Tamanrasset, capitale industrielle… sur le papier

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Rezig
L'impayable Rezig brassant du vent à Tam.

Le ministre du Commerce extérieur et de la Promotion des exportations, Kamel Rezig, brasse beaucoup de vent. Mais à trop remuer sur Tamanrasset, il risque plutôt de déclencher une tempête de sable.

Les Algériens sous Tebboune ont l’habitude d’entendre beaucoup de choses. Des promesses, mais surtout des balivernes. Vendredi encore, la lointaine Tamanrasset a servi de décor à une nouvelle proclamation solennelle : la wilaya serait appelée à devenir un « pôle industriel par excellence », selon l’impayable Rezig. Rien que ça. On se demande d’ailleurs si le sable n’a pas souri, habitué à voir fleurir ce genre d’annonces aussi vite qu’elles s’évaporent.

Avec l’URSS on a connu Potemkine, sous Bouteflika on a vu des ministres présenter un cheval à un tableau de fakhamatouhou et sous Tebboune, ce sont des projets pharaoniques qui sont décrits comme des réalités !

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À écouter le ministre du Commerce extérieur, Tamanrasset est déjà la « porte d’exportation vers l’Afrique centrale », un hub stratégique, un futur moteur industriel. Dans les discours, les trains arrivent, les marchandises circulent, les marchés africains s’ouvrent à perte de vue. Dans la réalité, la route reste longue, cabossée, et parfois inexistante.

Le Salon des produits algériens destinés à l’exportation, avec ses cent exposants, est présenté comme la preuve éclatante d’un succès national. Mais une foire, aussi bien éclairée soit-elle, ne fait pas une économie structurée. Exposer des produits ne résout ni les problèmes de logistique, ni ceux de stockage, ni les lenteurs administratives, encore moins les coûts exorbitants du transport vers le sud. Les opérateurs économiques, que l’on appelle à « attirer », connaissent ces réalités mieux que quiconque. Leur prudence n’est pas un manque de patriotisme, mais un réflexe de survie.

On nous ressasse aussi, à longueur de colonnes de journaux et de JT imbuvables, la production de produits nationaux « désormais réputés pour leur excellente qualité » et déjà conquérants des marchés internationaux. A peine incroyable. Une affirmation qui mériterait, au minimum, quelques chiffres détaillés, des destinations précises, et des volumes crédibles. Car à force de brandir l’exportation hors hydrocarbures comme un slogan, on finit par oublier que celle-ci reste encore marginale face aux ambitions affichées.

Comme souvent, la réussite est attribuée à une « politique mise en œuvre depuis 2020 », sous la conduite éclairée de l’incontournable Tebboune. A croire tous ces ministres et ces médias qui ne jurent que par lui, « la nouvelle Algérie » devrait faire pâlir l’Europe de jalousie. Une formule rituelle, devenue passage obligé, qui remplace l’évaluation concrète par l’autosatisfaction institutionnelle. Pendant ce temps, sur le terrain, les jeunes attendent toujours des formations effectives, les artisans des débouchés durables, et les opérateurs des infrastructures promises.

Le plus ironique, finalement, est cette projection enthousiaste vers un avenir ferroviaire qui « arrivera » jusqu’à Tamanrasset. Un futur conditionnel érigé en certitude. En attendant, on inaugure des salons, on coupe des rubans, et on recycle les mêmes discours, d’un événement à l’autre. En attendant, on veille toujours les robinets pour avoir un filet d’eau presque potable ! Mais qu’importe, pourvu qu’il y ait les discours rassurants !

Tamanrasset mérite pourtant mieux qu’un rôle de vitrine occasionnelle. Elle mérite une stratégie claire, chiffrée, suivie d’effets mesurables. À défaut, elle restera ce qu’elle est trop souvent dans les communiqués officiels : un symbole pratique, une promesse commode, et un horizon sans cesse repoussé.

Le désert, lui, a appris à être patient. L’économie, beaucoup moins.

Rabah Aït Abache

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