25 novembre 2024
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Marche du 10 Mai : L’inévitable duel

DISSIDENCE CITOYENNE

Marche du 10 Mai : L’inévitable duel

Il fait 25°c à Alger. Le soleil est éclatant. Le ciel est d’un bleu paralysant. A 14 heures les marcheurs débutent leur descente du haut de la rue Didouche. La chaleur de ce début de mai, s’écrase sur les épaules et les visages des manifestants. Ils étouffent. Ils sont à jeun. Mais ils sont là, ils sont venus en masse.

Compte tenu du ramadhan, de la température, et des barrages filtrants qui se durcissent et s’étendent au fil des vendredis, jusqu’à atteindre Bab Ezzouar (commune algéroise), ils sont nombreux. Tout est entrepris pour décourager et diminuer le flux de marcheurs et casser la protesta que certains ignorants ont l’outrecuidance et la bêtise de qualifier de manipulation étrangère. Même la circulation des véhicules est autorisée le long du parcours habituel afin de gêner les manifestants.

La police est là mais reste discrète. Les plus jeunes policiers sont quasiment assommés par cette atmosphère ramadhanesque. La gent féminine est présente en force de 7 à 77  ans. Les plus âgées ont préparé la chorba avant de sortir, et les plus jeunes ont laissé leur maman s’acquitter de cette tâche. Même les enfants qui sont exempts de l’obligation de jeûner sont là : ils viennent prêter main forte.

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On voit un jeune papa tenant ses deux enfants qui scandent à sa place klitou lebled ya sarrakin (vous avez ruiné le pays voleurs). Ouyahia est de la fête avec une nouveauté, on chante sur tout le long du parcours   Ah ya cadi dir chouia courage chara3  Ouyahia oua ba3tou lel Harrach  (et juge, arme toi d’un peu de courage et envoie Ouyahia à la prison d’El Harrach). Sur une grande banderole on voit l’inoubliable inspecteur Tahar rabrouant son apprenti qui lui suggère de se rendre en Tunisie pour des  vacances en lui répondant : arrête ton char, on va à club des pins ; pour rappeler l’opération d’expulsion mené cette semaine par l’administration contre les indus occupants de la station balnéaire la plus prestigieuse de la côte algéroise.

On distribue une affichette dont une partie représente un visage tracée au fusain avec l’annotation : cri du peuple yetnahaw Ga3 (qu’on les enlève tous). Sur l’autre on peut distinguer une photo représentant Bedoui et Bensalah, accompagnée de l’inévitable « dégage ». Une autre banderole montre le colonel Amirouche aux côtés de Cheikh Larbi Tebessi.

Les tribuns montés sur des échelles, servant de pupitre de fortune, parsemés çà et là ont réaffirmé leur rejet total des élections préconisés par le chef d’état-major et répètent makach el intikhabat ya l3isabat (il n’y aura pas d’élections les gangs). Des caricatures sont étalées sur le capot d’une voiture. Elles représentent le chef d’état-major : il bloque les issues d’Alger, il gesticule en répétant ils seront tous jugés et enfin, il danse avec Bensalah déguisée en femme avec un grand B et un dégage. Une autre caricature montre Gaïd Salah visiblement énervé et mettant en garde la population. Gaïd Salah dégage, Gaid salah Rais el 3isaba (Gaïd Salah chef du gang), Sorry Sorry Gaid Salah, sont criés tout l’après-midi sans interruption.

Mais le slogan phare qui a été chanté durant toute la manifestation et surtout pendant plus de quinze minutes sans arrêt par des milliers de personnes au niveau de la grande poste est Djeich echaab khawa khawa Gaid Salah m3a el khawana (Armée peuple frères, frères Gaid Salah avec les traîtres). Le Général octogénaire est désigné comme la principale cible par les marcheurs.

Ce vendredi 10 Mai, ils ont déterminé et énoncé l’une des dernières embûches qui se dressait sur leur chemin. Ils ont tenu à marcher et à s’exprimer le ventre creux sous le soleil pour afficher leur détermination. Comme aimait à dire Napoléon Bonaparte : la plus vraie des sagesses est une détermination ferme. Les Algériens en ont car ils en sont pleins : ils le prouvent tous les jours un peu plus.

Même sur les plateaux télé, traditionnellement acquis à la protesta on ne parle plus que d’incarcérations, d’instructions et d’interpellations. On oublie la protesta et ses marcheurs ainsi que leur but ultime : l’instauration d’une deuxième république démocratique et moderne. Mais ils n’en ont cure ils sont là pour le rappeler.

On se perd avec préméditation, dans des considérations de second ordre afin d’étouffer ce mouvement quasi-divin qui a vu le réveil de toute une nation.

Aujourd’hui qu’une bonne partie des protagonistes est sous les verrous ou en voie de l’être, les manifestants se tournent vers ceux qui restent et qui sont le symbole du régime de Bouteflika : ils réclament leur départ. Ils refusent catégoriquement les élections du 4 juillet et se disent décidés à combattre jusqu’à la satisfaction de leur principale doléance.

Soit le changement radical de système, qui débute par des élections libres et honnêtes menés par des structures neutres et impartiales. Ils se retrouvent donc face contre face  avec le chef d’état-major dans un duel inévitable.
 

Auteur
Djalal Larabi

 




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