25 novembre 2024
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Dans l’antichambre du pouvoir algérien (II)

Paralysie et cacophonie au sommet

Dans l’antichambre du pouvoir algérien (II)

En attendant cette métamorphose, le pouvoir tricéphale (Abdelaziz Bouteflika, M. L. Mediene, A. Gaïd-Salah), s’est réduit en bicéphale (d’Abdelaziz Bouteflika et d’Ahmed Gaïd-Salah) et s’est transformé en une alliance de dupes (31), chacun tentant de contrôler l’autre (32).  

Certains prévoient que ce duo tiendra le temps d’une chanson (raïna raï) et que l’objectif, non caché d’ailleurs, du Président elliptique ne sera exaucé qu’à partie du moment où il sera le seul et l’unique centre de pouvoir (33), en d’autres termes, il devra éliminer tous les autres centres. Pour cela, il se rend à Grenoble (aux pieds des Alpes) pour se refaire une santé car la manœuvre risque de l’épuiser ! La meute est donc lâchée sur tous les obstacles fictifs ou réels, contrariant cet objectif car ces centres de pouvoir concurrents doivent disparaitre et à commencer par le SG du FLN (créé par le DRS d’El-Oued), qui en se rendant à Annaba, réputée capitale des complots, a franchi le Rubicon. Surnommé « el-fehal »(34) et de retour de quelques semaines de stage sur le thème de la trahison, il est mis en demeure de restituer les clés du bail FLN. La raison étant évidente, la santé, il va être démonétisé et chargé de gérer sa fortune accumulée « pour service rendu à la nation », en attendant une autre éventuelle mission d’éradication !

A 84 ans, le jeune nouveau locataire, ami de la famille depuis toujours, est haut en couleur et déformé comme technicien de santé en ex-RDA (35). Sa feuille de route consiste à déclarer à tue-tête que toutes les décisions qu’il prend, proviennent du Président elliptique (pour se protéger) et démontre également qu’il est dans le premier cercle du pouvoir et surtout que la «chkara» liée à ce poste, lui revient maintenant, à lui seul (36)… un remake, en quelque sorte, de tous ceux qui ont transité par ce fauteuil richement éjectable ! Sa mission est unique, elle consiste à préparer les conditions matérielles et boulitiques de la cinquième désignation élective, anticipée ou non, maintenant que celui qui a cru pouvoir refuser la «succession héréditaire» a été neutralisé (37) comme d’ailleurs celui qui a été choisi pour l’exécuter… A qui le tour ?

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En même temps, tout le monde « boulitique » est sur le pont, déployant manœuvres (38) et ambitions (à peine cachées) afin de prétendre à l’intronisation et notamment Lucky Luke (39) et Joe la blague (40), guettant l’inclinaison du navire et se mettant eux-mêmes, dans la quadrature du cercle, s’obligeant à défendre le Président elliptique (41), tout en tentant de l’égorger pour le remplacer, à la première occasion possible (42) ! Le clan présidentiel, pour sa part, clame haut et fort que le retour à «l’état civil» est une véritable révolution que l’Algérie doit au seul Président de la république. Dès lors, le modus vivendi consiste donc à se mobiliser autour de lui et défendre son programme… en ajoutant, tautologiquement, sous le seul burnous de la machine électorale du FLN (43) et de son Président (44). La feuille de route, pour une cinquième désignation élective, que devra mettre en œuvre «le Dr Mabuse», doit obligatoirement fermer le jeu politique, par une redistribution de miettes aux partis de l’opposition, pour consacrer un pluralisme de façade. Excluant toute idée d’alternance politique ou de transition (45), tous les autres partis et les associations tiroirs-caisses (46), sont appelés à construire une coalition, sous la houlette du FLN (47), où chacun recevra sa part de rente (48), en fonction de la pertinence de sa moubayaa, au futur Président programmé. Une initiative qui en fait n’est qu’un comité de soutien permanent au Président elliptique et une arme redoutable contre toutes les ambitions présidentielles des autres candidats potentiels. C’est la deuxième feuille de route du chef provisoire du FLN, qui a déjà commencé à mettre en place une politique universelle dite de la « carotte ou du bâton » (49).

Devant ces manœuvres grossières et pour le moins folkloriques (50), personne, à l’intérieur et à l’étranger, n’est dupe mais tout un chacun tente d’identifier et de mesurer les possibilités de réussite de ces démarches, peu importe les aspects éthiques et moraux qu’elle pose. A l’intérieur du pays, les oppositions légales ont compris la manœuvre et la rejettent avec plus ou moins d’unanimité. Le Pouvoir est donc obligé de recourir dans sa prochaine étape, à sa carte maitresse, les élections intermédiaires, à savoir les législatives et les communales, tant attendu, pour toujours conserver l’initiative politique de la redistributions des rentes! Il est clair que ce projet a le désavantage de mettre à nu les arrière-pensées boulitiques du Pouvoir, à savoir la cinquième désignation élective anticipée ou non. En effet, à l’exception des leurres habituels, les futurs équilibres seront taillés sur mesure pour cette opération vitale pour le pouvoir (51). Qu’en pensent les puissances étrangères ?

M.G.

Renvois

(31) La neutralisation de l’institution militaire, dans les équilibres précaires du pouvoir, entreprise par le Président, a consisté, dès son intronisation à, tantôt accorder tout le pouvoir aux services de sécurité (DRS) au détriment du corps de bataille et tantôt de faire l’inverse. C’est ce qui s’est passé, lors de la destitution du général M. L. Mediene, alias Toufik. Maintenant que tout le pouvoir de l’institution militaire est sous le contrôle du corps de bataille, commandé par l’unique vice-ministre de la défense et chef d’état-major, sa restitution aux services de sécurité, incarnés par le général B. Tartag, diminué et bridé tant en moyens qu’en personnels, devient une opération à haut risque pour le Président elliptique, puisque cette ruse ne jouit plus de « l’effet de surprise ».

(32) La revue El Djeich rassure et menace en même temps la présidence de la république en écrivant : « La cohésion entre l’Armée nationale populaire et le peuple algérien ainsi que la loyauté envers la nation sont plus profondes et plus fortes pour être ébranlées par les vaines et désespérées tentatives visant à semer le trouble et la division ».

(33) Les signes avant-coureurs de manœuvres de destitution, du numéro deux du régime, peuvent être perceptibles dans l’article de H. Ouali, intitulé : Gaïd Salah a-t-il une ambition présidentielle ? Même son de cloche de la « maréchale » d’El Watan, S. Tlemcani. Dans cette logique, il va de soi, qu’en s’appuyant sur lui pour écarter le général M. L. Mediene, le Président elliptique se doit d’achever sa volonté, plusieurs fois déclarée, d’être un Président à part entière, en démettant son vice-ministre de la défense et chef d’état-major, en le remplaçant par un ministre de la défense …pourquoi pas un civil, pour tout verrouiller définitivement !

(34) Par sa double signification de courageux et d’instrument de musique, Amar Saadani rappelle ainsi qu’il a été le seul à avoir accepté la mission pour compte, de s’attaquer frontalement au général de corps d’armée M. L. Mediene dit Toufik, commandant du DRS, d’une part et d’autre part, il confirme ses talents artistiques avérés (le pipo).

(35) Certain y voit la main cachée de l’ex-patron du DRS qui prend sa revanche, en attendant un châtiment exemplaire digne de sa réputation.

(36) Il vient de déclarer solennellement «que personne n’est habilité à parler en son nom en matière de proposition de candidature aux législatives et aux communales», dont acte.

(37) Il ne faut pas perdre de vue que le quatrième mandat n’a posé de problèmes à personne dans le sérail. C’est l’AVC subi par le Président et ses séquelles physiques et psychologiques qui vont bouleverser toute la donne et en particulier lorsqu’il s’est agi de sa succession anticipée.

(38) Il est assez symptomatique dans le sérail, de lire que l’ombre, du désormais général à la retraite, M. L. Mediene plane sur tous les rebondissements boulitiques dans notre pays .Il y va ainsi de l’initiative des 19- 4 que d’aucun n’hésite pas à qualifier de manœuvres construites par lui ?

(39) Le dernier mouvement de redressement, au sein du RND, rappelle à son SG, qu’il est en sursis permanent et qu’il a intérêt à éviter les visites à Annaba «la coquette», sinon…

(40) Instruit pour critiquer l’activité gouvernementale, C. Khelil sort de sa tanière, pour désigner le responsable de la crise économique et rappeler, à tous, qu’il représente toujours un recours malgré les procès en cours contre lui en Italie.

(41) Toutes les attaques virulentes et intempestives contre les partis de l’opposition, celles ciblées et ciselées contre l’initiative des 19-4 et celles qu’ils ne manqueront pas de lancer à l’avenir, sont autant de gages d’allégeance, au Président elliptique, dans le fol espoir de rester en course pour les présidentielles. Le Président elliptique, pour sa part, ne manquera pas de les éradiquer tous les deux, à la première occasion.

(42) Tout va dépendre des derniers résultats médicaux de Grenoble. Selon le technicien de santé D. Ould-Abbas, «le Président va marcher dans quelques jours». En fait, on oublie trop facilement qu’en cas de mauvaises nouvelles, le Premier des ministres, Joe la blague est en pool position pour la présidentielle anticipée et son dernier voyage «triomphale» en Arabie Saoudite le conforte, sauf si L. Brahimi est imposé par les puissances étrangères (USA et France).

(43) Le contrôle du FLN et du RND, ne se pose pas du tout en termes de programme politique mais en termes de contrôle du processus de désignation élective du prochain président. Or, les deux SG de ces deux partis ont tenté de jouer leur propre carte politique, ce qui a eu pour conséquence la liquidation du premier et un carton jaune au second… Tuez, tuez, Dieu reconnaitra les siens !

(44) Il ne faut jamais oublier que lors du dernier Congrès du FLN, une motion unanime a permis à A. Bouteflika de devenir président de ce parti. De même, le Premier ministre, plusieurs ministres, des PDG d’entreprises, des ambassadeurs, des présidents d’association… sont devenus membres du comité central ou pris leur carte de militant.

(45) Avril 2019, étant officiellement la prochaine échéance présidentielle, il est donc exclu pour le Pouvoir d’envisager un quelconque autre agenda. Les deux années restantes ne seront pas de trop pour préparer la cinquième désignation élective. Les signes avant-coureurs, de cette préparation, sont de plus en plus apparents.

(46) Ayant anticipé le peu d’enthousiasme que le projet du front national avait suscité, le Président va porter tous ses efforts pour récupérer le monde gluant des associations et leurs affidés, afin de mobiliser la troupe et constituer les futurs comités de soutien à la candidature présidentielle. Ainsi, l’UGTA, l’UNPA, l’UNEA, l’UNFA, l’ONVTAD (l’organisation des victimes du terrorisme), les zaouïas, une multitude de partis unicellulaires, le monde associatif et la société civile, devront être mobilisés.

(47) La proposition de rassembler, autour du Président elliptique, tous les partis politiques, y compris de ceux de l’opposition, a été lancée pour occuper le débat boulitique, gagner du temps et surtout neutraliser Lucky Luck, en attendant que son intérim au RND s’achève. L’échec programmé de ce front fait parti des manœuvres de diversion qui tentent de cacher les objectifs réels qui demeurent la préparation de la cinquième désignation élective.

(48) La course à rente a déjà commencé et certains partis tiroirs-caisses ont annoncé la couleur, comme l’ANR, TAJ, MPA… et les autres vont suivre. De même, les associations commencent à faire la queue devant les distributeurs de billets.

(49) Lors de son premier BP, le SG du FLN a surpris tous les membres en distribuant les rôles-clés de la campagne et des rentes subséquentes aux « redresseurs », après avoir négocié préalablement leur reddition.

(50) Le spectre islamiste voire djihadiste et donc de la guerre civile, est souvent remis au goût du jour pour faire basculer les populations dans le camp du statu quo.

(51) Certains articles dits sensibles tels que la désignation d’un vice-président et ses prérogatives, la désignation d’un chef du gouvernement et ses prérogatives, la place et le rôle de l’institution militaire, celles des assemblées élues (nationales, régionales et locales) et leurs prérogatives.

Auteur
Mourad Goumiri, professeur associé

 




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