Dimanche 1 novembre 2020
Référendum : une nouvelle Constitution pour enterrer le Hirak/Tanekra
Ce dimanche 1er novembre, l’heure n’est pas à la commémoration de ce haut fait d’armes mais au vote d’une loi fondamentale imposée et largement contestée.
Pendant que 90 détenus d’opinion croupissent dans les prisons, les Algériens sont invités d’autorité par le pouvoir à participer au vote pour la révision constitutionnelle censée fonder une « Algérie nouvelle » et enterrer ainsi le mouvement de dissidence citoyenne Hirak/Tanekra.
Ce référendum se tient en l’absence du premier concerné, le chef de l’Etat Abdelmadjid Tebboune, actuellement hospitalisé en Allemagne. Les télévisions ont montré en revanche les images de son épouse dans un bureau de vote.
La victoire du « oui » ne fait guère de doute tant la campagne électorale, qui a laissé la population largement indifférente, a été à sens unique. Les partisans du « non » n’ont pas été autorisés à tenir de meetings publics par les autorités locales.
Les 61.000 bureaux de vote fermeront à 19h00 locales. Le taux de participation annoncé est de 5,85% à 11h.
Les télévisions diffusaient des images des opérations de vote à Alger, Constantine, Oran, El Oued, Batna, Mila…
A Alger, où l’on vote généralement à la mi-journée, les électeurs étaient rares, selon des journalistes de l’AFP.
Vers 10H00, sur 249 inscrits au centre de vote Pasteur, au coeur de la capitale, seuls six électeurs avaient déposé dans l’urne l’un des trois bulletins: blanc pour le « oui », un bleu (« non ») et un autre vierge.
« J’ai voté oui pour que mon pays ne s’effondre pas », a déclaré, ému, à l’AFP, Djillali Bouazza, un retraité de 78 ans.
En raison de la pandémie, l’accès à l’intérieur des bureaux est limité à deux ou trois personnes à la fois et il est obligatoire de porter un masque.
Tebboune absent
Dans un message relayé samedi soir par l’agence officielle APS, le président Tebboune a assuré que « le peuple algérien sera, une fois encore, au rendez-vous avec l’histoire pour opérer le changement escompté, dimanche 1er novembre, en vue d’instituer une nouvelle ère à même de réaliser les aspirations de notre peuple à un Etat fort, moderne et démocratique ».
La date du référendum n’a pas été choisie par hasard: le 1er novembre marque l’anniversaire du début de la Guerre d’indépendance contre la puissance coloniale française (1954-1962).
M. Tebboune, 74 ans, a été transféré mercredi en Allemagne pour des « examens médicaux approfondis » après l’annonce de cas suspects de la maladie de Covid-19 dans son entourage. Son état est « stable et non préoccupant », selon la présidence.
Son épouse a voté par procuration dans une école d’Alger, ont rapporté des télévisions.
Les réseaux sociaux ont fait état d’incidents isolés – marches nocturnes, urnes et bulletins détruits — en Kabylie, région traditionnellement frondeuse. C’est dire que la Kabylie est partie pour avoir le même taux que lors de la présidentielle de décembre 2019. Le seul enjeu de ce scrutin est le taux de participation.
Lors de l’élection du 12 décembre, il s’était établi à 39,93 ? %, soit le taux le plus faible de toutes les présidentielles pluralistes de l’histoire de l’Algérie, faisant de M. Tebboune un président mal élu et donc en quête de légitimité.
« C’est un référendum issu du haut, un plébiscite césariste », estime Massensen Cherbi, docteur en droit de l’Université Paris II Panthéon-Assas.
« Changement de façade »
M. Tebboune a fait de la révision de la Constitution, la énième depuis l’accession à l’indépendance, son projet phare et a tendu la main aux manifestants du « Hirak populaire authentique béni ».
Mais les « hirakistes » ont rejeté « sur le fond et la forme » une initiative perçue comme un « changement de façade » et prônent le boycott du référendum.
le « Hirak » réclame depuis février 2019 un profond changement du « système » en place depuis l’indépendance en 1962. En vain jusqu’à présent, même s’il a poussé en avril 2019 à la démission M. Bouteflika après 20 ans de règne.
De fait, la nouvelle Constitution, tout en mettant en avant une série de droits et libertés, n’offre pas de changement politique majeur: elle maintient l’essentiel d’un régime « ultra présidentialiste » et élargit même les prérogatives de l’armée.
Le scrutin constitue ainsi un défi pour un Hirak affaibli par une campagne de répression qualifiée d' »implacable » par Amnesty International, et par l’interruption forcée des manifestations en raison de la crise sanitaire du coronavirus.
Quelque 90 personnes (activistes, blogueurs, journalistes) sont derrière les barreaux, la plupart pour des publications sur Facebook, selon le Comité national pour la libération des détenus.
« La répression en cours vise aussi à empêcher que le scrutin ne subisse un nouveau boycottage massif car cela décrédibiliserait les incantations sur « l’Algérie nouvelle » », analyse le journaliste algérien Akram Belkaïd sur son blog.