23 novembre 2024
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Le destin de l’Algérie dépendra-t-il de la Kabylie ?

OPINION

Le destin de l’Algérie dépendra-t-il de la Kabylie ?

Les voix qui arrivent dans les quatre coins du pays pour saluer l’engagement sincère des Kabyles peuvent-elles être considérées comme un appel à l’aide? Y a-t-il, enfin, une forme de reconnaissance, de confiance et de solidarité pour bâtir ensemble le projet de l’Algérie de demain? 

La désignation de l’ancien premier ministre de Bouteflika en l’occurrence Abdelmadjid Teboune comme chef d’Etat par un groupe de militaires dirigé par Gaid Salah est une offense pour les millions de citoyens qui battent le pavé depuis 10 mois. De ce fait, l’Algérie est en train de vivre un moment, à la fois, historique et difficile face à un système qui refuse de céder. Et la Kabylie avec la réussite du rejet massif des élections et le respect du mot d’ordre de la grève générale de 4 jours sont des arguments suffisants pour se convaincre de la particularité de cette région en termes de luttes pour la liberté, la dignité et de la pratique politique.

En cette crise politique, par sentiment d’inquiétude ou d’une prise de conscience, les regards sont orientés vers la Kabylie, on attend beaucoup d’elle. Longtemps stigmatisée, de 62 à aujourd’hui, les pouvoirs successifs font d’elle un objet de discordance, un bouc émissaire pour justifier leur faillite politique et les décisions arbitraires. Depuis le congrès de la Soummam, en août 56, que cette région essaie de structurer d’une manière inclusive et dans la diversité la nation algérienne. Et malheureusement, à chaque fois qu’une solution se profile à l’horizon ou bien la proposer dans un intérêt général, on la diabolise avec des arguments qui ne tiennent pas la route. Des embuscades sont tendues ici et là par des individus à pensées dogmatiques. 

Il ne faut pas se tromper d’ennemi, ni se permettre un discours de division. La réalité que la Kabylie a joué des rôles prépondérants que ça soit contre les ennemis de l’extérieur comme le colonialisme ou bien ceux de l’interne qui font office d’ambassadeurs des théologies étrangères à nos valeurs ancestrales comme l’intégrisme. L’Algérie a trouvé son salut en Kabylie. 

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Il faut bien rappeler aux honnêtes citoyens qui proposent la Kabylie comme un exemple à suivre. La spécificité de cette région se résume à un ensemble de codes de conduite qui permettent à un individu de vivre dignement dans une collectivité bien définie, c’est-à-dire dans le respect des valeurs universelles et démocratiques. Donc, pour arriver à s’entendre dans l’intérêt de la nation et de ses sujets, ce qui est nécessaire et inévitable, il y a des principes non négociables qu’il ne faut jamais perdre de vue dans une éventuelle concertation, discussion, organisation et structuration. 

On pense à la séparation des pouvoirs, l’égalité homme/femme, le respect des droits humains, l’identité, la liberté de culte et de conscience, la séparation du religieux de la politique et la liberté d’expression sont des préalables démocratiques qui doivent être immuables dans la nouvelle Algérie.

Encore, il ne suffit pas de se focaliser sur la Kabylie, la vision doit être élargie sur le reste du pays et les autres États de l’Afrique du Nord pour capter les énergies positives en matière de changement. Nos destins sont liés par l’histoire et nos problèmes sont presque égaux : le despotisme, l’islamisme et le déni identitaire. Le projet d’organiser l’Algérie en régions autonomes comme il fut décidé au congrès de la Soummam pour mener un combat révolutionnaire contre la France coloniale peut s’avérer efficace pour l’appliquer aujourd’hui face au système qui gangrène le pays. 

Néanmoins, pour donner un exemple, la Kabylie a un fardeau sur ces épaules, c’est à elle qui lui revient la responsabilité de faire le pas en première, car elle requiert les moyens politiques et une forme de légitimité au reste des régions.

C’est à partir de Kherrata, le 16 février, que la révolution citoyenne a pris naissance avec son caractère pacifique, un exemple de courage que le reste du pays a suivi avec succès. Donc, il est légitime d’espérer qu’une solution politique parviendra de cette région. Pourquoi pas un deuxième Soummam ?

Aujourd’hui, les langues se délient, les esprits s’ouvrent petits à petits et les opinions sont assumés concernant le rôle qu’elle peut jouer la Kabylie dans la future nation algérienne. Pour arriver à ce degré de conscience, il est essentiel de présenter l’un des derniers faits historiques d’une région qui a trop subi. 

Peut-on oublier le jour du 14 juin 2001 : l’espoir détourné de l’Algérie ? 

Non, cette journée fut inscrite au registre de l’Histoire triste de notre nation. Le 19 avril 2001, la gendarmerie d’Ath-Douala a atteint Guermah Massinissa, un jeune lycéen, d’une rafale de mitraillette et en même temps, du côté Oued-Amizour trois élèves d’un CEM ont été interpellés devant leur professeur. Des gestes vils et volontaires qui ont mis toute une région en émoi. Un moment rempli d’acrimonie, la douleur s’empara de la Kabylie : de Tizi-Ouzou à Bejaia, la population est en révolte. Malheureusement, la réaction du pouvoir fut violente, d’autres victimes s’ajoutèrent pour atteindre 130 morts et avec plus de 5 000 blessés. 

Zerhouni, ministre de l’Intérieur, agent des services, avec mépris et à mauvais escient, traita Guermah Massinissa « de Mohammed un voyou de 27 ans ». Bouteflika le Chef d’État, une partie de l’Algérie est dans un brasier, lui préféra aller en voyage diplomatique en Côte d’Ivoire. Ali Benflis, Chef du gouvernement, des jeunes, abruptement, sont assassinés sous les balles de la gendarmerie, sans faire preuve de mansuétude, préférant ne rien faire. Voilà, en résumé, comment le personnel politique du sommet de l’État a géré la crise.  

Pour dénoncer les actes abjects, des millions de citoyens se sont donné rendez-vous pour le 14 juin 2001 à Alger. Malheureusement, ils les refoulèrent de la capitale avec des méthodes staliniennes. De la propagande, des arrestations arbitraires, traitement médiatique et menaces pour faire échouer la marche historique.  

Ce fut là le sort de l’événement, le système vient d’être sauvé, et l’espoir vient d’être détourné. Des familles endeuillées, et une région sombra dans l’isolement total. Depuis, une chape de plomb s’abat sur la Kabylie, les relations politiques ont beaucoup changé. Elles furent entièrement détériorées. 

Entre temps, un travail tendancieux et de scission est entretenu avec le reste des régions d’Algérie. Le kabyle est devenue l’ennemi numéro à abattre. Ne disposant pas de moyens médiatiques pour rectifier l’image et expliquer aux autres que la révolte nous concerne tous. La plate-forme d’El-Kseur est une revendication nationale et non régionale. Dommage, à l’époque, les réseaux sociaux ne sont pas encore si développés comme aujourd’hui afin de démentir. 

Il a fallu attendre 18 ans pour que le message arrive à destination, une prise de conscience a gagné du terrain. Le 16 février 2019, de Kharrata en Kabylie que les choses ont été reprises. Les Algériens ont compris qu’ils étaient dupés. Finalement, tout le monde est concerné, la « kabylisation » de l’Algérie est un fait incontestable. 

Ce qui s’est passé le vendredi 13 décembre à Oran est grave, des femmes et des moins jeunes ont étés agressés violemment par des services de sécurité déchaînés. Les Oranais comme les Algérois en 1988, les Kabyles en 1980 et 2001, et les mozabites en 2014 viennent d’être humiliés par le même pouvoir et avec les mêmes méthodes. Aux Issers, encore en Kabylie, un homme de 48 ans vient de perdre sa vie suite à l’inhalation des gaz de l’lacrymogène. D’autres incidents touchent d’autres villes du pays notamment à Tlemcen, Mostaganem, Annaba et Temouchent avec plus d’une centaine de blessés et d’arrestations. Beaucoup de jeunes viennent de perdre un œil par des balles en caoutchouc, c’est dramatique.   

Finalement, le pouvoir ne fait pas de distinction quand il s’agit d’avilir le citoyen. Qu’il soit de la Kabylie, de l’Oranie, de l’Algérois ou du sud la riposte est sans concession. Donc, il faut tirer des enseignements pour saisir la volonté réelle d’une poignée de scélérats qui manipulent un peuple dans un seul objectif : se maintenir au pouvoir. 

Malgré tout, aujourd’hui, une espérance est née pour en finir avec un système qui refuse de partir sans faire des victimes. C’est une question de temps pour aboutir. Le peuple est en train de s’instruire politiquement, et éventuellement doit s’organiser. Il a compris que son destin ne dépend que de lui-même.

Espérons que cette évolution sur la manière d’appréhender l’enjeu kabyle vis-à-vis des autres régions du pays ne soit pas estompée du jour au lendemain. 

 

Auteur
Mahfoudh Messaoudene

 




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