Jeudi 11 avril 2019
Ali Benflis vs Saïd Sadi : choc de titans ou rivalité d’enfants ?
Les images d’un Bensalah accueilli sur le perron d’El-Mouradia par la même équipe que celle qui a géré les 20 ans de règne de Bouteflika dégagent une humiliation supplémentaire que nous aurions bien aimé ne pas avoir à supporter.
C’est comme si le clan, si décrié depuis des semaines, venait de se débarrasser d’un maître encombrant pour mieux recouvrer ses espaces, en habituels conquérants, en légitimes colons ! C’est donc cela l’article 102 ? Se débarrasser d’un handicapé incommodant pour mieux remettre la « 3issaba » aux affaires, et agréer de nouvelles provocations !?
Ahmed Gaïd Salah a beau s’exciter dans tous les sens pour justifier la transition en mettant sur scelle son propre « fiston » Bensalah, le fait que l’armée ait dû s’impliquer pour faire appliquer la constitution, cela s’appelle, en jargon moderne, un coup d’Etat !
Et encore une fois, à quoi sert une constitution si, en dernier ressort, il revient à l’armée de la faire appliquer ?
Il est impossible de construire une Algérie moderne si nous n’osons pas pointer du doigt les véritables responsables de la débâcle politique du pays. Ce n’est pas parce qu’on est Général qu’on a la Science infuse nécessaire pour imposer qui on veut, quand on veut, à la tête du pays ! Je n’apprends rien à personne en rappelant que depuis 1962, le pouvoir civil est composé de marionnettes manipulées par les résidus de l’armée des frontières et de leurs héritiers !
Le peuple aspire au changement ! Il est temps que l’armée change aussi ! Et pour ce faire, il faut se départir de ces privilèges qui accordent une position de supérieur par rapport au citoyen lambda, pour le militaire de base, et par rapport aux responsables civils pour les Généraux et officiers supérieurs. Et si nous osons la critiquer, c’est dans l’espoir de la voir épouser la dynamique de mutation du pays, si vraiment elle en ressent la proximité et l’attachement. Nous la voulons en phase avec cet élan de solidarité extraordinaire du peuple. Nous la voulons aussi moderne ! nous la voulons dans les casernes. Et jamais plus forcée de se mêler de politique, au service de ces dirigeants des cavernes !
Il ne suffit pas de donner en pâture (même s’il l’a bien cherché, et c’est tant pis pour lui) Ali Haddad pour se dédouaner de méfaits supérieurs dont l’armée a toujours été partie-prenante, voire la première responsable. Il est statistiquement impossible que les acteurs de la classe politique soient tous corrompus, comme il est tout aussi impossible que cela soit le cas dans les rangs de l’armée ! A cet égard, les Généraux et autres officiers supérieurs sont redevables de comptes qu’il est de leur devoir d’assainir aussi ! Et ce n’est qu’à cette condition qu’elle pourra se soustraire de toute incursion dans le monde politique pour se consacrer, à l’exclusif, aux prérogatives qui sont les siennes.
Il n’y a que dans les pays sous-développés, particulièrement dans les pays arabes, que l’armée se mêle de politique, tout simplement parce que l’idée de pouvoir, telle qu’elle nous est importée du Moyen-Orient, est associée à l’idée de force, et non pas à celle de l’intelligence et de l’ambition. Nous sommes en 2019, et pas en l’an 622, bon sang !
Quelles que soient les tournures à venir, le peuple ne portera nulle responsabilité de quelconque échec ! Car, de Ben Bella à Ben-Salah, c’est toujours l’armée qui nous a choisi le sommet de la pyramide du pouvoir, avec des présidents qui engagent leur bande de copains pour faire du pays leur propriété privée ! La citadelle du Club des Pins est là pour témoigner !
Au contraire de ce qui est lu çà et là dans la presse, y compris sur les colonnes du Matin d’Algérie, critiquer l’armée, ce n’est pas la diaboliser, mais l’aider à se débarrasser de ses vieux démons ! Car tout autant que nul pouvoir ne peut se prétendre parfait, les militaires ont leurs imperfections aussi !
C’est un peu trop facile d’applaudir et de se ranger du côté de ceux qui ont « a3akkaz dh’ekfouss » ! On ne peut prétendre aspirer au changement tant espéré par 40 millions d’Algériens si nous n’osons pas dire certaines vérités à l’armée ! Des vérités que tout citoyen connaît.
Et si Ali Benflis applaudit Ahmed Gaïd Salah et le fait savoir, quasiment en fanfare, cela participe d’un certain réflexe conditionné, celui de nourrir l’espoir de se voir adoubé par les Généraux ! Cela fait partie des vieux mécanismes de ceux qui en sont encore à raisonner dans la logique FLiN-tox du parti unique, un parti sous la botte des militaires depuis 1962.
Quoiqu’il dise pour s’en défendre, Monsieur Benflis est formaté à une soumission totale aux hauts gradés ! Et si la ruse supérieure du système consiste à nous le fourguer le 4 juillet, lui ou Ali Ghediri, cela commence plutôt bien pour eux, puisqu’on commence déjà à s’attaquer aux autres sommités politiques du pays, à leur tête Said Sadi.
Quel stratagème utiliseront-ils pour nous recycler un des leurs ? Seuls eux et Allah le savent ! En termes de complots, on peut leur faire confiance.
Dans cette logique de recyclage, il reste à se débarrasser de ceux qui comme Said Sadi osent remettre de l’ordre dans le désordre ! Dans son envolée contre lui, une phrase d’El-Hadj Benflis attire particulièrement l’attention. Il y stipule «il n’y a pas de place pour les faux procès ou pour les coquetteries des puristes du chaos créateur » !
Awallane, c’est quoi au juste ce faux procès ? Inviter l’armée à ne pas s’immiscer dans les affaires de la cité, c’est lui intenter un procès ? Allons, allons, un peu de pragmatisme et de légalité terrestres a si El-Hadj au lieu de chercher en permanence à noyer le monde dans la « logique » du hissab oua el-3ikab et du youm-el-kiyama !
Thaniène, «puristes du chaos créateur», par opposition au créationnisme occulte ? Ah, nous y voilà donc ! à travers cet énoncé, El-Hadj Benflis sous-entend bien ce qu’il veut faire entendre : en gros, Said Sadi ne faisant jamais référence à Allah, il ne peut prétendre à une analyse aussi juste que ceux qui, comme lui, sont en contact permanent avec le créateur pour ne pas s’égarer du droit chemin ! Ardjouk a si El-Hadj, que ce soit sous l’angle déterministe ou stochastique, le chaos est un phénomène hasardeux, imprédictible et néfaste pour la vie de la cité quand pouvoirs politique, militaire et religieux interagissent pour se liguer contre le peuple et le maintenir dans le brouillard ! Et c’est bien ce à quoi nous assistons depuis 1962 !
Pour enfoncer le clou et clouer le bec à la lucidité, «la vision de la transition démocratique de Said Sadi est erronée » stipule un défenseur de la cause Benflis ! On reproche à notre Docteur national de « critiquer (le mot diaboliser est exagéré) l’armée par le simple fait d’avoir côtoyé et entretenu des relations cordiales, voire amicales, aussi bien avec le Général Mediène qu’avec son mentor, le défunt Général Larbi Belkheir ». Et alors ? Mediene et Belkheir étaient-ils au service d’une force ennemie du pays pour que Said Sadi les fuit comme la peste ? Il a certainement essayé de les raisonner, voilà tout. À moins que maintenant que l’on nous dise (allez savoir la vérité !) que Tewfik est un comploteur, l’on veuille suggérer que Sadi est un conspirateur aussi ? Ainsi va la nature humaine, on amplifie les infimes écarts des autres et on oublie les vastes débordements des siens ! Mais bon, inutile de s’adonner au jeu pervers d’une comptabilité politique qu’il est préférable d’ignorer !
Quelles que soient les ambitions des uns et des autres, quelque soient les accointances passées des uns avec les autres, quels que soient les reproches des uns à l’adresse des autres, quelles que soient les failles passées des uns et des autres, une chose est sûre, si un classement des 20 top-politiciens algériens était établi sur la base de jauges universelles, Saïd Sadi en ferait partie ! Si la série se limite à 10, il en ferait partie ! si elle se limite à 3, il en ferait partie aussi ! Le pays serait bien mal avisé de ne pas choisir ses responsables sur des bases universelles de discours et de lucidité ! Malheureusement, nous avons bien vu comment la danse du ventre s’opère : une série de génuflexions collectives et vous voilà hallalisé pour diriger ! Ce n’est pas très moderne comme approche de gouvernance.
Pourtant, il est inutile de recourir à mille causeries pour faire adhérer tout le monde à une formule de trois conditions sommaires, pour construire l’Algérie de demain ; celle qui ressemble à ces millions de citoyens en formations symbiotiques magnifiques, sous le regard émerveillé de la planète, de l’Asie à l’Amérique, de l’Europe à l’Afrique :
1) Soldats à vos casernes !
2) Pratiquants à vos mosquées !
3) Citoyens au boulot !
Ce n’est qu’en se conformant à ces postulats quasi-élémentaires que nous mériterions une 2ème république ! Une république dans laquelle les meilleurs dirigent et transmettent le bon exemple à ceux qui suivent !
Sur la base de ces trois évidences, nous envisagerions gaiement un retour au bercail d’origine pour offrir nos ultimes doses d’énergie de colibris bénévoles afin de contribuer à l’édification de ce pays rêvé depuis ces « tahia eldjazaïr » braillés à gorges déployées, au lendemain du départ des roumis !
Cerise sur le gâteau, le Matin d’Algérie sur les étals des kiosques à journaux !
Interlude de rêve et d’utopie ? Que resterait-il en nous d’humanité si nul espoir n’est permis ?