Dimanche 12 janvier 2020
Une constitution de la 2e république avec les artifices de la 1re
Cocktail qui n’a pas été du goût des protestataires de ce 47ème vendredi consécutif de dissidence populaire. La pluie fine qui s’est abattue sur plusieurs villes du pays ne semble pas décourager une frange importante de la société qui s’en est pris cette fois – ci aux mêmes méthodes qui reconduisent le même système qu’il dénonce depuis le 22 février 2019.
Même s’il est généralement admis que la plupart des constitutions dans le monde, portent l’empreinte des spécialistes, elles ont tout de même duré dans le temps. La rédaction de la constitution du 4 octobre 1958 a été confiée par le Général de Gaulle à une équipe très restreinte du parlement français très imprégnée aussi de la cause du général. Elle a été conçue pour mettre un terme aux excès du régime d’assemblée, dans un contexte marqué par l’incapacité de la quatrième République à affronter les crises de la décolonisation.
Au centre se trouve le Président de la République, « clé de voûte des institutions ». Il assure, par son arbitrage, « le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ». Son autorité s’est progressivement renforcée. Faites par des partisans politiques de différents bords, elle est actuellement en vigueur. Norme juridique suprême du pays, malgré vingt-quatre révisions, elle reste l’une des constitutions les plus stables que la France ait connue à ce jour. Quant à l’expérience Algérienne, on responsabilise les experts mais parfois ils ne font que valider un ordre établi sans apporter une expertise quelconque d’où son instabilité en fonction de l’humeur des hommes et de certaines circonstances politiques.
En général, une constitution est un ensemble de règles qui fait un compromis non entre les différentes théories et pratiques en la matière dans le monde mais entre les forces politiques sur place pour en faire une plateforme de départ. Alors confier sa rédaction à une influence experte « désignée » d’en haut, c’est ignorer le peuple qui en est le principal acteur car ces experts ne le représentent pas. Leur crédibilité est remise en cause par le simple fait qu’ils soient impliqués dans les révisions de la constitution Algérienne de 2014 et 2016 sous l’égide du président démissionnaire Abdelaziz Bouteflika.
Dans un délai de deux mois, touché à l’équilibre du pouvoir dont celui du président lui-même, mettre des gardes fous contre la corruption et s’étaler sur les libertés individuelles et collectives, relèves de l’impossible sinon revenir à une constitution tout à fait formelle, sémantique et surtout phraséologique comme l’ont été les précédentes. La démocratie qui vise un Etat de droit républicain et citoyen ne se décrète pas mais se construit et se pratique en fonction de l’anthropologie sociale et culturelle du milieu qu’elle vise. Nos aînés ont bien défini l’Etat dans les fondamentaux de notre constitution dans son premier article que «l’Algérie est une république démocratique et populaire » en insistant sur son unité parce qu’elle particulièrement communautariste. Sommes-nous pour autant républicain et démocrates dans le sens théorique du concept ? Quel est le parti depuis l’indépendance qui a montré un certain intérêt ou défendre les valeurs fondamentales d’un régime républicain ? Peut on aussi affirmer que l’Algérie a pratiqué la démocratie depuis son indépendance et la promulgation de sa première constitution ?
La voisine tunisienne par exemple a débattu sa nouvelle constitution pendant plus deux ans pour obtenir un semblant de consensus le 27 janvier 2017 sans pour autant étoffer entièrement les différents aspects des libertés individuelles et l’égalité qui ont fait l’objet d’une commission Ad hoc dit « des Libertés Individuelles et de l’Egalité (COLIBE) ». Elle a été installée par un président » très peu consensuel » le 13 août 2017 qui a pris plus d’une année de discussion, rien que dans ce chapitre alors comment peut on prétendre en Algérie réfléchir sur cet axes très compliqués, les débattre avec les forces politiques pour arriver à un consensus en deux mois ?
Même la Tunisie vient de donner un exemple communautariste puisque le président de la République, Kais Saied, a souligné la semaine dernière à Kasserine que les mécanismes juridiques mis en place aujourd’hui ne suffisent pas pour changer la situation en Tunisie et il « est désormais temps de revoir le code électoral et la constitution » et ce, après quoi ? Plus de 8 ans de discussion et de débat sur le sujet sans compter le fait qu’il a mis en veilleuse le décret sur le partage de l’héritage à parité égale hommes/ femmes sous le motif on le cite « on ne discute pas une règle de la Chariâa ».
Enfin la constitution peut elle aujourd’hui se permettre de définir l’Etat algérien à l’instar de la Tunisie comme un « Etat Civil » ce que réclame le Hirak ?
R. R.