Le ministre de la Communication, Zouheir Bouamama, a promis de « mettre à jour les critères de distribution de la publicité publique » afin de garantir davantage de transparence et d’équité dans un secteur longtemps miné par le soupçon d’ingérence politique.
Une annonce qui se veut réformatrice, mais que beaucoup accueillent avec prudence et scepticisme, tant la question de l’Agence nationale d’édition et de publicité (ANEP) reste associée à une logique de contrôle plus qu’à celle de régulation.
Lors de la récente séance des questions orales au Parlement, plusieurs députés ont interpellé le ministre sur le fonctionnement de l’ANEP, accusée de distribuer de manière opaque les budgets publicitaires issus des institutions publiques. Pour le député Kamel Kourichi, du groupe des Indépendants, le manque de transparence dans la répartition des annonces constitue « une menace directe pour la survie économique et l’indépendance éditoriale des médias ». Il a rappelé que l’agence, en position quasi monopolistique, « détermine souvent la ligne de vie ou de déclin » des journaux, selon qu’ils bénéficient ou non de ses placements publicitaires.
En réponse, Zouheir Bouamama a défendu la gestion de l’agence, affirmant qu’elle repose sur « des critères conformes aux orientations stratégiques de l’État », tout en tenant compte de « la crédibilité des médias et de leur contribution à l’intérêt général ». Il a reconnu que ces critères de distribution doivent être mis à jour pour « renforcer la transparence et la répartition équitable des publicités publiques », et a annoncé un élargissement de l’accès des médias électroniques aux annonces de marchés publics.
La publicité publique, instrument d’influence ou enjeu de transparence ?
Pourtant, l’histoire récente du paysage médiatique algérien montre que la publicité publique, distribuée par l’ANEP, a souvent servi de levier politique : récompenser les organes de presse alignés et asphyxier financièrement ceux qui adoptent une ligne éditoriale critique ou indépendante. Ce système de financement sélectif a permis, depuis des décennies, au pouvoir exécutif de maintenir un contrôle indirect mais décisif sur les équilibres médiatiques du pays.
La promesse de réforme suscite donc autant d’attentes que de scepticisme. Les observateurs du secteur s’interrogent : le ministre pourra-t-il imposer une répartition strictement fondée sur des critères objectifs et professionnels — tirage, audience, performance éditoriale — ou devra-t-il composer avec une tradition où la publicité institutionnelle reste un outil d’influence politique ?
Au-delà du débat technique sur les quotas et critères, c’est la question de la confiance et du pluralisme médiatique qui est posée. La manière dont l’État gérera le dossier de l’ANEP sera perçue comme un test de sa volonté réelle de garantir l’autonomie de la presse. Dans un contexte où l’économie des médias reste fragile, la publicité publique demeure à la fois une bouée de sauvetage et un levier de contrôle. En faire un instrument équitable et professionnel, c’est poser les bases d’un paysage médiatique plus libre — et donc plus crédible.
Samia Naït Iqbal

