25 novembre 2024
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L’ami et militant Mouloud Kaneb a tiré sa révérence

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L’ami et militant Mouloud Kaneb a tiré sa révérence

C’est mardi 29 septembre en fin de matinée que j’apprends le décès survenu la veille de mon ami et contribule Mouloud Kaneb âgé de 80 ans.

C’est un coup de fil de Rachid Haddour qui m’annonce gravement la triste nouvelle alors que j’étais en Province. J’en ai immédiatement informé Youcef Hebib avec qui il a créé, et d’autres avec eux, l’association « Les Amis de l’académie Berbère » en 2016. Comme il n’y a jamais de hasard dit-on mais plutôt des connexions, j’ai appris cette nouvelle alors que je me rendais au cimetière de Moissac pour me recueillir devant la tombe de Slimane Azem. Ce grand artiste était un des mentors de Mouloud lorsque celui-ci rejoint cette célèbre Académie Berbère de Paris. 

Comme dda Slimane, Mouloud était discret et se conduisait avec réserve et retenue. Sa vie consacrée au militantisme lui a permis de devenir un homme de sagesse et de discernement. Après avoir travaillé quelque temps à Alger puis comme instituteur à l’école des Pères Blancs d’Iwadiyen au début de l’indépendance, Mouloud pris le chemin de l’exil comme beaucoup de jeunes de son époque. La nouvelle Algérie n’était pas prometteuse, elle a repris telles quelles les méthodes coloniales d’étouffement de la société. La police politique de Boukharouba a repris les réflexes des services psychologiques de l’armée française. Pour les Algériens, c’est un drame qui se rajoute aux drames précédents.

Mouloud ne pouvait pas supporter ce joug drapé de couleurs nationales. Il était déjà habité par la flamme militante pour l’indépendance du pays. Arrivé à Paris, il a tout de suite refusé la vie du travailleur soumis à la cadence « métro-boulot-dodo ». Elle ne lui convenait pas, lui l’homme du combat continu. 

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À Paris, il a très vite rencontré Hamid un contribule actif versé dans la défense de la culture amazigh (on disait berbère à l’époque).  Hamid, de son vrai nom Hamici Chabane, animait une émission kabyle à l’ORTF. Et en 1966, Hamid était de ceux qui ont créé la première association de culture berbère avec d’illustres personnalités : Md-Amokrane Khelifati, Abdelkader Rahmani, Taoues Amrouche, Md-Saïd Hanouz, Amar Naroun, Md-Arab Bessaoud, Djaffar Oulehbib entre autres. Mouloud Kaneb faisait partie de la jeune garde qui rejoignit ce groupe d’intellectuels et de « vieux » militants.

Des villages Iwadiyen, il y avait, à ma connaissance, Mouloud, Yahia Latrous, Akli Djabri, Md-u-Lhocine Deghal et Mohamed Guerfi le plus âgé d’entre eux. « Il fallait des membres actifs pour distribuer les tracts dans les cafés et les marchés » a-t-il témoigné. Très vite, l’association, sous l’impulsion de Md-Arab Bessaoud, devint une structure militante et prend le nom de « Agraw Imazighen ». Elle affronte ouvertement, sur le terrain politique, le pouvoir de Mohamed Boukharouba (alias Houari Boumediène) qui venait de perpétrer un coup d’État militaire contre Ahmed Ben Bella.

Les années noires marquées par la répression et par le mouchardage des éléments de la Sécurité Militaire n’ont pas dissuadé ce groupe résolu à défendre la langue et la culture ancestrales. Ils ont fait d’Agraw Imazighen une véritable université populaire qui a rayonné jusqu’en 1978, date de sa dissolution. Ils se sont aventurés à publier un bulletin dont le numéro 1 est sorti au printemps 1970. Il était distribué clandestinement et nous parvenait jusqu’en Kabylie et Alger.

Ce travail a été relayé par la création de la coopérative Imedyazen par un groupe de jeunes universitaires dont beaucoup sont passés par Agraw Imazighen. Suite à cette effervescence, Mouloud avait secondé Rachid Ali-Yahia pour créer un parti politique, le FUAA (Front Uni de l’Algérie Algérienne) et a continué à garder une relation militante avec Mohand-u-Ramdane Khacer qui créa, à Roubaix, l’association « Afus deg Fus » pour poursuivre le travail de l’Académie.

L’affirmation identitaire amazigh était ouvertement assumée par Bessaoud et le groupe de jeunes activistes autour de lui. Mouloud était un quasi permanent de la structure logée par le pharmacien Saïd Hanouz à la rue d’Uzès dans le 2ème arrondissement de Paris après avoir été hébergée par Ahmed Hadj-Ali dans le 13ème.

Selon Youcef Hebib, Mouloud signait les cartes des nouveaux adhérents quand Bessaoud était absent et il détenait, chez lui, la première série du drapeaux amazighs. Puisse la famille de Mouloud Kaneb prendre soin de toutes les archives qu’il a laissées. C’est une manière de perpétuer son travail de militant et de faire honneur à son nom désormais inscrit dans le vaste champs mémoriel amazigh. Merci Mouloud, tu restes vivant dans nos cœurs.

 

  1. L’association Iwadiyen de France dont il a été président début des années 2010 informe que la levée du corps aura lieu ce vendredi 2 octobre 10h30 à la Maison Funéraire 7, Bd Ménilmontant Paris 11ème Métro Philippe Auguste. L’enterrement se fera à Ighil Igulmimen (iwadiyen) le dimanche 4 octobre.

Auteur
Hacène Hirèche

 




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