Le tribunal de première instance de Tunis a ordonné, le 24 novembre 2025, la libération de Mustapha Djemali, 81 ans, fondateur du Conseil tunisien pour les réfugiés (CTR), et d’Abderrazek Krimi, chef de projet au sein de la même organisation.
Les deux humanitaires étaient détenus depuis mai 2024 et poursuivis pour avoir prétendument « facilité l’entrée clandestine » et l’« hébergement » de migrants. Ils ont été condamnés à deux ans de prison, mais leur longue détention provisoire couvre désormais l’essentiel de la peine, permettant leur libération immédiate.
L’affaire avait suscité une large indignation parmi les organisations de défense des droits humains. Human Rights Watch a dénoncé des poursuites « abusives », rappelant que le CTR travaillait de manière formelle avec le HCR, notamment pour l’accueil et la prise en charge des demandeurs d’asile dûment enregistrés. Amnesty International a également alerté sur la situation sanitaire de Mustapha Djemali, atteint de la maladie de Horton et privé régulièrement de traitement en détention.
Durant leur procès, les deux responsables ont fermement rejeté les accusations, soulignant qu’ils n’avaient jamais participé à une quelconque opération liée à l’immigration clandestine. Ils assurent avoir agi exclusivement dans le cadre de leur mission humanitaire : accompagner des réfugiés reconnus, assurer un suivi social et fournir un appui administratif en coordination avec les instances internationales.
Quatre autres membres du CTR, poursuivis dans la même affaire, ont été acquittés, la justice tunisienne n’ayant retenu aucune charge contre eux.
Cette affaire intervient dans un contexte politique marqué par une pression croissante sur les ONG et la société civile en Tunisie. Pour plusieurs observateurs, la criminalisation du travail humanitaire constitue un tournant inquiétant, au moment où le pays reste confronté à une crise migratoire complexe et à une détérioration générale des libertés publiques. La libération de Djemali et Krimi apporte un soulagement à leurs familles et à leurs soutiens, mais elle laisse ouverte la question centrale : la solidarité envers les réfugiés peut-elle encore s’exercer librement en Tunisie ?
Mourad Benyahia

