26.9 C
Alger
jeudi 18 septembre 2025
AccueilCulturesMichael Barenboim, une partition de vérité : quand la musique classique s’élève contre...

Michael Barenboim, une partition de vérité : quand la musique classique s’élève contre la guerre

Date :

Dans la même catégorie

Algérie-Maroc : le pouvoir d’écraser les Amazigh, à qui mieux mieux !

On a beau cogiter le problème algéro-marocain dans tous...

L’APS fustige la répression au Maroc : qui croira que «l’herbe est plus verte» en Algérie ?

L’Agence officielle algérienne (APS) s'est encore une fois illustrée...

De l’Algérie du nationalisme de la fixité  !

Il y a toujours un chemin de tribu qui...

Hocine Ziani : « La peinture est comme un miroir de l’âme »

Hocine Ziani est l’un des plus grands peintres algériens...
spot_imgspot_img
- Advertisement -

Quand les bombes tombent, certains choisissent le silence. D’autres, comme Michael Barenboim, font de la musique une réponse, un souffle de vérité. Face à la tragédie en cours à Gaza, plus de 700 musiciens lèvent la voix dans une tribune inédite. Ils affirment que l’art, loin d’être un refuge hors du monde, peut — et doit — être un acte de conscience. Ils disent : assez. Parce que la musique, lorsqu’elle est sincère, ne peut rester sourde à la souffrance.

Un violon qui interroge le monde

Il joue du violon comme on interroge le monde. Chaque note qu’il fait naître semble poser une question : sur le passé, sur la mémoire, sur la responsabilité. Michael Barenboim ne joue pas pour séduire, il joue pour comprendre. Pour faire entendre ce que les mots n’osent dire. Pour que le son devienne pensée, et que la musique devienne conscience.

Fils du légendaire Daniel Barenboim, il n’a pas seulement hérité d’un nom : il a reçu une mission. Une mission exigeante, presque brûlante. Celle de faire de la musique un lieu de vérité, un espace de dialogue, un cri contre l’injustice. Là où d’autres se contentent d’interpréter, lui cherche à révéler. Là où certains fuient le réel, lui l’affronte — avec son archet comme boussole.

Son répertoire est à son image : libre, exigeant, traversé par les tensions de l’histoire. Il passe de Tartini à Sciarrino, de Paganini à Berio, avec une audace rare. Dans son programme Généalogie de la virtuosité, il explore les filiations du violon italien, mettant en résonance les caprices de Paganini avec les éclats contemporains de Sciarrino. Il ne juxtapose pas les époques : il les fait dialoguer. Il ne joue pas le passé : il le questionne à la lumière du présent.
Michael Barenboim est aussi un pédagogue, un penseur, un passeur.

À l’Académie Barenboim-Saïd, il enseigne avec la même rigueur que son père, mais avec une voix propre, plus intérieure, plus inquiète peut-être. Il parle de Schönberg, de Boulez, de la nécessité de jouer la musique contemporaine pour que l’art reste vivant. Il refuse que le classique soit un musée : il veut qu’il soit un champ de bataille — pour les idées, pour les mémoires, pour les peuples.

Une généalogie de la virtuosité

Et quand la guerre éclate à Gaza, il ne se tait pas. Il prend position. Il crée un collectif. Il organise des concerts. Il récolte des fonds. Parce qu’il sait que la musique, si elle ne sert pas la vie, ne sert à rien.


Michael Barenboim ne joue pas seulement du violon : il joue une partition de vérité. Et dans chaque vibration de corde, il nous rappelle que l’artiste, lorsqu’il est sincère, ne peut se contenter d’interpréter le passé — il doit aussi répondre au présent.

À 34 ans, Michael Barenboim s’est imposé comme l’une des figures les plus singulières et les plus audacieuses de la scène classique contemporaine. Il ne cherche ni la facilité ni la reconnaissance immédiate : il creuse, il relie, il interroge. Son approche du violon est celle d’un penseur autant que d’un interprète. Il ne joue pas pour plaire — il joue pour penser. Pour faire entendre, dans chaque note, une mémoire, une tension, une vérité.

Son répertoire est à son image : transhistorique et exigeant. Il traverse les siècles avec une liberté rare, allant de Giuseppe Tartini, figure du XVIIIe siècle, à Salvatore Sciarrino, compositeur contemporain italien, en passant par les fulgurances de Paganini et les expérimentations de Luciano Berio. Ce n’est pas une simple juxtaposition d’époques : c’est une généalogie vivante, une cartographie de la virtuosité violonistique à travers les âges.

Son programme intitulé Généalogie de la virtuosité en est l’illustration la plus manifeste. Pensé comme une traversée du violon italien, il met en résonance les célèbres Caprices de Paganini avec les Sei Capricci de Sciarrino, révélant une continuité secrète entre les défis techniques du XIXe siècle et les recherches sonores du XXe. À travers cette mise en miroir, Michael Barenboim montre que la virtuosité n’est pas un simple exercice de style : c’est une langue, une pensée, une forme de résistance.

Il y ajoute les Sequenza VIII de Berio, œuvre emblématique de la modernité, et la sonate Le Trille du Diable de Tartini, dont la légende raconte qu’elle fut inspirée par une vision nocturne du diable jouant au pied du lit du compositeur. Ce contraste entre le mysticisme baroque et l’abstraction contemporaine devient, sous l’archet de Michael Barenboim, un dialogue profond sur la condition humaine, sur la tension entre ordre et chaos, entre beauté et vertige.

Ce programme, présenté notamment à la Philharmonie de Paris et dans plusieurs capitales européennes, n’est pas un récital : c’est une méditation musicale, une archéologie du son, une manière de dire que la musique, lorsqu’elle est pensée, peut devenir un outil de connaissance.

Michael Barenboim ne cherche pas à séduire : il cherche à réveiller. Et dans cette quête, il fait du violon un instrument de vérité.

Quand l’artiste refuse le silence

Mais son art ne s’arrête pas à la scène. Michael Barenboim ne joue pas seulement pour interpréter des œuvres : il joue pour intervenir dans le réel. Dès les premières offensives sur Gaza, il a pris la parole publiquement, condamnant sans détour la guerre menée par Israël. Il a affirmé, avec une clarté rare dans le monde feutré de la musique classique, que le silence des artistes face à la tragédie palestinienne était moralement intenable.

Ce geste, dans un milieu souvent frileux face aux enjeux politiques, a fait l’effet d’une dissonance volontaire — une note qui dérange, mais qui éclaire. Michael Barenboim n’a pas cherché à arrondir les angles : il a choisi de nommer, de dénoncer, d’agir. Et ce choix, il l’inscrit dans une filiation assumée. Car son père, Daniel Barenboim, avait lui-même dénoncé le siège de Gaza comme une « punition collective », tout en condamnant l’attaque du Hamas du 7 octobre. Cette double exigence — refuser la violence d’où qu’elle vienne, mais ne pas se taire face à l’oppression — est au cœur de leur engagement commun.

Make Freedom Ring : concerts pour Gaza

Michael Barenboim a prolongé cette ligne en fondant, avec d’autres musiciens, le collectif Make Freedom Ring, dont le nom est inspiré d’une citation du chanteur et militant afro-américain Paul Robeson.

Ce projet vise à organiser des concerts classiques pour élever les voix palestiniennes et attirer l’attention sur la crise humanitaire à Gaza. Ces événements, déjà tenus à Londres et Berlin, et bientôt à Munich, ne sont pas de simples performances : ce sont des actes de résistance artistique, des espaces de mémoire, de solidarité, de dignité.

Mais cette prise de position a un prix. Michael Barenboim a été la cible de critiques virulentes, accusé de trahison, d’antisémitisme, et même de « haine de soi juive ». Il assume pourtant cette position avec une rare dignité, déclarant : « Nous sommes de nombreux juifs à nous engager pour les droits des Palestiniens ». Il refuse que l’État d’Israël soit présenté comme l’unique voix de la judéité, et affirme que la musique, comme l’identité, ne peut être confisquée par un pouvoir politique.

Son engagement a même provoqué des tensions au sein du West-Eastern Divan Orchestra, fondé par son père pour réunir musiciens israéliens et arabes, ainsi qu’à l’Académie Barenboim-Saïd, où il enseigne. Lors du concert anniversaire de l’orchestre à Berlin, l’ambiance était tendue. Mais pour Michael, cette tension est le signe que l’art est encore vivant — qu’il peut encore bousculer, réveiller, transformer.

Une tribune de plus de 700 musiciens, un cri pour la paix

Michael Barenboim ne joue pas seulement du violon : il joue une partition de vérité. Il rappelle que l’artiste, lorsqu’il est sincère, ne peut se contenter d’interpréter le passé — il doit aussi répondre au présent. Et cette réponse, aujourd’hui, prend une ampleur collective.

Plus de 700 musiciens ont signé une tribune publiée par Mediapart, appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza et à une clarification des positions du monde classique face à ce qu’ils qualifient de génocide en cours. Parmi les signataires : Adam Laloum, pianiste Bruno Philippe, violoncelliste Romain Leleu, trompettiste Vincent Le Texier, baryton-basse Lucile Richardot, mezzo-soprano Julie Roset, soprano Reinoud Van Mechelen, ténor Jean Rondeau, Bertrand Cuiller, Violaine Cochard, clavecinistes Lucile Boulanger, François Joubert-Caillet, Salomé Gasselin, violistes Jordi Savall, chef d’orchestre et gambiste…

Ces musiciens ne se contentent pas de jouer : ils prennent position. Ils affirment que la musique n’est pas un refuge hors du monde, mais une manière de l’habiter autrement.

Que les musiciens ne sont pas seulement des interprètes de beauté, mais aussi des témoins de vérité. Et que l’art, lorsqu’il est sincère, ne peut rester neutre face à la violence.

La musique souffle libre

La mobilisation résonne à travers les grandes capitales musicales du monde :
À Paris, cœur battant de la musique classique, plusieurs signataires comme Adam Laloum, Jean Rondeau, Lucile Richardot ou Vincent Le Texier ont affirmé que l’art ne peut rester neutre face à la souffrance.

À Berlin, Michael Barenboim incarne une parole forte, héritée d’un père engagé, et portée par une conscience aiguë du rôle de l’artiste dans la cité.
À Barcelone, Jordi Savall rappelle que la musique ancienne n’est pas un refuge nostalgique, mais une mémoire vivante.


À Londres, des voix comme celles de Julie Roset ou Reinoud Van Mechelen s’élèvent dans les cercles lyriques pour dénoncer l’inaction.
À Vienne et Salzbourg, des artistes présents dans les festivals ont exprimé leur soutien, provoquant des débats au sein des institutions musicales autrichiennes.

Mais ce mouvement met aussi en lumière les absences. Des figures que l’on admire, des artistes dont l’œuvre semble traversée par la mémoire, l’exil, la douleur — et qui pourtant ne prennent pas position. On voudrait les entendre. Non pas pour les juger, mais parce que leur parole serait une lumière. Parce qu’elles ont su, dans leurs œuvres, dire l’indicible, évoquer les blessures de l’histoire, les errances de l’âme, les silences de la perte.

Une note fragile, mais nécessaire

Je dis, avec mes mots, ce que je ne peux taire : il faut que les tueries cessent. Il faut que les artistes parlent. Il faut que la beauté serve la vie. Que la musique ne soit pas seulement un refuge, mais une réponse. Une main tendue. Une voix qui console, qui éclaire, qui résiste.

Je pense à Gaza. À ceux qui n’ont plus de maison, plus de voix, plus de musique. À ceux dont les jours sont faits de peur, de deuil, de silence. Et je me dis que chaque silence que nous brisons est une note de plus dans la partition de la paix. Une note fragile, mais nécessaire. Une note qui dit : nous n’oublions pas.

À tous les musiciens qui ont signé cette tribune : merci. Vous avez rappelé que l’art peut encore être courage. Que la musique peut être un cri, une prière, une promesse. Et à ceux qui hésitent, qui doutent, qui se taisent : sachez que votre voix manque. Et qu’elle serait précieuse. Non pour faire du bruit, mais pour faire sens.
Car aujourd’hui, plus que jamais, il faut que la musique dise : assez.

Brahim Saci

Dans la même catégorie

Algérie-Maroc : le pouvoir d’écraser les Amazigh, à qui mieux mieux !

On a beau cogiter le problème algéro-marocain dans tous...

L’APS fustige la répression au Maroc : qui croira que «l’herbe est plus verte» en Algérie ?

L’Agence officielle algérienne (APS) s'est encore une fois illustrée...

De l’Algérie du nationalisme de la fixité  !

Il y a toujours un chemin de tribu qui...

Hocine Ziani : « La peinture est comme un miroir de l’âme »

Hocine Ziani est l’un des plus grands peintres algériens...

Dernières actualités

spot_img

LAISSEZ UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici