Samedi 5 décembre 2020
Le Covid-19 ne justifie pas à lui seul le déficit de Sonatrach
Le ministère de l’Energie a reconnu, lundi 2 novembre dernier, que cette année 2020, le groupe Sonatrach, principal poumon économique du pays, s’apprête à encaisser des pertes record atteignant les 10 milliards de dollars.
En réalité, ces pertes représentent le manque important à gagner jusqu’à fin septembre 2020 par rapport à la même période en 2019 « à cause de la pandémie de coronavirus, avec une baisse de 41% de son chiffre d’affaires à l’exportation. ». Il s’avère, malheureusement, que ce bilan sous-estime la réalité amère des pertes que devra déplorer à la fin de l’année 2020 le groupe Sonatrach.
En effet, la facture va largement dépasser les 10 milliards et risque d’atteindre même les 13 milliards de dollars. Et la pandémie du Covid-19 n’est guère la seule et unique cause de ce gâchis financier.
Si on continue à tout mettre sur le dos de la crise sanitaire, on aboutirait à ce qui se passe aujourd’hui à l’Entreprise nationale des Industries de l’Electroménager (ENIEM) et de nombreuses sociétés du secteur public qui pâtissent actuellement d’un grand déficit budgétaire qui requiert des crédits bancaires pour le résorber et assurer, ainsi, la relance de sa machine de production.
Spécialement pour Sonatrach, considérée comme la plus stratégique, il s’agit plutôt de procéder à un contrôle rigoureux de sa chaine de production selon toute vraisemblance défaillante comme le montrent plusieurs rapports que la crise sanitaire n’a fait que les mettre en valeur.
Ainsi dit-on, dans ce dernier Conseil d’administration, le mastodonte demande et aurait eu l’accord d’un crédit d’exploitation de 1 milliard de dollars pour résorber le déficit imputé, à la baisse de la demande et des prix du baril dus à la crise sanitaire.
Or, ce que constatent de nombreux cadres sur le terrain, la crise sanitaire ne pourra jamais justifier à elle seule le bilan très mitigé de Sonatrach en 2020.
Même si elle clôture l’année 2020 avec un manque à gagner de prés 13 milliards de dollars on ne pourra imputer au coronavirus que 9 milliards de dollars mais le reste est lié à la mauvaise gestion de la chaine de production.
Bien avant la crise sanitaire, au premier trimestre 2020, les rapports de l’Organisation des Pays exportateurs de pétrole (OPEP), ont, montré clairement que Sonatrach n’arrivait pas à produire son quota 1.056 Mb/j de production de pétrole, la moyenne du trimestre étant de 1,018 M b/j soit 40 000 b/j de moins que le quota algérien.
On peut estimer cette baisse de production au prix moyen du baril à plus 180 millions de dollars. Sans compter bien entendu que durant ce même trimestre, l’Organisme National des Statistiques (ONS) a alerté sur une forte baisse du taux de croissance de -13,4%, le record de mauvaises performances. En plus du grave incident d’El Merk, Sonatrach avait connu un nombre sans précédent d’autres incidents, pour défaut de gestion de maintenance préventive, selon les déclarations du ministre de l’énergie lui-même (02).
En 2020, Sonatrach a connu des arrêts importants, tel que le complexe de liquéfaction du gaz naturel situé à Skikda (GL1K), après un arrêt général de 7 mois pour des travaux de maintenance, ayant largement excédé la durée des 2 mois initialement prévus. Ces incidents pourraient valoir un manque à gagner de 300 millions de dollars.
Sonatrach n’a toujours pas mis en fonctionnement le Boosting phase 3, lancé en 2016, prévu fonctionner fin 2019 qui devait permettre au pays de prolonger le plateau de production de Hassi R’mel pour une décennie, tout retard causerait un déficit de plus de 7 milliards de m3 de gaz par année de retard soit un manque à gagner de 1.1 milliard de dollars.
La production du projet d’In Salah est descendue au premier trimestre 2020 de 22 millions de m3/j à moins 9 millions de m3/J, pour des problèmes de maintenance également. Cette incidence aurait pu faire gagner Sonatrach 560 millions de dollars.
Le plus gros serait dans l’activité forage 2020
Sonatrach selon plusieurs spécialistes, n’a jamais connu tant d’échecs dans cette activité fortement capitalistique. Ainsi selon les premiers chiffres, sur les 118 puits de développement prévus en 2020, 80 auraient été terminés et les 38 restant sont en cours de forage jusqu’au 31 décembre 2020. 46% seulement des puits ont débité et considérés comme économiquement viables. 34% ont eu un faible débit, première dans l’activité forage à Sonatrach au prix moyen actuel, ils ne sont pas rentables. Le reste soit 20% ont été ratés portant ainsi le total non économique à 54%.
Si l’on estime le cout moyen d’un puits de développement à 8 millions de dollars, la perte remonterait à 352 millions de dollars pour ces 44 puits de développement sans compter le manque à gagner en production au prix de 40 dollars le baril seulement qui pourrait monter à plus de 400 millions de dollars. En général, selon les anciens spécialistes de la structure PED (Production-Engineering-développement) de Sonatrach, le taux d’échec de puits de développement n’a jamais dépassé 2 à 5%.
En ce qui concerne la catégorie des puits d’exploration, sur les 70 prévus, 43 ont été forés et 27 sont en cours et n’ont pas encore donne de résultats. On estime selon plusieurs cadres un échec de 60% sur les forages déjà effectués.
Pour eux, l’exploration n’a jamais dépassé 30% du moins les 5 dernières années. Au coût moyen d’un forage de 12 millions de dollars, en considérant que les puits qui n’ont rien donné seront les plus chers à cause de la multitude des opérations nécessaires à l’évaluation.
Le coût de ce genre de puits pourrait atteindre 20 millions de dollars. On pourrait estimer la perte cette année 2020 dans cette catégorie à plus de 500 millions de dollars.
La perte totale dans l’implantation des puits de forages toute catégorie confondue, pourrait atteindre facilement 1 à 1, 250 milliards de dollars. Il a été relevé que techniquement les boues de forage endommagent les réservoirs alors qu’il fallait intégrer cette contrainte dans une modélisation multicritères dans la décision de forer pour une meilleure rentabilité des investissements.
R. R.
Renvois
(02)-https://www.elwatan.com/edition/economie/attar-evoque-des-problemes-de-maintenance-27-10-2020