Lundi 22 juin 2020
Pourquoi Mohamed Arkab déforme-t-il les chiffres statistiques ?
Le ministre de l’Energie qui s’exprimait devant la commission des finances et du budget de l’assemblée populaire nationale (APN), jeudi 18 juin 2020, dans le cadre de l’examen du projet de loi portant règlement budgétaire qui vise une explication rétrospective de la répartition et la mise en œuvre du budget du secteur d’énergie(01), s’est étalé d’une manière expéditive sur les objectifs de la loi sur les hydrocarbures, très succinctement sur le domaine minier et maladroitement sur les résultats de l’année 2017, l’année de prise en main de la Sonatrach par le très contesté Abdelmoumen Ould Kaddour. Comment ?
1- Du domaine minier
Le terme exploitation dans le jargon pétrolier n’a pas la même signification que dans celui industriel. Lorsqu’on exploite les hydrocarbures, on en produits le pétrole et le gaz.
Cette partie du domaine minier vaste de 1 536 442 km2, ne dépasse pas 4% le reste il est soit en prospection soit en recherche soit libre non encore touché. Même si l’on suit sa logique en assimilant « l’exploitation » à « l’utilisation » c’est-à-dire exploitation + prospection + recherche, le domaine est à plus de 47% utilisé et non comme il l’annonce 38%, comme suit : recherche en effort propre de Sonatrach 19%, prospection en effort propre de Sonatrach 20,7%, recherche en partenariat 1,5% , prospection en partenariat 1,6% et 4% en exploitation soit un total de prés 46,8% ce qui fait que 53,2% de domaine minier est libre mais alors quelle est la problématique de l’Algérie dans son domaine ?
Les chiffres le montrent près de 80% des investissements d’exploration s’approchent des régions situées près des gisements existants et dotés des infrastructures pétrolières et gazières et seulement 19% dans les zones peu ou pas explorées et aucun dans le bassin frontier vaste de prés de 800 000 km2.
Les investisseurs y compris Sonatrach limitent les risques pour augmenter le taux de succès en campant prés des champs producteurs, ce qui n’augmentera pas les réserves mais constitue un partage de celles existantes et partant ne résoudra pas le problème de l’Algérie. Lorsqu’on se dirige comme le dit le ministre à Naâma, Tindouf et Illizi, ce n’est pas pour exploiter mais d’abord prospecter, rechercher, évaluer le potentiel et enfin espérer produire.
Pour cela, il faut au moins une décennie et le partenaire qui vient, accepte de prendre le risque. Est ce qu’un petit réaménagement fiscal permettra de le dissuader dans le contexte actuel et perspectif ? Ce n’est pas encore gagné ? Les experts du secteur connaissent bien une partie de la réponse mais….
2- De la période 2017, prise en main de Sonatrach par Ould Kaddour
Le ministre de l’Énergie et des Mines, Mohamed Arkab, a déclaré que la valeur des exportations du secteur énergétique en 2017 a atteint 33 milliards de dollars contre 28 milliards en 2016, soit une augmentation de 19% (02).
Une telle analyse, lancée à la débotté sans détailler, est d’abord inopportune dans le contexte de la rencontre. Elle pourrait occulter injustement à l’opinion non avertie, la croissance vigoureuse obtenue après une décennie de déclin, résultat des efforts et bilan des responsables du secteur de l’énergie en poste en 2016 (06) pour gonfler artificiellement celle de l’année 2017 qui a bénéficié sans aucun effort de prés 12 dollars par baril soit près de 30%, mais avec un retour brutal au déclin et d’une baisse des exportations cette même année, d’où l’augmentation des recettes de 19% annoncée par Mohamed Arkab, au lieu qu’elle soit de 30% ; induisant de fait un manque à gagner pour le pays. Cette baisse des exportations a comptabilisé de plus les volumes de gaz associés de réinjection détournés illégalement à l’exportation au détriment des réserves Algériennes d’hydrocarbures mobilisés à prix fort.
Il n’y a pas encore eu d’enquête parlementaire à ce sujet. Pour rappel, Ould Kaddour avait déclaré publiquement à partir du second trimestre 2017, que sa gestion avait rencontré un déficit en gaz de l’ordre de 50 millions m3/jour et un déficit en pétrole brut de plus de 30000 barils/j, avec perte de capacité de production de plus de 60000 barils/jours. Pour revenir donc à ces recettes annoncées en grandes pompes, il faut préciser que le prix moyens annuel du Sahara Blend a été établi en 2016 à 40,686 dollars le baril tandis que celui de 2017 à 52,51 dollars le baril (03).
Depuis quand, dans une économie mono exportatrice, non diversifiée, à croissance du type extensif, dépendant de facteurs exogènes comme le prix du baril du pétrole, la fluctuation du cours du dollar et des conditions météorologiques, ce gargarisent t- elle avec ses recettes d’exportation qui n’ont fait l’objet d’aucun travail intensif et encore moins de créativité ? La preuve, durant cette même année 2017, le produit intérieur brut (PIB) fortement entrainé par l’activité des hydrocarbures a diminué de- 6% alors qu‘en 2016, il augmenté de +7,7% avec des perspective d’une croissance soutenue. Cette diminution en 2017 a fait subir au trésor public un manque à gagner dépassant les 5 milliards de dollars. (04).
L’année 2016, qui aurait pu être une référence d’un départ pour que Sonatrach renoue avec une croissance sans aucun apport partenarial ni investissement majeur, en effort propre et un compté sur soi uniquement, se trouve réorientée sur la base de simples opinions.
Comment se fait-il que la commission économique et du budget de l’APN d’habitude très sensible au rapports des institutions internationales n’ait pas interpellé le ministre de l’Energie sur la dégradation de ces principaux indicateurs macroéconomiques depuis l’année 2017 qui s’aggrave depuis, d’année en année, jusqu’au dernier rapport de la douane algérienne concernant le premier trimestre 2020. Sachant que la Banque mondiale les jugeait en 2016 comme suit : «En dépit d’une forte baisse des prix du pétrole et de conditions météorologiques défavorables, l’Algérie a su maintenir une croissance économique respectable en 2015 ainsi qu’au cours du premier semestre de l’année 2016.
En 2015, la croissance s’est élevée à 3,9 %, grâce à la première augmentation de la production d’hydrocarbures en une décennie, et à une croissance stable des secteurs hors hydrocarbures, bien que l’économie ait été frappée de plein fouet par la baisse des prix pétroliers. Au cours du premier semestre 2016, l’Algérie a connu une croissance relativement vigoureuse de 3,6 % (en glissement annuel), sous-tendue par une production d’hydrocarbures en voie de redressement qui a compensé une croissance plus atone des secteurs hors hydrocarbures.» (06)
La Banque d’Algérie dans le même sillage : «Pour la première fois depuis dix ans, la production du secteur des hydrocarbures est en expansion. En 2016, l’activité économique nationale est demeurée relativement soutenue, tirée par la croissance remarquable du secteur des hydrocarbures. » (07) (08)
Rabah Reghis
Renvois
(04)-http://www.ons.dz/IMG/pdf/Comptes_en_volumes_2015_2017.pd
(05)https://fr.statista.com/statistiques/564926/prix-annuel-du-petrole-de-l-opep-1960/ (06)http://documents.worldbank.org/curated/en/532931513093465513/pdf/122027-FRENCH-WP-PUBLIC-P158002-FALL-2016-Algeria-Eco-Monitoring-FRE-1-18-17-we
(07)https://www.bank-of-algeria.dz/pdf/rapportba_2015/chapitre2_2015.pdf
(08)https://www.bank-of-algeria.dz/pdf/rapportba_2016/chap2_2016.pdf
Lecture complémentaire sur le sujet http://bourse-dz.com/hassi-messaoud-donnera-plus-si-on-respecte-son-rythme-de-production-ii/https://www.elwatan.com/pages-hebdo/sup-eco/comment-linstabilite-des-pdg-affaiblit-sonatrach-20-01-2020