Vendredi 24 avril 2020
L’impact du coronavirus sur les économies mondiale et algérienne via la baisse de la rente des hydrocarbures
L’épidémie du coronavirus a eu un impact considérable sur l’économie mondiale, où le monde de demain ne sera plus jamais comme avant. L’Algérie fortement connectée à l’économie mondiale via la rente des hydrocarbures comme tous les pays subit cette crise d’où l’urgence de l’élaboration des stratégies d’adaptation.
1.- La croissance mondiale est le facteur déterminant de la demande d’hydrocarbures à court terme et à moyen terme devant tenir compte des nouvelles les mutations énergétiques.
Ainsi, en précisant que le taux de croissance se calcule toujours par rapport à la période antérieure T1 – To. Ainsi dans le cadre d’un scénario favorable, en précisant qu’une croissance faible en 2020, To, donne globalement une croissance relativement faible en 2021 –T1, selon le rapport du FMI du 14 avril 2020, l’économie mondiale aura moins 3,0% de taux de croissance en 2020 et 5,0% en 2021 et en moyenne, les pays avancés moins 6,1% en 2020 et 4,5% en 2021.
Pour le FMI et les organises internationaux, si la pandémie ne se résorbe au cours du second semestre de l’année 2020 par un prolongement des mesures d’endiguement, nous assisterions à une détérioration des conditions financières et de nouvelles ruptures des chaînes d’approvisionnement mondiales, et dans ce cas, le PIB mondial chuterait encore davantage : de 3 % supplémentaires en 2020 par rapport au scénario de référence si la pandémie se prolonge en 2020, et de 8 % supplémentaires en 2021 si la pandémie se prolonge jusqu’en 2022. Cela des incidences sociales et selon l’OIT organisation internationale du travail sur une population active de 3,3 millions 4 personnes sur 5 sont affectés par la fermeture totale ou partielle scénario optimiste 5,3 millions de chômeurs supplémentaires et le scénario pessimiste 25 millions qui s’ajoutent au 190 millions actuellement.
La dette globale mondiale selon le FMI et institue of international finances d’avril 2020, fin 2019 250.000 milliards de dollars pourrait dépasser fin 2020, 260.000 milliards de dollars, 320 pour cent du PIB mondial. De février et jusqu’au 15 avril 2020, le G20 a prévu 5000 milliards de dollars dont plus de 2200 milliards de dollars pour les USA et selon Elie Cohen directeur de recherches au CNRS de Paris, plus de ce montant pour l’Europe et ces montants ne sont que provisoires. C’est dans ce contexte de crise que le 20 avril 2020, le Wit le baril américain West Texas Intermediate (WTI) dégringolait d’environ 38 % à 11,04 dollars vers 11 h 55 GMT et à 20h30 finit sous zéro dollars, (moins 37,63 dollars) son plus bas niveau depuis 1986 avec un écart historique avec le Brent rendant non rentables les gisements moyens et marginaux qui sont les plus nombreux de pétrole/gaz schistes américains.
L’explication de la chute du 20/21 avril est la résultante des contrats de livraison en mai 2020 expirant le 20/04/2020 à minuit , les détenteurs doivent trouver des acheteurs physiques mais les stocks qui ont coût, énormément gonflé tant aux USA, Chine, Inde, il y a eu bradage sur les prix. Comme il allait attendre l’écart entre le Wit e te Brent a s’est rétréci juste après les livraisons « en catastrophe » , le cours du Wit étant coté le 24 avril 2020 à 17,02 dollars et le Brent à 21,98 dollars. Concernant la réunion OPEP/non OPEP, après la décision de réduire de 10 millions de barils/j, le marché n’a pas réagi pour l’instant favorablement, , donc le marché insensible, crise la production avant la crise approchant 100 millions de barils/j.
Car la réduction décidée .qui débutera du 1er mai, jusqu’au 30 juin pour 9,7 millions de barils/jour, (la second tranche de 8 millions de barils/j du mois de juillet jusqu’à fin décembre, et une troisième, d’un volume de 6 millions de baril/jour courant du 1er janvier 2021 au 1er avril de 2022).où l’Algérie verra une réduction de 240.000 barils/jour pour la première tranche, de 193.000 barils/jour pour la seconde tranche et une réduction de 145.000 barils/jour pour la dernière tranche repose sur l’hypothèse que la demande mondiale a baissé seulement de 10/11%, alors que l’épidémie de coronavirus a provoqué une chute drastique de la demande mondiale, de 33%, environ 30 millions de barils par jour (bpj), certains experts l’estimant à plus de 40 millions de barils/j, les gros consommateurs d’hydrocarbures dont le transport étant en hibernation.
L’évolution du cours du pétrole dépendra de la durée de l’épidémie et du retour à la croissance de l’économie mondiale, avant la crise seulement pour la Chine, ses importations étaient de 11 millions de barils/j. Cependant il ne faut pas analyser cet impact sur le court terme en termes financiers mais pose une problématique de la nécessaire transition énergétique mondiale.
Face à cette crise, les grands laboratoires de prospectives mondiaux, demandent aux gouvernants d’anticiper une catastrophe pire que le coronavirus avec des millions de morts notamment le réchauffement climatique avec d’importants flux migratoires dus au réchauffement climatique (sécheresse, inondation, vents violents, cyclones) avec des recompositions territoriales ( selon un rapport de l’ONU en 2025 la sécheresse frappera pendant des année l’Afrique du Nord dont l’Algérie avec des tensions sur l’eau). D’où l’importance d’un changement notable du modèle énergétique mondial, les investissements et de définir une véritable transition énergétique (efficacité énergétique et énergies renouvelables) qui aura des incidences, économiqus, sociales, culturelles, voire politique devant assister à une nouvelle recomposition du pouvoir mondial.
C’est dans ce cadre qu’est intéressantes les analyses de Jacques Attali sur les industries d’avenir qu’il nomme les industries de la vie, je le cite « pour qu’une telle société puisse fonctionner, il faut évidemment d’abord qu’elle puisse protéger aussi parfaitement que possible ceux dont le travail est vital pour son fonctionnement et ne peut être fait à distance. Et qu’elle produise de plus en plus de richesses et d’emplois dans ces secteurs de protection, de prévention, pour le présent et l’avenir ; des secteurs qui, de près ou de loin, se donnent pour mission la défense de la vie : la santé, l’alimentation, l’écologie, l’hygiène, l’éducation, la recherche, l’innovation, la sécurité, le commerce, l’information, la culture et bien d’autres. On réalise alors que ces secteurs exposés, qui assurent les conditions du fonctionnement vital de nos sociétés sont en plein bouleversement.
Jusqu’à très récemment, ils étaient fait principalement de services, et donc ne portaient pas de potentialité de croissance, qui ne vient qu’avec l’augmentation de la productivité découlant de l’industrialisation d’un service. La nouveauté, c’est qu’ils sont faits, depuis peu, non seulement de services, mais aussi d’industries, capables d’augmenter leur productivité, et donc d’améliorer sans cesse leur capacité à remplir leur mission. C’est donc en mettant tous les efforts sur les travailleurs et les industries de la vie qu’on sauvera les nations, les civilisations, et l’économie ».
2.- Les impacts pour l’économie algérienne dont 98% des entrées en devises avec les dérivées proviennent des hydrocarbures sont considérables sur le plan économique et social d’autant plus que les cours dépendent fondamentalement du retour à la croissance de l’économie mondiale fonction de la maîtrise de l’épidémie.
Le FMI dans son rapport du 14 avril 2020, le produit intérieur brut réel (PIB) de l’Algérie devrait se contracter de 5,2% durant l’année 2020 et suite à cette baisse PIB réel devrait se redresser en 2021 de 6,2%, taux calculé en référence à l’années 2020 (taux de croissance négatif) donnant globalement, à taux constant, un taux de croissance entre 1 et 2% termes réel, le FMI estimant la croissance économique à 0,7% en 2019, ce taux étant inférieur au taux de pression démographique. Cela a un impact négatif sur le taux de chômage, en raison du ralentissement du taux de croissance, dominée par l’impact de la dépense publique via la rente Sonatrach, avant la crise, prévoyait 12% de taux de chômage en 2020 et l’estimant dans son dernier rapport d’avril à 15 ;5% pour 2020 , les prévisions pour 2021 étant inchangées à 13,5% et ce sous réserve, autant pour le PIB de profondes réformes structurelles politiques, économiques, sociales et culturelles, ce taux ne tenant pas compte des emplois rente, faire et refaire les trottoirs et des sureffectifs dans l’administration.
Cela renvoie toujours à la rente des hydrocarbures qui détermine à la fois le taux d’emploi et les réserves de change estimées fin mars 2020 à environ 58/60 milliards de dollars donnant un répit de moins de 18 mois avec une marge de manœuvre plus favorable par rapport à bon nombre d’autres pays africains, la dette extérieure étant faible moins de 5% du PIB. C’est que avec la baisse de son quota entre 145.000 /240.000 barils jour avec un manque à gagner en moyenne annuelle entre 3/ 4 milliards de dollars pour 2020, dans cette conjoncture de récession économique mondiale, les prévisions de recettes de Sonatrach de 35 milliards de dollars pour 2020 ainsi que d’un montant des réserves de change de 51,6 milliards de dollars fin 2020 ne seront pas atteint qui a vu le cours de pétrole et du gaz s’effondrer de plus de 50%.
Les recettes devant être au moins divisé par deux par rapport à 2019 dont les recettes ont été de 34 milliards de dollars , montant auquel il faudra soustraire les coûts d’exploitation et la réduction du quota décidée en avril 2020 l’Algérie, représentant moins de 1 million de barils/j en n’oubliant pas que 33% des recettes de Sonatrach proviennent du gaz dont le cours sur le marché libre le 21/04/2020 fluctue depuis trois mois entre 1,5-1,9 dollars le MBU, une baisse de plus de 50% par rapport à 2008.
A 66 dollars en moyenne annuelle pour 2019, les recettes de Sonatrach ont été en moyenne de 34 milliards de dollars. Sous réserve d’une production hydrocarbures en volume physique identique à celle de 2019, ce qui n’est pas évident puisque le principal marché est l’Europe en crise, nous aurons les résultats suivants pour les recettes de Sonatrach entre 60 et 20 dollars le baril.
A 60 dollars le baril de pétrole, pour 2020 les recettes de Sonatrach seront en moyenne d’environ 31 milliards de dollars, auquel il faudrait retirer une moyenne annuelle de la baisse du quota (entre le haut et et bas des trois phases) retenant 3 milliards de dollars soit 28 milliards de dollars.
A 50 dollars le baril, pour 2020, le chiffre d’affaires serait d’environ 25 milliards de dollars, restant après la réduction des quotas, 22 milliards de dollars
A 40 dollars le chiffre d’affaires serait de 20 milliards de dollars, restant après la réduction des quotas 17 milliards.
A 30 dollars le chiffre d’affaires serait de 15 milliards de dollars, restant après l réduction du manque à gagner (baisse des quotas) 12 milliards, environ 70% des gisements ne seront plus rentables.
A 25 dollars le chiffre d’affaires de Sonatrach serait de près de 13 milliards de dollars, restant après le manque à gagner de la réduction du quota 10 milliards et environ 80% des puits n’étant plus rentables.
A 20 dollars le chiffre d’affaires serait de 10 milliards de dollars de recettes, restant après les réductions 7 milliards de dollars. Ne pouvant fermer les puits de pétrole en dessous d’un certains seul Sonatrach serait contrainte de vendre à perte( idem pour 1,5-2 dollars le MBTU, pour les canalisation de gaz naturel et à ¾ dollars pour le GNL).
Pour tous ces scénarios il faudrait soustraire 20/ 25% de charges et la part des associés, pour avoir le profit net. Cela a un impact sur le niveau des réserves de change qui tiennent la cotation du dinar officiel à plus de 70%. Devant différencier la partie devises de la partie dinars, existent des solutions pour éviter l’épuisement des réserves de change , en soulignant que dans la pratique des affaires tant interne qu’international n’existent pas de fraternité ou des sentiments mais que des intérêts.
La première solution est de recourir à l’emprunt extérieur même ciblé. Dans la conjoncture actuelle où la majorité des pays et des banques souffrent de crise de liquidité c’est presque une impossibilité sauf auprès de certaines banques privées mais à des taux d’intérêts excessifs et supposant des garanties.
La deuxième solution, est d’attirer l’investissement direct étranger : nous sommes dans le même scénario d’autant plus que selon la majorité des rapports internationaux de 2019, l’économie algérienne dans l’indice des libertés économiques est classée dans les derniers pays (bureaucratie, système financier sclérosé, corruption), la seule garantie de l’Etat algérien sont les réserves de change en nette baisse d’épuisement (moins de 60 milliards de dollars en mars 2020 contre 194 milliards de dollars au 01 janvier 2014).
La troisième solution, est de rapatrier les fuites de capitaux à l’étranger. Il faut être réaliste devant distinguer les capitaux investis en biens réels visibles des capitaux dans des paradis fiscaux, mis dans des prêtes noms, souvent de nationalités étrangères ou investis dans des obligations anonymes. Pour ce dernier cas c’est presque une impossibilité.
Pour le premier cas cela demandera des procédures judiciaires longues de plusieurs années sous réserve de la collaboration étroite des pays concernés.
La quatrième solution, est de limiter les importations et lutter contre les surfacturations, impliquant un tableau de la valeur au niveau des douanes reliées aux réseaux nationaux (banques, fiscalité notamment) et internationaux, pour déterminer les normes, le prix international par zone selon la qualité) afin de détecter les surfacturations, tenant compte pour certains produits des fluctuations boursières. Mais existent des limites, quitte à paralyser tout l’appareil de production avec des incidences sociales (accroissement du taux de chômage), plus de 85% des entreprises publiques et privées dont la majorité n’ont pas de balances devises positives, non concurrentielles sur le marché international, important leurs équipements et leurs matières premières de l’étranger.
La cinquième solution, liée à la restriction des importations est la dévaluation rampante du dinar et également afin de combler artificiellement le déficit budgétaire : on augmente en dinars la fiscalité pétrolière et la fiscalité ordinaire où les taxes à l’importation s’appliquent à un dinar dévalué entraînant tune augmentation des prix tant des équipements que des matières premières dont le cout final est supporté par le consommateur.
La sixième solution , solution difficile en cette période avec la crise financière mondiale, existant un marché mondial concurrentiel des privatisations, solution, ultime, est la vente des bijoux de famille par la privatisation soit totale ou partielle supposant des acheteurs internationaux crédibles, devant éviter le passage d’un monopole public à un monopole privé beaucoup plus néfaste, un consensus social, le processus étant éminemment politique et dans ce cas, les ventes pouvant se faire en dinars ou en devises.
En résumé, l’épidémie du coronavirus a entraîné une crise économique irréversible pour 2020, dont les répercussions risquent de durer avec des ondes de choc pour 2021, moins intensive si la maladie est circonscrite avant septembre/octobre 2020.
C’est que la crise actuelle de 2020 a montré toute la vulnérabilité des économies mondiales face à des chocs externes imprévisibles, surtout des pays reposant sur une ressource éphémère dont le prix dépend de facteurs exogènes échappant aux décisions internes. Comparable à une guerre avec un ennemi sans visage, l’épidémie du coronavirus a un impact sur l’économie mondiale qui connaitra en 2020, trois chocs, un choc de l’offre avec la récession de l’économie mondiale, un choc de la demande du fait de la psychose des ménages, et un choc de liquidité.
Cette crise, aura un impact sur les relations internationales , économiques, sociaux culturels et devant favoriser la transition énergétique. Dans ce contexte, l’économie algérienne se trouve dans une position difficile nécessitant des arbitrages douloureux à l’instar de nombreux pays du monde mais fragilisé par son économie rentière.
Mais reconnaissons avec objectivité que la présidence de la république et le gouvernement algérien, ont su gérer cette épidémie, malgré les conditions difficiles, qui touche de grandes puissances économiques, comme les USA, l’Europe et la Chine. Comme je viens de la rapporter à la télévision, France 24 le 23/04/2020, le gouvernement actuel n’est pas responsable de la situation actuelle ayant hérité d’un lourd passif alors que l’Algérie selon les données internationales a engrangé une recette en devises de plus de 1000 milliards de dollars entre 2000 et fin 2019 avec une sortie de devises de plus de 935 milliards de dollars, la différence étant le solde des réserves de change au 31/12/2019 d’environ 62 milliards de dollars avec en moyenne annuelle qu’un taux de croissance modique de 2,5-3% alors qu’il aurait du être de 8/9% par an pour éviter les tensions sociales et permettre une économie durable hors hydrocarbures rendant urgent un changement profond de la trajectoire économique face aux profondes mutations géostratégiques qui s’annoncent après cette crise. Le monde ne sera plus jamais comme avant.
Durant cette crise et pour l’avenir il faudra revoir le fonctionnement tant de nos sociétés que de l’économie mondiale. Afin d’impliquer tous les acteurs, il faudra s’orienter vers plus de décentralisation autour de grands pôles régionaux tant local que mondial, à ne pas confondre avec déconcentration) avec le primat à la société civile.
Face à la complexité de la compréhension de nos sociétés, il y a urgence d’intégrer les comportements au moyen d’équipes pluridisciplinaires complexes pour comprendre l’évolution de nos sociétés et agir sur elle. Le monde auquel l’Algérie devra se préparer à affronter d’autres crises plus graves, la guerre de l’eau liée à la guerre alimentaire, la guerre biologique, la guerre numérique et la guerre écologique ces quatre guerres, ayant des incidences sanitaires, économiques et sécuritaires.
Mais si les impacts de l’’épidémie du coronavirus sont un danger pour le présent, elles sont porteuses d’espoir pour l’avenir de l’humanité, une opportunité par notre capacité à innover par une autre gouvernance et pour un monde plus juste et solidaire.
Professeur des Universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul, directeur d‘Etudes Ministère Energie/Sonatrach 1974/1979-1990/81995-2000/2007-2013/82015-
1.: What is your assessment of the coronavirus epidemic in Algeria? –2.What about employment through this crisis? –3.Are the measures taken by countries appropriate in the face of this growing debt? – 4.What is the impact on the price of hydrocarbons that determines the employment rate via growth in Algeria? 5.What is the impact of Covid 19 on global employment? 6.What about the structure of the population and employment in Algeria? – 7.What are the prospects for the Algerian economy with this crisis? – 8.The Algerian people, the government and national solidarity- 9.What are the lessons of this epidemic for the future?