Mercredi 30 décembre 2020
Mettre la raffinerie d’Augusta en faillite relève de l’inconscience
L’idée même si elle s’avère vraie d’être proposée lors de la dernière assemblée générale de Sonatrach montre l’incompétence caractérisée de certains cadres dirigeants.
Ces dirigeants préfèrent emprunter la solution de facilité pour arranger les bilans de fin d’année et maintenir leur avantages matériels et financiers liés à leur contrat de performance sans penser une seconde aux conséquences qu’aura à subir le Trésor public pour payer les mauvaises décisions prises par ceux qui ont la charge de la gestion de Sonatrach, principal pourvoyeur des capitaux pour tout le circuit économique et social du pays.
En effet, comme dit l’adage populaire « la rentrée au bain n’est pas la même que sa sortie ». D’abord la loi italienne elle-même est vieille et date de 1942, maintes fois améliorée mais reste contraignante pour la mise en œuvre de la discipline de la faillite, l’arrangement avec les créanciers et liquidation administrative obligatoire. Il en résulte que, dans l’esprit des entrepreneurs italiens, la loi sur la faillite est un mécanisme dangereux qu’il vaut mieux éviter, plutôt qu’un outil.
Donc, pour tenter de sauvegarder l’essentiel dans la crise de l’entreprise, le réflexe général sera de chercher des instruments pour fuir la loi et la faillite italienne. Surtout s’il existe un accord de compromis que le législateur italien nomme concordat (Concordato preventivo).
On apprend malheureusement à travers les indiscrétions que Sonatrach maintenant ne sait pas quoi faire de cette acquisition pourtant fortement controversée et dénoncée au temps opportun et que le chiffre de 2 milliards de dollars est semble t-il le dernier montant compté pour sa dépense. Plus grave, on apprend qu’ExxonMobil prend la partie la plus rentable qui est « les lubrifiants » et confirme, contrairement à ce qui est annoncé lors de son acquisition, que les trois terminaux n’appartiennent pas à Sonatrach. Sur le plan légal, elle n’obéit pas aux règles d’insolvabilité en vigueur en Italie car elle est fonctionnelle mais comme un gouffre financier, qui n’a rien à voir avec l’Etat italien mais liés à son cycle d’exploitation que son acquéreur avait mal apprécié au départ.
Sonatrach, avertie par la municipalité d‘Augusta, a pris des engagements avec le syndicat et les responsables locaux.
Rappelons que la presse sicilienne avait rapporté à l’époque(01) que le parquet et notamment la municipalité d’Augusta conduite par Mme Cettina Di Pietro s’est dite complètement étonnée de la précipitation de l’équipe de Sonatrach pour l’acquisition de cette raffinerie veille de 70 ans pour un montant pareil.
Le bourgmestre a confirmé avoir averti les représentants de Sonatrach avec à leur tête Ould Kaddour personnellement. Selon les évaluations faites par les experts désignés par le parquet d’Augusta, une réhabilitation environnementale impérative sous peine de fermeture est estimée à plus d’un demi milliards d’euros.
Ces travaux ne concernent en fait que la dépollution sans compter celle technique qui pourrait atteindre le triple pour qu’elle puisse être fonctionnelle. Il existe en plus un contentieux avec l’ancien propriétaire qui doit s’acquitter de lourdes amendes que l’acheteur prendra en charge.
De nombreux experts, spécialistes s’étonnent de la précipitation d’acquisition d’une raffinerie dans cette endroit spécialement très connu par la connivence de la mafia sicilienne avec les syndicats qui ont d’ores et déjà fait pression sur le propriétaire de n’accepter cette session que lorsque l’acheteur prend en charge voire ne licencie aucune personne de l’effectif de 660 agents ce que Sonatrach a accepté tête baissée.
Selon des sources proches de l’aval, cet achat n’a pas été examiné sur la base d’un rapport d’évaluation crédible par le conseil d’administration de Sonatrach qui, pour rappel est propriété de l’Etat Algérien à 100% de ses actions. Sur le plan statutaire, le redéploiement de Sonatrach est une affaire d’organisation sur laquelle le PDG ne dispose d’aucun pouvoir de prise de décision sans l’aval de conseil d’administration qui lui soumet le projet au gouvernement. Cela a été le cas pour le contrat de processing avec le trader suisse Vitol qui a été déjà signé.
On pensait avoir (et ce n’était pas vrai) que 120 000 tonnes par mois, soit 1 444 000 tonnes par année de brut qui devront être envoyés en Italie pour donner au plus 576000 tonnes de carburants qui seront en complément à cette nouvelle acquisition.
On peut se demander avec une capacité de raffinage installée de 24 millions de tonnes et face à une baisse de production chronique, d’où Sonatrach ramènera- t-elle les 9 millions de tonnes pour alimenter cette raffinerie en matière première.
Plus grave, penser stratégiquement que Sonatrach pourrait s’intégrer dans la vente des produits pétroliers en Europe face à un déclin mondiale de cette activité, n’est qu’un leurre.
La logique même nous dicte qu’on n’achète jamais des équipements de raffinage lorsque les prix se redressent. Le raffineur par définition est content lorsque les prix sont bas. Lorsqu’on pose la question aux cadres dirigeants en charge de ce dossier à Sonatrach, ils vous répondent que « le dossier est entre les mains de la justice.»
Malheureusement la justice situe les responsabilités des uns et des autres mais n’a aucun pouvoir ni autorité de faire sortir l’Algérie de ce guêpier dans lequel des incompétents l’ont poussé en plein dedans. Ils y sont sur place d’ailleurs.
Rabah Reghis
Renvois
(01)- http://meridionews.it/…/augusta-esso-vende-ma-lascia-un-te…/
http://www.siracusanews.it/lamministratore-delegato-della-…/
http://www.ilsole24ore.com/…/esso-vende-all-algeria-raffine…