Lettre de Médéa. A 80 kilomètres au sud d’Alger, la ville millénaire de Médéa, autrefois havre de paix et de villégiature, un carrefour civilisationnel amazigho-arabo-andalou-ottoman, de raffinement et de rayonnement culturel et cultuel avec ses auteurs-poètes et ses imams,l ’historique capitale du Titteri et de la Wilaya 4, ne semble pas trop s’en faire aux changements de walis, des directeurs d’exécutif, de ses sénateurs et « dépités », ses élus des assemblées populaire.
Elle continuera, comme à l’accoutumé, à attendre sans rien attendre, tels les bateaux nauvragés dans le triangle des bermudes, en bon grégaire,les aînés et les jeunes de la cité continueront à plonger leurs crève-coeur,leurs désespoirs et leurs ambitions ratées dans cette géométrie quotidienne que leur impose l’ignorance et l’absence des autorités, censés leur assurer le bien-être social, pourtant garanti par la constitution.
La population se défonce comme elle peut pour s’assurer un semblant de vie heureuse. Balançant leurs personnes d’un angle à l’autre du triangle tracé par les vicissitudes de leurs quotidiens : entre le bain-maure El hammam, la mosquée et le café, leurs faisant office de défouloir pour les uns, et pour d’ autres, noyant leurs peines et leurs misères dans toutes sortes de psychotropes et autres dépravations. Au centre de cette figure géométrique, un vide sidéral interpellant biens de consciences, ou du moins ce qu’il en reste.
Ici point de parc public, point de jardins, point de cinémas, point d’hôtels, point de cafés maures chics, point de banc public pour nos aînés, point de poubelles, point d’activités ludiques, exacerbées davantage par la fermeture de l’OPOW omnisports pour sa rénovation qui s’installe dans la durée excluant de facto, bon nombre de jeunes sportifs à la rue.
Dès lors, que deviennent ces âmes angéliques dans ce tourbillon de démi-mesures les poussant à l’oisiveté, mère de tous les vices ?
En un mot, point de vie tout court, un vague à l’âme envahissant en maître de céans. Mue en un grand village depuis l’exode rurale de la décennie noire, l’absence et la démission quasi-totale des notables et des mal élus des affaires de la cité, larguée à vau l’eau, voilà,des années, aux vandales administrateurs saccageant tout ce qui est historique sur leurs passages, les mosquées défigurés de leurs beauté n’ont plus leurs charmes historiques d’antan, leurs nouvelles façades donnent à l’étranger de passage que la religion musulmane est récente à Médéa, même la gare ferroviaire a été démolie pour les besoins d’un hôpital Mère et enfants, qui peine à venir, sous d’autres cieux, cette structure aurait pu être sauvé, réaffectée et protégée vu son caractère historique, et finalement intégré dans le plan architectural initial.

En bons gestionnaires de la mal vie et de la mélancolie, la direction de l’environnement semble faire sienne le slogan d’antan : « Pile Wonder, ne s’use que si l’on s’en sert… », engoncée jusqu’aux cou par la saleté, les ordures méphitiques et autres relents nauséabonds, la ville de Médéa, ses habitants, en bons élégiaques, assistent impuissants, leurs ville, au passé mille fois mieux que son présent, offre un spectacle de désolation, périclitant et se dégradant à vue d’œil, ses places publics accaparées impunément, n’offrant aucun banc pour les retraités, généralement utilisateurs des lieux, le jardin de la place du 1er-Novembre s’est mué en un dépotoir d’ordures des figues de barbarie et un réceptacle de saletés, laissés par les vendeurs à la sauvette. Ses fleurs et ses plantes ne sentent plus la rose.
Aucun projet de développement environnemental. La place des martyrs, abritant le musée des Arts populaire, n’est pas du reste, devenue par la nonchalance et le laisser-aller des autorités locales, un marché aux puces, un salmigondis hétéroclite, autorisé le week-end, devenu quotidien, et sitôt terminé, un lieu d’immondices, de déchets, et de détritus sur toute la place, encombrant davantage la grande poubelle en plastique faisant face à l’entrée du Musée, livrant au final un spectacle hideux et honteux pour les visiteurs locaux et étrangers. A quand son déplacement et le remplacement de ces poubelles vétustes de plastique en des réceptacles en fer et acier (Dans tous les pays du monde, c’est le cas), plus durable, plus lourde et difficile d’être charriée par les pluies diluviennes s’abattant sur la cité.
Le pusillanime flagrant et la prévarication des responsables ont encouragé la main basse sur cette place emblématique et symbolique, qu’est la place des martyrs de la révolution.
La forêt récréative de Ben-chicao, quant à elle offre une image pitoyable de ce qu’elle était, close depuis plus d’une décennie,par un wali, promu ministre, dont le seul fait d’armes notable de son passage à Médéa, a été l’agrandissement de la piscine de sa résidence, elle continue de se dégrader sans que cela n’émeuve ces messieurs de l’environnement.
A quelques encablures de leur siège, au pôle urbain, une vue pittoresque sur les montagnes de Chréa et de l’autoroute est inexploitée, il suffirait d’organiser les lieux, placer des bancs public et offrir aux citoyens un lieu d’évasion, tout comme le versant Nord des bâtiments de Teniet El hadjar, et en faire un jardin suspendu avec la même vue. Y-a-t ’on pensé ? J’en doute, empiriques gestionnaires qu’ils sont…Point de vision !
Bien silencieuse, depuis l’arnaque de la privatisation de la société étatique EPRC aux 11 hectares de Draa Esmar, spécialisée dans les tuiles et briques,soldé à 42 milliards en 2006, à un privé, avec un cahier de charge contraignant, à savoir le paiement de 10% (Actions des travailleurs) qui a été payé, le maintien de l’activité et un investissement à hauteur de 20% de son prix d’achat, ne voilà-t-il pas que machineries et équipements se sont volatilisés et transférés à Biskra, sa wilaya d’origine, entraînant la fermeture de l’usine, et le renvoi de pléthores de chefs de famille au chômage, et cerise sur le gâteau 90% du prix de vente de l’usine n’a toujours pas été, semble-t-il, payé à ce jour. La direction de l’industrie de Médéa est-elle consciente des fermetures inexpliquées depuis longtemps de l’Enaditex, de la Sonelec et de l’ENIE à la même période, aggravant davantage le taux de chômage des jeunes de la wilaya ? Quelle vision industrielle pour Médéa et sa seule zone industrielle de Draa Esmar, quasiment déserte, à quelques exceptions près des fabricants de chaussure.
La direction du commerce, en bon velléitaire, a fini par jeter le manche après la cognée, dans sa lutte conjoncturel du marché informel, donnant libre cours à l’anarchie,la ruée des spéculateurs et champions de l’évasion fiscale ne s’est pas faite attendre, au grand dam des commerçants légaux payant l’impôt, et à qui mieux-mieux, ériger un enchevêtrement de baraques et d’étals hétéroclites,squattant trottoirs,rues et ruelles, et même les entrées des maisons voisines y attenantes, bloquant la libre circulation des véhicules et des piétons, Médéa est devenu l’espace d’un temps l’EDEN du marché informel, créant un melting-pot de misères et de mercantilisme, où l’on fait son shopping en enjambant la vase et l’ordure, cherchant du coude à se frayer un passage dans cet indescriptible tohu-bohu que des âmes sensibles préfèrent autant que se peut s’en abstenir.
La circulation automobile s’est encore plus aggravé par le non respect du codes de la routes et des interdictions, le port du casque obligatoire des motocyclistes- chauffards, exacerbé par le transport dangereux d’enfants mineurs non protégés et mis devant, les exposant gravement aux traumatismes crâniens et autres fractures, impactant leurs futures biomécaniques et leurs impacts (paralysie, décés), et occasionnant des pertes colossales à l’Etat dans leurs prise en charge médicale (occupation des lits, chirurgie et rééeducation physiques). L’interdiction nocturne des motos, crachant le feu et bravant tous les interdits doit être renforcée.
Il est aberrant qu’aucune initiative n’ait été prise pour la protection des enfants et l’interdiction formelle de leurs transports à motos. Les actions conjoncturelles de la police et des gendarmes suffisent-elle à freiner cette frénésie hors-la-loi. Dura lex sed lex, la loi est dure,mais c’est la loi,doit être implantée et instaurée en tout temps,et en tout lieu.
Un bien triste constat d’une anomie criarde d’une ville broyant du noir depuis des décennies, chaque nouveau wali s’affiche à ses débuts comme l’homme idoine pour sortir, Médéa et ses contrées proches et lointaines, de sa torpeur organisant, à tour de bras, rencontres et meetings avec la société civile, des garrulités sans importance, longuement applaudis par les thuriféraires du puissant du moment pour être dans ses bonnes grâces, ceux-là même que le wali-bâtisseur Abdelkader Zoukh abhorrait, bonne ou mauvaise était sa gestion.
Mais au demeurant il a laissé derrière lui un héritage architectural très conséquent, redorant son blason pour un temps. Et du coup, se rappeler qu’aucun projet étatique de développement n’a été alloué à la wilaya sinistrée qu’est devenu Médéa, grâce à l’oubli de ses sénateurs et ‘’dépités’’, affairistes affairés, beaucoup plus enclins à penser à leurs intérêts qu’à ceux de leur région.
M. le wali, ne vous fiez pas aux flagorneurs et zélateurs de tous bords, aux mal élus qui gèrent les mélancolies, les misères et la mal vie, et les conditions qui rendent la vie dure à vos citoyens, sortez incognito, sans tambours, ni trompettes et constatez par vous-même, et tâtez le pouls de la cité, censée être la vitrine toute flamboyante de capitale politique de la région. Vous présidez aux destinées de cette ville et de ses contrées proches et lointaine, vos administrés placent en vous mille espoirs et aspirations, rééditez et réalisez le grand travail de Tizi-Ouzou et laissez derrière vous des empreintes architecturales pour la postérité.
Vœu pieu, sera-t-il réalisé ? Allez savoir.
De Médéa, Brahim Ferhat