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jeudi 18 septembre 2025
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L’avion sans papiers et le citoyen sans droit !

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En Algérie, il ne se passe pas une journée sans que la réalité ne se confonde avec la fable. Nous vivons dans une jungle où le sérieux flirte avec le grotesque, où la bureaucratie se déguise en tragédie, et où le citoyen joue malgré lui un rôle dans une pièce dont il n’a jamais vu le script.

Prenons cet avion du sud, censé relier Alger à Ouargla. Un vol programmé, billets payés, passagers en règle. Tout semble normal, jusqu’à l’instant fatidique : la machine n’a pas ses papiers. Pas de certificats, pas de documents de vol. L’avion est là, imposant sur le tarmac, mais il est nu, sans identité. Un fantôme mécanique, cloué au sol.

Dans d’autres pays, ce serait un scandale national. Ici, c’est juste une journée ordinaire. On dirait presque un rituel : on fait croire au départ, on ouvre la passerelle, on aligne les passagers, puis on claque la porte. Rideau. Le citoyen, client naïf, découvre qu’il n’est pas voyageur mais spectateur, coincé dans un théâtre où les acteurs improvisent mal.

Et c’est là que la farce devient mythe. Car dans notre folklore administratif, l’avion peut exister sans papiers, comme un djinn du désert, visible mais intouchable. Quant au pilote, mystère. Était-ce un stagiaire de passage ? Un cousin recommandé par le ministère ? Un chauffeur de bus recyclé pour l’occasion ? Ou pourquoi pas un illuminé qu’on a mis là « pour voir » ? Dans notre imaginaire, peu importe. Ici, on cherche le pilote moins dans le cockpit que dans les couloirs ministériels.

Mais le vrai drame surgit lorsqu’un député ose filmer la scène avec son téléphone. Scandale ! Non pas à cause de la compagnie aérienne qui balade ses passagers comme du bétail. Non, le crime, c’est d’avoir appuyé sur « enregistrer ». La police surgit, lève le ton, joue du doigt accusateur. Le smartphone, nouvelle arme de destruction massive, devient soudain plus dangereux qu’un missile.

Tout est dit : l’État craint plus une vidéo virale qu’un crash aérien. Filmer un avion sans papiers, c’est exposer une vérité que personne ne veut voir. Filmer des passagers humiliés, c’est briser le tabou qui protège l’incompétence.

Et quand celui qui filme n’est pas un simple citoyen mais un député, représentant du peuple, la scène bascule dans l’absurde absolu. Car enfin, si un élu, mandaté pour contrôler l’action publique, se fait interdire de filmer par un policier, c’est plus qu’un excès de zèle : c’est l’effacement symbolique du peuple lui-même. Le policier n’obéit pas à la loi, il obéit à une peur diffuse : celle de « l’étranger », de « l’espionnage », de la main invisible qui verrait ce que nous préférons cacher.

Ironie suprême : on filme librement dans les aéroports du monde entier – de Paris à Istanbul, de New York à Dubaï – mais pas dans ceux de l’Algérie. Ici, une caméra ne montre pas : elle menace. Ici, l’image n’éclaire pas : elle trahit.

La loi, pourtant, est claire. Le citoyen a le droit de filmer dans l’espace public, sauf dans les zones militaires ou les procédures sécuritaires sensibles. Mais allez expliquer cela à des agents formés à l’école du « tais-toi et avance ». Chez nous, la loi est un buffet : chacun y pioche ce qui l’arrange. Résultat : l’avion sans papiers devient tolérable, mais le citoyen qui filme devient suspect.

Dans ce théâtre de l’absurde, la confusion entre mythe et réalité atteint son paroxysme. L’avion fantôme existe bel et bien, mais ne décolle jamais. Le député, en filmant, ne fait qu’exercer son droit de regard, mais on le traite comme un espion. La police, censée protéger l’ordre, défend l’absurde. Et le passager, celui qui a payé son billet, finit par se demander s’il n’a pas rêvé le voyage.

On rit, faute de mieux. On rit de ces avions clandestins qui rappellent Icare attaché au sol, de ces pilotes invisibles qui n’existent que dans les couloirs ministériels, de ces policiers qui confondent un smartphone avec une kalachnikov. On rit pour ne pas pleurer.

Car au fond, tout cela n’est qu’un épisode parmi tant d’autres. Entre le mythe et la réalité, entre l’avion sans papiers et le citoyen sans voix, il ne reste qu’une certitude : demain apportera une nouvelle scène, un nouvel épisode de cette série nationale où l’ironie et le désespoir tiennent lieu de scénario.

Et dans ce pays où la satire est quotidienne, on n’attend plus le prochain vol. On attend le prochain gag.

Zaim Gharnati

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