Lundi 12 octobre 2020
Aïssa Benaïdjer, un jeune Algérien d’Amizour, chef-cuisinier de grands palaces parisiens
Nicolas Sarkozy, l’ancien président français et Aïssa Benaïdjer.
Lui, c’est Aïssa Benaïdjer. Un ancien élève avec qui j’ai eu le plaisir de bavarder récemment via Messenger. J’ai eu de ses nouvelles et elles sont bonnes. Un jeune Algérien de Béjaia.
Un jeune parmi tant d’autres, laissés pour compte dans leur pays et qui tentent leur chance et réussissent ailleurs, outre-mer. Aïssa s’est envolé de ses propres ailes pour s’installer « en noir » en France » où il a pu réaliser son rêve : devenir chef-cuisinier. « C’est mon rêve et c’est ça ! » tranche ce jeune natif du petit village d’El Koumi, dans la commune d’Amizour. Depuis qu’il est parti sous d’autres cieux, beaucoup de choses ont changé pour lui.
Avant de s’exiler, Aissa a choisi le métier de cuisinier. Plus qu’un métier et un gagne-pain, une véritable passion. Il fait son entrée dans le métier à l’âge de 18 ans, par une formation et un stage de cinq ans, de 2015 à 2019, à l’hôtel Aurassi, à Alger. Curieux de tout, persévérant, il se documente dans le domaine de la gastronomie, améliore sa maîtrise de la langue de Molière et, à travers ses recherches sur Internet, il découvre les multiples facettes d’un univers qui le fascine et où le moindre détail compte et où, aucun faux pas n’est permis.
A 23 ans, il décide de tenter sa chance « là-bas ». Il s’envole alors pour l’Hexagone et atterrit à Paris. Dans ses bagages, le jeune homme n’avait que sa détermination, sa volonté, mais surtout son sérieux, des « ingrédients » indispensables à l’aboutissement de tout projet de vie, et dont regorge Aïssa. « Quand on veut, on peut », une formule en laquelle il croit dur comme fer. « Tu peux aller loin Aïssa, fonce ! » avais-je l’habitude de lui lancer au cours de nos discussions, pour l’encourager à aller de l’avant.
Le jeune Algérien, a galéré durant neuf longues années. Un sans-papier, dans un pays qui, depuis quelques années, ne fait plus de « cadeaux » et devenu plus regardant et intransigeant en matière d’immigration. « Pendant cette période, raconte-t-il, comme beaucoup de jeunes « clandestins », j’ai rasé les murs, me suis démené comme je pouvais pour me frayer un chemin ». Et la hantise d’être pris dans les filets des contrôles de police inopinés au ventre.
Grand bosseur, Aïssa cumule des boulots toujours dans le milieu de la restauration. Il obtient sa carte de séjour et passe un concours qu’il décroche avec une note de 8 sur 10. Avec un CV qui prend un peu plus d’épaisseur et fort de ces aptitudes professionnelles, il se fait délivrer sa carte professionnelle qui lui permet de choisir cinq établissements hôteliers dans Paris.
Tour à tour il occupe le poste de chef au Petit et Grand Carillon et même au Fouquet’s, une autre adresse réputée de la cuisine parisienne.
Actuellement, sa journée de chef-cuisinier s’organise entre un bistrot-restaurant, le Saint-Michel dans le 10e Arrondissement et, le soir, comme chef de partie au Royal Manceau, une grande enseigne hôtelière à Paris. (Un chef de partie est un cuisinier, qui s’est spécialisé dans une discipline donnée, comme saucier, rôtisseur, poissonnier,…) « Je bosse comme un dingue, 16 heures par jour », dit-il. « Il le faut, explique-t-il, je dois aussi aider mon petit frère qui suit une formation dans le secteur de l’assurance, dans une école privée, à Alger et contribuer à la construction de notre maison familiale. »
Dans le prestigieux hôtel-restaurant, au Royal Monceau, un palace 5 étoiles, dans le 8e arrondissement de la capitale française, notre jeune chef a l’habitude de recevoir et de servir un « client » particulier et exceptionnel. Une personnalité de marque. Celui-ci n’est autre que Nicolas Sarkozy, (oui, vous lisez bien), l’ancien président français, qui appréciait tout particulièrement ce jeune Algérien d’Amizour, sympathique, intelligent et dynamique et qui sait ce qu’il veut. « Mon sans-papiers préféré », aimait plaisanter avec lui Sarkozy. « C’est lui qui m’a aidé à régulariser ma situation », confie Aissa dans un éclat de rire. Une délivrance, un sésame qui lui ouvre plein d’autres portes dans le monde de la restauration et de la gastronomie.
Aissa, le jeune Algérien, joue dans la cour des grands et passe à la création gastronomique. « Actuellement, je m’exerce à apporter ma touche personnelle dans l’art de la cuisine, j’ai même, mes propres créations», dit Aissa, avec un sourire discret qui laisse transparaître un sentiment légitime de fierté.
Sur les photos qu’il me fait voir, l’on peut admirer quelques-unes de ses préparations, de véritables petites œuvres d’art, des plats pleins de poésie, hauts en couleurs et qui émerveillent les yeux et les papilles.
Se faire une place dans ce milieu, à Paris, considérée comme la capitale mondiale de la gastronomie, est loin d’être évident. C’est, même, une gageure. Un défi. Surtout pour un jeune Algérien, de l’Algérie profonde, parti de presque rien. Aissa a cru à sa bonne « étoile ». Bravo grand Chef et bonne continuation !