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De l’Algérie du nationalisme de la fixité  !

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Il y a toujours un chemin de tribu qui relie plusieurs villages, conduisant a une route carrossable et par conséquent aux villes. Nous empruntons cette phrase-phare à Mouloud Feraoun dans Le Fils du pauvre. Un écrit qui n’a pas été assez mis en contexte pour que nous traitions ici une toute autre idée ayant trait à la question de l’immobilité historique aux défroques de notre Histoire.

Un trace, à l’origine tribal, permettant de raccorder des villages à une voie carrossable aux villes européennes, est peut-être cette problématique que soulève notre temporalité historique qui ne cesse d’être figée à l’adoration des ombres.

L’exemple de l’effigie de l’émir Abdelkader sur son cheval ou sa jumon arborant d’un bras son épée arquée au milieu de la rue Larbi Ben-M’hidi comme s’il allait faire un grand saut ou une descente rapide aux abords du port d’Alger. C’est certainement l’exemple type de cette ombre de l’histoire qui n’avait nullement sa place dans une cité qu’il n’a jamais visité et qu’il a totalement ignorée.

Taillé au bronze et superposé sur de la pierre et du granit, le temps de cet «assaut» et de cette bravoure semble bien figé dans le seul ancrage du paysage qui lui est offert à la circulation piétonne et routière entourant cette statue, éternellement condamnée à ne réguler qu’une circulation urbaine.

À 489 km à l’ouest du Milk-bar d’Alger s’élève cet autre monument, datant de novembre 1949, à l’honneur du même émir suite à la prise de sa zmala à Sidi-Kadda (ex-Cacherou) à Mascara. Sauf que dans cette campagne, on se contenta de tracer l’ombre de son visage et une de ses phrases prononcée dans un contexte de tolérance religieuse. Entre sa cavalcade algéroise et la fixité du fin de parcours après 14 années  de combats militaires, les temporalités s’entremêlent entre les haillons de l’histoire et le bref instant des hommes et le long cycle de la nature.

Les centaines de kilomètres séparant les deux temporalités se confrontent au sein d’une juxtaposition du temps événementiel des démêlées humains et celui de l’immobilité géologique tant que ces deux stèles semblent surgir un jet magmatique du centre de la terre. 

N’est-ce pas qu’à travers ce tracé cartographique, le nationalisme caillé ne fait que rejoindre volontairement la figuration généalogique du colonisateur ? La réponse n’est pas aussi simple. Entre un nationalisme des ablations qui récite sa propre ascendance face au discours de l’impérialisme colonial qui tente de retrouver son territoire, il y a cette tentative de faire revenir les peuplades des colonisés dans les profondeurs d’une figuration qui ne fait que traduire une régression vers l’originel.

La France du monument de Cacherou et l’Emir cavalier de la place algéroise, ne forment que cette réplique, essoufflée et dilué dans la seule tribu des El-Hassani.

La fixation figurative est une marque déposée du nationalisme algérien, en total dérèglement avec la montre historique. Dans le réservoir des démêlées de l’histoire algérienne, apparaît le frère de l’émir de la rue Larbi Ben Mhidi, l’émir Ali Pacha Al-Djazaïri, général de l’armée de la Sublime Porte ottomane en Libye en 1911, vice-président du parlement ottoman (1914) et enfin, député représentant la Syrie en 1915. Pire encore, le Ali Pacha du harem ottoman est en 1919 à Vienne en compagnie de son chef du même parlement, Hali Pacha, afin d’assister au découpage cartographique du reste d’un empire féodal-esclavagiste où on a terni à jamais la bannière du khelifat de l’islam. 

Dans ce bouleversement de la montre où la chronologie nationaliste est chose problématique, le même émir Ali Pacha sollicita, en janvier 1913, le gouverneur de la colonie Algérie, M. Lutaud, pour qu’il se recueille sur la tombe de ses ancêtres à Sidi-Kadda (Mascara) en compagnie du jeune capitaine Khaled. Joignant l’utile à l’agréable, les deux El-Hassani assistent en France à une manœuvre militaire qui s’est soldée par une commande de canons français pour l’armée ottomane.

Le recueillement du marchand de canons Ali Pacha Al-Djazaïri est un des jalons du récit historique que le nationalisme indépendantiste est obligé de gommer au bénéfice d’un récit de cohésion de la tribu nationale. Le brusque souvenir du lieu d’une mémoire familiale, fait que le geste de l’émir Ali Pacha et de son neveu Khaled est une réelle adhésion à cette imagerie funéraire que la colonisation a coagulé et morcelé.

Le souvenir domestique de l’émir Ali Pacha ne fait que spatialiser un moment révolu. Les mêmes canons qui dévastèrent la zmala communautaire du frère de sang, seront ceux  qui anéantiront les révoltes des «frères coreligionnaires» à Damas et au Hidjaz en 1916.

En cette année, le gouverneur militaire ottoman de Médine, Omar Fakhreddine Pacha, qui réprima dans le sang les 2000 habitants de la ville et déplaça des centaines de familles, dont celle du Prophète de l’islam, à travers les contrées avoisinantes en utilisant la nouvelle voie ferrée Damas-Hidjaz. L’empire des zaouïas et harems, totalement fragmenté et pour lequel roulait Ali Pacha, n’est plus cette valeur philosophique. Il est une épaisseur géologique limitée à une aride et infâme Anatolie.

Il n’y a qu’en Algérie que l’actuel nationalisme religieux, segmenté en diverses coupoles, trouve son aiguille aimantée dans l’idéologie panislamique. L’arabisme raciale du chef féodal druze, Chakib Arslan, survivra le temps d’être englouti par les effets de la débâcle de juin 1967. C’est bien ce fossoyeur druze qui, au nom du puritanisme arabe, retapissera la voie à l’archaïsme islamiste qui se découvre dans l’optique opportuniste de la «grandeur de la nation turco-tatare» longeant une étendue géographique allant de l’Adriatique au Sin-Kiang chinois. C’est alors qu’intervient l’engouement islamo-nationaliste rétrograde pour la cité d’Istanbul, occultant quelques sédiments historiques dont le strate algérien est partie prenante.

C’est du temps de Ali Pacha El-Hassani que La Mecque et Médine ont été totalement spoliés et dévastés, jusqu’à emporter les effets personnels du Prophète de l’islam, pour ce retrouver aux abords du Bosphore. D’abord au Topkapi Palace puis, à partir de 1983, au sein du Musée des arts islamiques et turcs place Sultan Ahmet que l’on peut visiter pour une modique somme de 35 euros ! La traditionnelle culture du dépouillement des nations colonisées au nom de l’islam par la nation turque avait bien débuté au temps du khélifa Suleyman Kanuni, qui reçut de son architecte Sinan, quatre morceaux qui se seraient détachées de la Pierre noire de la Kaâba, afin qui les placent au début du XVIe siècle, dans la mosquée de Sokullu Mehmet Pacha (Istanbul).

Profitant de la dérive de l’islam Wahhabite du XVIIe siècle, et l’ignorance massive des peuples de la Presqu’île arabique, les oligarchies du mouvement Jeune-Turquie et le Parti national réactionnaire se sont adonnées au bouleversement du temps politique à travers sa seule profondeur géologique. Une météorite qui aurait atterri d’un lointain paradis et les effets personnel du dernier Prophète de l’humanité, méritent d’être protégés dans la cité du nouvel Empire des croyants ! Les Anciens et les «Nouveaux» Ottomans, en territorialisant la généalogie mystique des objets, spatialisant la mémoire des sujets par la fascination religieuse de la durée qui se minéralise en attirance rituelle.

Peut-on désamorcer la durée historique en une régression préhistorique dans le culte des objets et des sépultures des «absents» ? Le nationalisme algérien, hanté par les âges antérieurs et obscurs, fait remonter l’actuel dans le seul cours des profondeurs géologiques. L’année dernière, on fomente un discours du souterrain géologique autour des dernières fouilles paléo-archéologiques des sites de Tighennif (Mascara) et ceux de Aïn-Lehnéche-Aïn-Boucherit (Sétif). la régression préhistorique se transforme en discours nationaliste sur cette terre algérienne, source première de la résurgence de l’humanité entière. Une phraséologie «paléonationaliste» à laquelle on joint le projet de réhabiliter la zmala de l’émir Abdelkader, dans le but d’exorciser le monument colonial de 1949.

Cette manière de fossiliser les éléments de la culture historique dans le seul cycle de la nature, ne pousse-t-il pas vers l’indistinction zoologique? Pour ne rester que dans les limites de l’égard, on superpose les temps historiques à la régression préhistorique et voilà que l’idéologie nationaliste de la fixation travaille à déconstruire le mouvement de l’Histoire.

À 186 km du projet de la «nouvelle zmala» agropastorale, le rond-point de Lalla-Maghnia (Aïn-Témouchent) a vu, en 2018, l’érection d’un monument à l’honneur du raïs Baba-Arroudj qui «tomba au chant d’honneur en 1518» à Chaâbet-El-Lhem face aux Espagnols. De son véritable nom, Oruç Reïs, est le frère de Hizir Reïs, (Kheireddine Barberousse) et grand amiral de la flotte ottomane en 1534. Arroudj est un martyr sans sépulture selon la philologie nationaliste. Une autre frustration nationaliste et rétrograde devant des faits historiques, ordonna à représenter sur une place publique de Jijel – et toujours dans un rond-point – un semblant de navire faussement attribué à Barberousse, alors qu’il n’est en fait qu’une imitation d’une horrible felouque de pêche. À plus de 4000 km de là, au Musée naval d’Istanbul, le navire amiral de Kheireddine et son buste sont bien exposés au public du monde entier et c’est sur la place publique qui porte le nom de émir el-bahr ottoman. La grandeur nature de son navire équivaudra à un bâtiment de cinq étages. La tombe qui a été consacrée à ce fatih de la Tunisie et de l’Algérie, présente son sarcophage entre sa femme Bâlâ Hatun (à sa droite) et ses deux fils (à sa gauche).

Le nationalisme algérien est bien errant et son discours sur l’histoire humaine chemine bien vers l’enfermement. Un nationalisme de l’écriture de la pierre qui transpose les strates historiques en archives géologiques.

Mohamed-Karim Assouane, universitaire.

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3 Commentaires

  1. J’ai lu, et relu une deuxième fois, cet article et j’avoue avoir de la difficulté à comprendre où en veut venir son auteur. Celui-ci utilise un langage hermétique mélant des termes « savants », des métaphores compliquées, des paragraphes-phrases qui, au final, rendent la lecture de cet écrit plutôt… laborieuse. Le sujet est pourtant, selon moi, très intéressant : c’est la rapport de l’homme à son histoire, comment il la sublime, comment il la « triture » pour lui faire dire, ou justifier, ce qu’il veut. À la décharge des algériens, disons que ce ne sont les seuls à s’adonner à ce sport. Puisque nous écrivons en français, je citerai deux (2) exemples français pour illustrer cela. Le 1er, celui qui revient souvent parmi les historiens, philosophes et autres spécialistes des sciences sociales, est sans doute celui de Jules Michelet, historien français du 19e siècle. Celui-ci se serait « enfermé » durant la rédaction de son « Histoire de France » pour écrire en toute objectivité et sans être influencé par l’idéologie de l’époque. Pourtant certains l’accusent d’avoir écrit un histoire « la plus jacobine qui soit », c’est-à-dire bien marquée par les idées de son époque, donc loin d’être objective comme il l’avait voulu. Le 2e exemple est celui d’un autre historien français aussi, mais d’aujourd’hui, Jean-Michel Apathie. C’est lui qui a dénoncé les enfumades et autres horreurs commises sur les algériens durant la « conquête » de l’Algérie, les qualifiant de précurseures de ce que les nazis ont fait en France, à Ouradour-sur-Mer. Ces déclarations lui ont valu d’être mis-à-pied sine die de la chaine de télévision dans laquelle il était chroniqueur. S’en suivit un tollé médiatico-politique contre JM Apathie voulant le faire taire et même le discréditer (le « tuer ») intellectruellement parlant. Pourquoi ? Parce qu’on ne veut pas de cette histoire. On veut une histoire qui raconte un autre narratif, ou tout au moins qui gomme certains évènements qui portent préjudice au récit national qu’on veut « glorieux », clinquant et brillant comme le soleil en été. On souligne les « bons coups », comme, par ex. « Les bienfaits de la colonisation », mais on passe sous silence, on ignore les tortures, génocides et autres faits beaucoup moins glorieux, en espérant que la mémoire universelle finisse par les oublier… En fait, c’est cela l’histoire. C’est l’hisoire des vainqueurs, des leaders, de ceux qui ont réussi. C’est rarement une histoire sociale, une histoire du peuple en général. Cette histoire, il faut aller la chercher dans la littérature (romans et autres écrits à valeur documentaire) ou chez certains historiens, peu nombreux hélas, qui rapportent d’abord les faits, objets d’analyse, avant d’en fournir leur interprétation…

    Revenons maintenant à la forme de cet article. Je dirais à son auteur, ou plutôt je lui citerais la fameuse tirade de Nicolas Boileau, écrivain et critique qui disait ceci :

     » Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. »

    Par cela, Boileau soulignait l’importance de la clarté de la pensée. Et si une idée était bien comprise, elle peut être dite, exprimée avec justesse et facilement avec des mots simples. Il n’est donc nul besoin de mots savants souvent très compliqués, ni de tournure alambiquées qui rendent la compréhension du texte quasi impossible à moins d’être un spécialiste du domaine. Et je ne parle pas des fautes d’orthographe et de syntaxe qui ajoutent leurs grains de sel à la lourdeur de ce texte. À contrario, nous dit Boileau, un texte difficile à comprendre pour toutes les raisons citées plus haut, indique que son auteur ne maîtrise, probablement pas, ni son sujet ni la langue dans laquelle il écrit. Je crois que c’est le cas ici, malgré l’annotation « universitaire » accolée au nom de l’auteur. D’ailleurs, soit dit en passant, c’est bien pour cette raison que j’ai lu cet article dans le but de me confronter à une autre vision du rapport du nationalisme avec l’histoire. C’est aussi pour cela que je me suis donné la peine d’écrire ce commentaire. En toute amitié d’un autre universitaire qui considère que c’est la discussion (critique) qui fait avancer la science.

    Si réponse il y a, merci de la publier dans ce journal pour que cela reste au niveau de la critique et de la contre-critique saines. Et aussi pour que cela soit accessible à toute personne qui a lu cet article. Merci.

    Tahar Djerroud.

  2. # il n’y a qu’en Algérie que l’actuel nationalisme religieux, segmenté en diverses coupoles, trouve son aiguille aimantée dans l’idéologie panislamique #

    Avec le pouvoir actuel en Algérie, c’est la religion qui prédomine ! Ce n’est pas immuable, Afin de définir la Turquie en tant que république laïque et ouverte sur la modernité, Mustafa Kemal Atatürk décida de mettre en valeur l’héritage des Hittites de l’Antiquité plutôt que celle de l’Empire ottoman islamique. Avec Erdogan, c’est l’Empire ottoman qui redevient à la mode.
    L’Iran gouvernée par la dynastie Pahlavi, moderniste et laïque, fit référence au passé pré-chiite aryen du pays ; une fois la Révolution islamique iranienne de 1979 finie, le nouveau régime mit en valeur les traditions chiites du pays.
    En ce moment, on constate que l’islam est en vogue et que les toutes les dictatures arabomusulmanes l’utilisent dans leurs romans nationaux comme moyen de valoriser le groupe et de l’aliéner ! Ce que l’on constate que les minorités d’obédience islamique ainsi que les chrétiens d’Orient sont exclues ! Des attentats les touches et les incitent à émigrer !
    Étant donné que les civilisations et religions sont mortelles ! L’islam n’est pas éternel et connaîtra une chute comme le christianisme et d’autres religions qui ont disparus !

    D’autre part, Jean Michel apathie n’est pas historien ! C’est un journaliste qui a un dut de journalisme !

    • Bonjour Lo Ji, merci pour votre commentaire. Je commencerai par le plus simple : mea culpa. Effectivement JM Apathie n’est pas un historien ; c’est un journaliste. C’est certainement ses déclarations sur l’histoire de l’Algérie, avec le tolle médiatico-historique qui s’en est suivi qui m’a malencontreusement conduit à le qualifier d’historien. C’est une erreur, un abus de langage, je m’en excuse.

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