22 décembre 2024
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Miliana 31 octobre 1968 : quand des jeunes étaient sommés d’affronter le feu…

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Miliana 31 octobre 1968 : quand des jeunes étaient sommés d’affronter le feu…

Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1968 aux environs de minuit alors que je quittais la salle de cinéma « Les variétés » à la fin du spectacle en commémoration du 1er Novembre 1954, à la porte de sortie j’assistais à une rafle de la police laquelle embarquait les gens dans un camion et j’ai entendu dire qu’on les emmenait pour éteindre le feu qui s’était déclaré dans le mont du Zaccar.

A ce moment-là, moi je n’ai pas été embarqué mais sur mon itinéraire menant à notre domicile, arrivé à hauteur du commissariat de police, j’ai été appréhendé par un policier, lequel m’ordonna de monter dans le camion stationné à cet endroit, d’autres personnes se trouvaient sur ce camion.

Après l’embarquement de plusieurs personnes, le camion prit la route d’Ain Torki et nous déposa en bord de route dans le quartier de Hamama, si ma mémoire est bonne. Alors là, en pleine nuit, on (je dis ON parce que j’ignore qui dirigeait cette opération) nous intime l’ordre d’escalader la montagne pour éteindre le feu. Oui, on nous a jetés en pleine montagne dans l’obscurité nocturne démunis de tout moyen pour combattre ce feu et je dis bien pas le moindre matériel (ni pelles ni pioches ni haches ni éclairage ou autre). Il fallait combattre à mains nues un feu de forêt en pleine nuit.

Ceux (j’ignore qui étaient-ils) qui dirigeaient cette opération nous ont livrés à une mort certaine. Nous avions donc entamé l’escalade à l’aveuglette dans l’obscurité totale en pleine montagne, j’étais parmi un groupe de personnes dont je ne pouvais connaître le nombre.

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Au fur et à mesure qu’on escaladait, on s’approchait des flammes jusqu’à ce qu’on soit stoppé par d’autres personnes nous conseillant de ne plus avancer et de demeurer loin, derrière les flammes, car un léger vent propageait ces flammes et attisait le feu. On est demeuré à cet endroit jusqu’à ce que, si ma mémoire est bonne, une pluie fine s’ était mise à tomber ; on était replié là, à attendre je ne sais quoi ; un long moment s’ est écoulé et le feu commençait a s’ éteindre ; à ce moment, on voulait quitter cet endroit, en prenant un chemin au hasard, quant à moi, je me suis mis à marcher dans l’inconnu et par hasard, j’étais sur un chemin j’ai continué à marcher sans quitter ce chemin lequel m’a conduit dans la zone ravagée par le feu et je me suis rendu compte que j’étais égaré et seul à marcher à l’aveuglette sur le terrain calciné.

Je continuais à marcher quand même jusqu’à la lueur du jour où j’ai constaté que la verdure de la montagne était devenue un paysage noirâtre et grisâtre, je constatais l’ampleur du désastre : des animaux (sangliers, lièvres ….) calcinés et en progressant sur mon chemin, je suis choqué par un spectacle apocalyptique : des cadavres humains calcinés éparpillés non loin les uns des autres, un premier cadavre, un peu plus loin, deux cadavres, l ‘un à côté de l’autre, plus loin encore, un autre cadavre à genoux les mains à terre, comme s’il courrait pour fuir les flammes qui l’ont rattrapé.

Plus loin encore, un groupe de six à huit cadavres ensemble, l’un d’eux portait de grosses chaussures pas complètement brûlées. Ces cadavres étaient complètement calcinés, méconnaissables, on ne distinguait que la forme humaine. C’était horrible, je ne sais quelle force m’a permis de voir cette horreur et reprendre le chemin de la descente jusqu’à la route d’Ain Torki, au quartier Ras El Akba.

J’ai rencontré ma mère, en grosses larmes, sur la route, elle était à ma recherche, accompagnée de mon grand-père qui me sermonna, croyant que j’étais monté de mon gré.

A la fin de la journée, j’ai appris les noms des victimes dont le nombre atteint 22 morts. Les cadavres calcinés que j’ai vus étaient tous des jeunes et des moins jeunes que je connaissais, parmi eux mes copains. Menés à un suicide collectif forcé, ces jeunes ont connu une mort des plus terribles.

Le lendemain, une manifestation de la population a été violemment réprimée par les forces de l’ordre, le chef de daïra a quitté la ville sous escorte, en compagnie du ministre de l’Intérieur.

J’insiste sur le fait que ces jeunes ont été menés à un suicide collectif, forcé, que j ai toujours qualifié de crime demeuré impuni à ce jour. Ces victimes étaient de braves et grands hommes

Voilà, c’était le récit de cette tragédie que j’ai vécue, que je n’ai jamais oubliée et que je n’oublierai jamais. Il est possible que j’ai oublié ou que je me sois trompé sur certains détails de moindre importance, je me suis concentré sur les faits essentiels

A la date de cette tragédie, j’avais l’âge de 15 ans.

O.B

 

Auteur
O. B.

 




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