Jeudi 3 mai 2018
Bouteflika se découvre laudateur de la presse algérienne
Incroyable message que celui que vient d’envoyer le président Bouteflika à la presse à l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse. Ce président qui a couturé les libertés à coups d’interdictions machiavéliques et de procédés les plus retors se découvre une proximité avec la presse.
Hier contempteur en diable, aujourd’hui laudateur ! Piquons-nous qu’on se réveille donc !
En politique c’est comme en amour il n’y a que les actes qui comptent et en l’espèce on a quelque réticence à accorder le bénéfice du crédit à ce message. Longtemps hautain, Bouteflika se pique aujourd’hui de liberté et se met dans la peau d’un grand défenseur des journalistes. Il y a comme un cynisme manifeste à dire que la liberté de la presse est consacrée en Algérie quand on sait le mépris que l’auteur de ce message entretient envers les journalistes algériens. Faut-il rappeler qu’en 19 ans de règne, le président Bouteflika n’a donné aucun entretien à un journal algérien !
« Totale est ma confiance en vous, femmes et hommes de la presse, à la différence de vos obédiences et orientations politiques quant à votre amour à la patrie et votre attachement à sa stabilité et à son développement car vous n’avez de patrie autre que l’Algérie et d’avenir prometteur hors de l’Algérie », nous prie le président Bouteflika de croire. Et pourtant, les occasions de montrer « cette confiance » presque affectée ont été nombreuses. En vain, les journalistes algériens n’ont eu en retour que silence, entraves, dédain et interdictions…
En effet, longtemps, il aura donné à tour de bras des entretiens, en France et ailleurs, recevant avec égards les journalistes étrangers sans daigner un jour accorder une entrevue à un journaliste algérien. Les faits sont simples et têtus, ils ne plaident pas pour l’auteur de ce message plein d’aménité envers la presse.
Ce message empreint de grands principes balaye sournoisement les vrais problèmes et élude la situation de cette presse louée à coups de périphrases.
La lecture de ce communiqué nous fait presque rêver ! Le président Bouteflika invite la presse à investiguer ! Qui l’eût cru ? Est-ce le même homme qui a superbement ignoré le travail de cette même presse pendant toutes ces années qui a écrit ce message ?
Faut-il lui rappeler, si d’aventure la mémoire fait défaut à l’auteur de ce message, que si Le Matin a disparu des étals algériennes c’est parce qu’il a mené des enquêtes sérieuses sur les affaires les plus scandaleuses de ces 20 dernières années. Orascom, Chakib Khelil, Sonatrach, la répression de Tkout… autant de scandales qui ont valu au Matin son interdiction.
Quand le président Bouteflika rend hommage aux journalistes assassinés durant la décennie noire, on se demande si c’est aussi le même personnage qui avait déclaré que s’il était du FIS il aurait rejoint le maquis !
On peut comprendre que le président Bouteflika veuille tromper le peuple une partie du temps, mais on se refuse de croire qu’il puisse tromper tout le peuple tout le temps, pour paraphraser un président américain.
Non Monsieur le président, on ne peut pas en effet être Mouammar Kadhafi et se découvrir sur le tard de sa vie Thomas Jefferson !
“Le prix de la liberté c’est la vigilance éternelle”, avait dit Jefferson. Aussi, nous gardons pour nous la vigilance inentamée et vous laissons les discours vespéraux.