mots trop aigus sur Facebook, hashtags trop amers, incantations contre la médiocrité du régime : cinq ans d’enfermement pour contestation, “apologie du terrorisme” — ce mot-valise qui, chez les faux monarques d’Alger, sert à cadenasser les insoumis. La poésie fait peur à ce régime qui vit perché, loin du peuple et de ses préoccupations.

Brahim Laalami, emblème tragique de la protestation, condamné à des peines sans fin, transféré de prison en prison comme un colis encombrant, pour avoir simplement incarné le refus de se taire. Comme Mohad Gasmi, l’une des voix du sud, il subit l’arbitraire.

Ils sont près de 250 prisonniers d'opinion à croupir en prison pour leurs opinions. Des centaines, voire des milliers sont sous interdiction de quitter le territoire national.

Derrière chaque sentence, derrière chaque mandat de dépôt, la farce judiciaire déroule son rituel : des chefs d’accusation cousus main, défilés devant des tribunaux d’apparat supposés laver “l’unité nationale” des taches d’individus récalcitrants. La justice algérienne, bras armé d’un État obsédé par sa propre stabilité, piétine le droit, taille sur mesure des lois antiterroristes où tout soupçon devient crime, tout soupir, délit d’opinion. Le tout avec la bénédiction de juges qui ont renoncé au serment de rendre justice pour des privilèges ou par couardise. C’est selon.

Ce pays, qui se dit république, renverse à chaque procès la devise de la liberté : pensée muselée, parole suspecte, protestation criminalisée. Même la pratique politique relève du criminel. Quant à l’identité amazighe, et son drapeau, elle est la cible d’un déracinement national en règle.

Les juges entérinent, les policiers exécutent, les procureurs rédigent des romans policiers où l’imaginaire kafkaïen n’a rien à envier à la procédure réelle. C’est la République d’Alger, machin froide où l’on enferme pour l’exemple et vend la peur comme contrat social ; la justice y vogue à vue, sur une mer d’arbitraire et d’amnésie.

Que reste-t-il ? Le courage stoïque de Mira, la grève de la faim de Mellal, la poésie jetée comme un pavé par Mohamed Tadjadit, l’oubli orchestré de Laalami derrière les barreaux. À travers chacun d’eux, c’est l’Algérie des consciences qui persiste, cabossée mais vivante, opposant à la brutalité de la cellule la franchise du verbe. Pendant que le pouvoir s’acharne à bétonner la société, il scelle en creux une République… de la peur et du bâillon.

Le pouvoir a entrepris de les invisibiliser, il mise pour cela sur sa machine répressive et l’oubli de ces victimes de l’arbitraire, mais l’enterrement du père du détenu d’opinion Nasser Zefzafi à El Hoceima (Rif) vient rappeler que les peuples n’oublient rien. Que le feu de la dissidence couvera toujours tant que l’arbitraire, le mépris, la corruption sont aux affaires.

Rabah Aït Abache

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