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Kamel Daoud et le miroir déformant de la « gauchattitude »

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L’arrestation de Saad Bouakba, devrait imposer une chose simple : se taire, regarder le système en face, et le nommer.

Un vieil homme, journaliste, envoyé en prison pour un “outrage aux symboles” taillé sur mesure, c’est l’aboutissement d’une longue chaîne : lois liberticides, ministère des moudjahidine sacralisé, justice sous tutelle, mémoire confisquée. Il y avait là de quoi écrire une chronique à charge contre la machine, pas contre des fantômes.

Kamel Daoud commence comme il faut, puis dévie. Tout à coup, surgit ce mot : gauchattitude. Un gadget verbal importé des plateaux de la droite française. En une phrase, le centre de gravité bascule : la cible n’est plus le régime qui incarcère Saad Bouakba, mais une “gauche” floue, morale, accusée de se taire. On part d’une prison en Algérie, on arrive à une querelle éditoriale à Paris. Le tour de passe-passe est propre, mais il est politique.

Ce schéma, on le connaît par cœur. C’est celui des journaux qui accueillent Daoud : on prend une injustice bien réelle, on la montre du doigt, puis on s’en sert pour taper sur la gauche. Jamais sur la structure, rarement sur les intérêts, presque jamais sur les financeurs. La “gauchattitude”, c’est la déviation idéale : elle permet de donner l’illusion du courage sans toucher aux circuits où se prennent les décisions, ni à ceux où circule l’argent.

Car si on veut parler de silences, il faut les prendre tous. Où étaient les grandes consciences médiatiques quand, semaine après semaine, des millions d’Algériens marchaient dans le Hirak ? Quelques reportages exotiques, puis l’oubli. Où étaient-elles lorsque le régime finançait, fréquentait, ou se faisait blanchir dans les salons européens, pendant que d’autres régimes arrosaient des campagnes électorales en Europe, de Moscou à Tripoli ? Là, la presse se fait soudain technicienne : on parle de “réseaux”, de “réalpolitik”, de “dialogue nécessaire”. Le mot “gauche” n’apparaît jamais, le mot “complicité” encore moins.

C’est ce point aveugle que la chronique de Daoud évite soigneusement. Il est plus facile de dénoncer l’angle mort moral d’une gauche supposée que de poser la question qui fâche : qui serre la main du pouvoir algérien, qui signe les contrats gaziers, qui coopère avec sa police, qui ferme les yeux sur les procès politiques au nom de la stabilité et du contrôle migratoire ? Là, le silence n’est pas “gauchiste”, il est bipartisan, officiel, rentable.

Pendant ce temps, la chaîne répressive, elle, ne s’est jamais interrompue : militants du Hirak, porteurs de drapeaux, blogueurs, universitaires, poètes, anonymes. Bouakba n’est pas une anomalie, c’est un maillon tardif. En transformant son cas en tribune contre la “gauchattitude”, Daoud réduit le champ : au lieu d’agrandir le cadre, il le rétrécit sur une cible qui arrange précisément ceux qui l’impriment.

Il aime se présenter comme écrivain libre, au-dessus des camps. Dans ce texte, il fait l’inverse : il offre à une droite en mal de suppositoire moral un récit prêt-à-penser où la faute retombe, une fois de plus, sur la gauche. C’est confortable pour son journal, mais inutile pour Bouakba.

Qu’on laisse la gauche tranquille : elle n’a ni les clés des prisons ni la plume des lois liberticides.

Le seul adversaire réel, c’est le système.

L’Algérie n’a pas besoin d’un faux procès idéologique, mais qu’on nomme enfin le vrai accusé : la machine qui enferme ses journalistes.

Zaim Gharnati

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